Révolution d’entre les révolutions voici qu’enfin l’univers DC Comics daigne mettre à l’honneur une héroïne dans une production cinématographique : Wonder Woman nous promet un vent de fraîcheur et de combattivité féminine hors pair sous les traits de la controversée actrice israélienne Gal Gadot. Vraiment ?

PS : Scotchés vous rappelle qu’un premier avis a été donné sur Wonder Woman juste ici. La pluralité des voix définissant notre rédaction s’exprime toutefois dans ce post qui, nous l’espérons, vous plaira !

Rappelons tout d’abord que Wonder Woman naît sous la plume du psychologue et écrivain féministe  William Moulton Martson en 1941. Elle sera ensuite interprétée sur les écrans par l’incroyable Lynda Carter dans les années 70 avant de tomber dans l’oubli pendant plusieurs décennies. Wonder Woman réalisé par Patty Jenkins met donc en scène l’histoire de Diana, fille de la reine Hyppolyte qui veille sur l’île de Themiscyra, berceau des Amazones dans lequel aucun homme ne vit et où ce peuple de femmes guerrières s’entraîne au combat loin du commun des mortels et des affres de la première guerre mondiale qui fait rage sur le continent européen. Dans cette île paradisiaque, Diana a appris de nombreuses langues, le combat et les mythes du monde. Parmi eux l’histoire d’Arès, dieu de la guerre, attire son attention : si un jour celui-ci revenait sur Terre il pourrait déclencher un conflit entre les hommes en corrompant leur cœur. Un jour, le pilote anglais Steve Trevor se crashe sur l’île et les Amazones découvrent qu’une véritable guerre est en train de se dérouler. Diana décide de rejoindre le monde des hommes pour tenter d’abattre Arès et de ramener la paix sur Terre.

WANDER Woman : Errance dans les choix caricaturaux d’un personnage supposé fort.

Avant tout chose, il faut rappeler que la mise en avant d’une femme en tant que super-héroïne dans l’univers des blockbusters est indéniablement une bonne chose. Par le public large qu’elles cherchent à toucher, de telles initiatives sont en effet importantes et doivent continuer. Mais le caractère « novateur » du film vanté par les critiques doit cependant être remis en question : Wonder Woman le film vient après une longue lignée d’héroïnes aussi variées dans leur représentation et leur rôle que Catwoman, Furiosa, Katniss Everdeen, Princesse Leia, Xena la Guerrière, Buffy et j’en passe.
Mais ne nous détrompons pas car sous couvert d’un pseudo-féminisme qui met en avant un personnage principal féminin, lorsque l’on creuse un peu… on n’y découvre pas grand-chose ! Le film passe certes le test de Bechdel et attire notre attention avec quelques phrases cocasses sur la position des femmes à cette époque, mais l’héroïne n’en reste pas moins dépendante des hommes sur de nombreux points. En effet Diana n’a connu que Themiscyra et ne connait absolument pas le monde humain, malgré sa carrure de demi-déesse sa naïveté impose qu’elle soit assignée à suivre Steve qui fait office de protecteur et de guide. Le comique de situation est donc exploité le plus souvent par le biais des réactions de Diana qui se comporte comme elle l’entend et doit être toujours remise sur le droit chemin par le pilote. Mais que serait une femme sans amour ? Avec cette question le film prend position dans les sillons de nos bons vieux contes Disney : Diana deviendra Wonder Woman grâce à l’amour d’un homme et puis c’est tout. Attention spoil tellement attendu qu’il n’est plus un spoil : les pouvoirs de Wonder Woman seront déclenchés grâce à l’amour qu’elle porte pour son guide, le pouvoir de notre héroïne tient donc dans les mains … d’un homme. Dommage. Ajoutons à cela une actrice qui, avouons-le une bonne fois pour toutes, reste tout de même TRÈS sexualisée et d’une beauté conventionnelle incroyable.  J’avoue avoir leurré plusieurs fois les aisselles de Diana dans l’espoir d’y découvrir quelques poils dignes d’une Amazone mais rien de tout cela ne m’est apparu, of course. Notre héroïne est rasée, a de longues jambes, de longs cheveux et attire tous les hommes qui se retrouvent bouche-bée devant elle (car c’est d’abord par son physique plutôt que par ses capacités qu’elle attire).

Warner Bros

Amour, gloire et ralenti.

Le fait est que Diana est bel et bien sexualisée comme on s’y attendait et en cela, rien de novateur bien au contraire. Dans la mise en scène, dans sa présence dans le cadre et surtout dans les TRÈS NOMBREUX RALENTIS, le film tend à nous rappeler que Wonder Woman est avant toute chose une belle femme. Ses apparitions sont très souvent marquées par ces ralentis qui copient à outrance la patte de Zack Snyder avec cependant beaucoup moins de pertinence et tendent à rendre notre héroïne fade. Même les scènes d’actions sont le plus souvent cassées par ces choix. De plus la musique omniprésente du film empêche d’autant plus l’implication du spectateur dans l’œuvre. Comble de la déception, l’incroyable bande originale composée par Hans Zimmer pour Wonder Woman (qui fait sa première apparition dans le Batman v. Superman de Zack Snyder, 2016) apparaît dans le film lors de plusieurs scènes de combat de façon très brève alors même qu’elle offre une puissance qui manque cruellement aux séquences. Les scènes d’actions perdent ainsi beaucoup, noyées dans une musique latente et des ralentis omniprésents, entrecoupées de discours pleins de clichés sur l’amour, la tolérance, « la guerre c’est pas bien »… Là encore l’étoffe de l’héroïne s’effrite pour ne laisser apparaître qu’un cliché de gentillesse et d’amour alors même qu’on attendait d’elle qu’elle soit une véritable guerrière. Même les personnages secondaires et notamment les ennemis des personnages principaux sont très peu exploités. À vouloir faire beaucoup, ce nouveau film nous offre au final très peu.

Warner Bros

Vous l’aurez compris : ce n’est pas dans Wonder Woman que vous trouverez l’héroïne badass dont vous rêviez tant. L’émancipation féminine tant attendue et tant vendue par la presse concernant le film n’est pas encore assez forte pour nous satisfaire. Si le film possède certes quelques atouts, rappelons que Wonder Woman est une production hollywoodienne régie par une industrie avec des codes dont il est encore difficile d’échapper. On voit déjà poindre le ‘féminisme’ comme outil commercial dans ce type de production et c’est, d’une certaine façon, un début. Mais ne baissons pas la garde et demeurons telles des héroïnes du quotidien qui combattent les clichés. Des stéréotypes auxquels n’échappe toutefois pas notre belle Diane, demie-déesse chaperonnée par un banal coéquipier qui n’est autre… Qu’un homme. Nouveau filon de l’industrie cinématographique, la femme indépendante que l’on nous présente ici a encore bien du chemin à accomplir avant de devenir celle que l’on prétend qu’elle soit. S’affirmer : c’est tout ce que l’on souhaite à notre chère Wonder Woman pour ses prochaines aventures, elle qui devrait très vite revenir sur nos écrans au côté de Patty Jenkins, réalisatrice à nouveau à la tête de cette production.
En attendant de retrouver notre Amazone plus indépendante et affranchie que jamais des chers diktats de notre société, vous pouvez dès à présent retrouver des femmes fières et battantes dans nos articles consacrés à Sense 8 (bonjour Sun, Nomi, Amanita, Riley, Kala et exit Metzger) et la monumentale série The Handmaid’s Tale (big up June et Moira). Let’s rock girls !

Élise Saudemont

4.5/5 (2)

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