– Anne Rose Holmer ; 2017 –

The Fits est une oeuvre étonnante, à la fois réaliste et fantastique, riche de la folle énergie d’un casting quasi-exclusivement adolescent. Récompensé par le prix de la Critique au dernier Festival de Deauville, il nous emporte dans un complexe sportif où cohabitent deux univers différenciés que sont la boxe, masculine et la danse, féminine.

Dès le premier plan, la caméra colle au plus près Toni, jeune fille intégrée à l’équipe de boxe, entraînée avec tendresse par son frère aîné. À l’étage du dessus s’entraînent les Lionesses, danseuses de drill et stars de l’école locale. Progressivement, l’intérêt de Toni va la conduire à entrer dans cette équipe de filles extraverties et bruyantes, entraînées avec autorité par les seniors du groupe. Cet événement déclenche une des thématiques principales du récit qu’est l’intégration à une entité, si cruciale dans le processus adolescent. Taiseuse, Toni observe les confidences de ses camarades et tente de s’intégrer au clan, membre hybride tiraillé entre la boxe et ce nouveau sport. Une dualité que la jeune fille va mettre en pratique et dont elle tire profit, alliant chorégraphies dansées et combatives avec persévérance. The Fits est une oeuvre basée sur le mouvement, porté par chacun de ces jeunes corps avides d’exercice et de défoulement.

Réussir à effectuer cette chorégraphie, c’est entrer dans le rythme et devenir semblable au reste du clan, métaphore de l’adolescence et de sa problématique d’intégration. Décriée en raison de son originalité première, Toni alias Popeye se transforme peu à peu en danseuse, intégrant les gestes du drill à ses automatismes de boxeuse et inversement. Cet apprentissage, long et patient, débouche sur l’une des plus belles séquences du film – « LE plan » pour sa réalisatrice – qui voit l’héroïne s’entraîner à l’extérieur, souriant devant ses réussites de danseuse, entraînée au rythme d’une musique enivrante. Toutefois, malgré cette victoire, l’adolescente reste une étrangère pour le reste du groupe, elle qui n’a pas encore été touchée par une maladie qui fait alors rage dans le gymnase et qui frappe tour à tour les jeunes filles de l’équipe…

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The Fits – qui signifie « tremblements » mais aussi to fit, « s’intégrer » en anglais – passe du réalisme à une fiction assumée jouxtant le film d’horreur en introduisant l’élément perturbateur des convulsions. Une menace plane constamment sur les personnages, frappant chaque adolescente au hasard, l’immobilisant dans une transe effrayante et mystérieuse. Une maladie que nul ne sait expliquer et qui rode autour de l’héroïne, filmée de près par une caméra immersive. Les plans se font longs, suivant lentement les pas de Toni à travers les couloirs quasi déserts du complexe sportif. Des images bercées par une bande son lancinante qui renforce un sentiment d’emprisonnement dû à ce lieu tantôt dédale et prison. Pour cause, l’intrigue se limite au gymnase et ses environs proches, enfermant ses personnages dans un lieu grillagé où l’on a seulement laissé libre cours au ciel, baigné dans une froide lumière hivernale.

C’est dans ce décor pourtant hostile que va s’épanouir la jeune fille qui emprunte un parcours initiatique vers la féminité. L’héroïne franchit diverses étapes – intégration, danse, amitié – jusqu’à être elle-même touchée par la grâce. Un final digne d’un clip : léché, lumineux, pétillant, vibrant au son de « Aurora », interprété par la chanteuse new-yorkaise Kiah Victoria. Un final représentatif de cette oeuvre qui s’apparente à une éclipse. Illuminée par la jeunesse de ses acteurs, elle regorge pourtant de zones d’ombre, métaphores de l’adolescence. Furtif et lumineux, le film voit la naissance d’une jeune étoile : Royalty Hightower, pleine de promesses. Une interprète au jeu d’une pureté inouïe, dans lequel le silence tient une place élémentaire et où un seul regard suffit pour vous clouer au poteau.

Camille Muller

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