– Pierre Jolivet ; 2017 –

En nous plongeant dans le quotidien d’une brigade de pompiers, Pierre Jolivet éclaire un métier qui, en dehors des clichés usités, reste encore méconnu. Un film aux allures de documentaire qui, malgré ses lourdeurs, n’en demeure pas moins une agréable surprise.

Ce qui marque d’emblée concernant Les Hommes du feu est le rythme de l’oeuvre, mise au pas par la brigade qu’elle poursuit tout du long. Un film énergique qui décortique avec précision le quotidien d’une caserne de l’Aude, menée par le lieutenant Philippe, interprété avec brio par Roschdy Zem. Un quotidien brusqué par l’arrivée de Bénédicte alias Béné (convaincante Emilie Dequenne), nouveau sous-lieutenant dont le genre ne passera pas inaperçu. Bien consciente de la vigilance et des clichés qu’elle devra affronter, la jeune femme redouble de motivation pour s’affirmer comme l’égale de ses collègues. Dès sa première mission, la pompière est confrontée à un grave accident qui mettra à rude épreuve ses compétences de leader. Une virée catastrophe qui affaiblira considérablement la confiance en soi de l’héroïne et placera toute sa caserne dans une position délicate face à la justice et à la commune. Des problématiques juridiques et économiques qu’aborde Pierre Jolivet au film de son long-métrage, renforçant le réalisme inhérent aux Hommes du feu et offrant un tableau complet du quotidien d’une brigade de pompiers. Un aspect documentaire qui est également visible dans la mise en scène du film, s’attardant tour à tour sur les petits détails de chaque intervention – préparation des pompiers et de leur matériel, enquête juridique sur un feu suspect – mais aussi à l’aspect spectaculaire des incendies, démonstration à la fois grandiose et dévastatrice d’un phénomène naturel.

Studio Canal

Happé par le rythme soutenu du long-métrage, le spectateur fait la rencontre d’une multitude de personnages et entre dans l’intimité de la brigade. Là encore, la caméra de Pierre Jolivet se montre précise et incisive et nous permet d’appréhender les relations tissées entre les membres de la caserne. Des scènes qui retranscrivent à la fois l’unité représentative de la brigade, réunie par un même souci du bien commun, mais également les dissensions qui la déchirent. La relation entre Bénédicte et Xavier (Michaël Abiteboul qu’on adore retrouver depuis Les Revenants) se montre ainsi intéressante, sombrant toutefois progressivement dans une lourdeur épuisante. Les clichés sexistes prodigués quotidiennement par le pompier au sujet de sa nouvelle partenaire traduisent, et c’est bien nécessaire, la composition majoritairement masculine des corps de pompiers. Éclairants, ces échanges n’en demeurent pas moins agaçants et finissent par s’empêtrer dans le sexisme de Xavier, mâle dominant pour qui la direction d’une femme est « contre-nature », déchiré entre son « instinct primaire de protection » et ses convictions machistes.

Studio Canal

Alourdi par des intrigues secondaires qu’il s’épuise à développer, Les Hommes du feu se révèle toutefois être une agréable surprise. Malgré ses relents de paternalisme et de machisme, distillés ça et là au fil du récit et représentatifs – on veut bien le croire – d’une réalité constatée par le réalisateur, l’oeuvre est sauvée par son sens du détail et quelques belles séquences d’émotions. Au cœur de ces scènes : Roschdy Zem, pilier central du film et acteur ici irréprochable. Même si son personnage n’échappe pas à certains clichés – je ne citerais ici qu’une leçon paternaliste donnée à un mystérieux pyromane – l’interprète incarne la qualité principale des Hommes du feu qui n’est autre que sa sincérité. À voir en salles pour se faire une idée, que l’on soit homme, ou femme.

Camille Muller

4/5 (1)

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