– Claude Lelouch ; 2017 –

Après Un + Une, qui nous racontait l’histoire d’amour niaise et miraculeuse unissant Jean Dujardin et Elsa Zylberstein dans l’Inde des beaux jours, Claude Lelouch nous livre un film choral : Chacun sa vie. L’intrigue est la suivante : un jury de six personnes a été chargé de juger un meurtrier – homicide volontaire ou non on ne le sait pas encore -, introduit à ses fonctions par le juge Dupont-Moretti (avocat de renommée dans le monde réel).

 

Avec cette problématique initiale, Claude Lelouch posait une thèse intéressante qui est celle de la faillibilité du système judiciaire établi. Qui sommes-nous pour juger autrui et décider du sort de sa vie, nous qui n’arrivons pas à nous montrer justes et constants dans notre quotidien ? Une interrogation légitime qui se révèle brûlante d’actualité voire douteuse, au regard des déboires judiciaires de nos politiques… Elle permet au réalisateur de plonger dans la vie d’une multitude de personnages incarnés par les interprètes les plus connus du cinéma français, de Jean Dujardin à Béatrice Dalle en passant par Gérard Darmon et Mathilde Seigner. Une flopée d’acteurs venus interpréter des personnages tourmentés par divers démons : alcoolisme, avarice, trahison pour n’en citer que trois.

Comme nous vous le disions ci-dessus, Chacun sa vie partait d’une idée intéressante mais se perd malheureusement dans une regrettable avalanche de clichés qui enfoncent le spectateur dans un malaise de plus en plus profond. Chaque histoire est traitée brièvement, nous laissant un goût d’inachevé. On comprend mieux l’arrivée massive de clichés aux vues du peu de temps consacré à chaque intrigue : il faut faire vite et marquer les esprits à grands coups, pas le temps de faire dans la dentelle en somme. Ce qui apparaît au départ comme des choix de narration « normaux » et justifiables – l’arrêt cardiaque d’une chanteuse, l’adultère d’un mari homosexuel surpris par sa femme – s’enchaînent à un rythme effréné et cumulent les clichés jusqu’à en donner la nausée. Mention spéciale au ridicule de Christophe Lambert, incapable de camper un alcoolique crédible ; à Bigard voguant constamment sur son robot roulant, assommant ses pauvres patients de blagues lourdes et grotesques ; et enfin, palme du sexisme et du malaise : Philippe Lellouche offrant sa maîtresse à des policiers, qui le sauvera de la contravention grâce … à une pipe ! Pourquoi se priver de vulgaire et de mauvais goût quand on veut dépeindre les plus « sombres passions de l’homme » ?

Metropolitan Film Export

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Chacun sa vie a le mérite de nous montrer toute la beauté de la ville de Beaune, petit bijou de la Bourgogne. Ville d’accueil d’un chaleureux festival de jazz, elle rayonne d’hospitalité et de joie de vivre. Une atmosphère toutefois déchirée par les querelles intestines de ses nombreux habitants. Ces « gens de province » qui, selon les dires de la matrone du coin, seraient « tellement plus sympathiques que ceux de la capitale » et qu’elle observe avec un mélange d’ironie et de tendresse. Une prostituée et gérante incarnée par Béatrice Dalle, l’une des seules actrices ayant su interpréter son rôle avec talent, celui d’une femme désabusée et épuisée mais à la franchise désarmante. Dommage que son personnage n’ait pas gardé toute son indépendance du début, elle qui revient après avoir tenté de prendre sa retraite sur la côte d’Azur (parce qu’être prostituée rend riche), isolée entre ses oliviers et son chat. Car oui, une femme seule, ça s’ennuie sans homme, alors autant revenir sur ses mots et retrouver celui qui nous aime.

Bref, vous l’aurez compris : hormis les interprétations de Béatrice Dalle, Nadia Farès et Johnny Hallyday (toujours aussi drôle et juste), Chacun sa vie se montre aussi éreintant pour la vie de ses personnages que pour notre propre expérience de spectateur. Inutile de préciser que le réalisateur d’Un homme et une femme nous avait habitué à beaucoup mieux.

Camille Muller

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