– Michael et Peter Spierig ; 2017 –

La mode hollywoodienne des suites, reboots et préquels à foison n’en finit pas, et la saga Saw n’échappe pas à la règle. Sept ans après son chapitre final, qui était également son septième volet, elle met en scène de nouveaux jeux macabres, cette fois-ci menés par les réalisateurs Michael et Peter Spierig (Prédestination) d’après un script des scénaristes derrière un tout autre reboot horrifique : Piranha 3D.

Alors que Kevin Greutert n’a pas eu le droit de réaliser le septième volet en deux parties, en raison de la contre-performance de Saw VI, la société Lionsgate s’est tout de même laissée porter par l’envie de relancer une franchise aux possibilités plus que nombreuses. Difficile de ne pas oublier les nombreux retournements finaux auxquels la saga nous a habitués, bien qu’ils soient devenus, de film en film, de plus en plus tarabiscotés. Jigsaw se contente-y-il de faire le minimum ou renouvelle-t-il tout de même les codes de la saga ? Verdict.

Après une série de meurtres qui ressemblent étrangement à ceux de Jigsaw, le tueur au puzzle, la police se lance à la poursuite d’un homme mort depuis plus de dix ans. Un nouveau jeu vient de commencer… John Kramer est-il revenu d’entre les morts pour rappeler au monde qu’il faut sans cesse célébrer la vie, ou bien s’agit-il d’un piège tendu par un assassin qui poursuit d’autres ambitions ?

Mêmes règles, même résultat ?

Autant le dire d’emblée, la structure narrative de Jigsaw ne change en aucune façon de celle de tous les autres films de la saga. L’oeuvre débute toujours par une scène choc destinée à marquer le top départ de nouveaux jeux mortels avant d’indiquer le titre du film. Même la police d’écriture empruntée pour le générique reste la même que les sept autres volets, à tel point qu’elle semble presque un peu datée. Effet rétro, dira-t-on.

Les fans de la saga ne seront donc pas surpris de voir à nouveau le film alterner les scènes de mise à mort et l’enquête policière en parallèle. Autre ingrédient indispensable des Saw : l’arrivée de troupes d’unité d’élite lourdement armés et vénères, sous la musique du compositeur Charlie Clouser – lui aussi rescapé de la saga treize ans après le premier volet. Le thème emblématique du Tueur au Puzzle est de retour, sous de nouvelles variations appréciables.

Copyright : Metropolitan FilmExport

Là où Jigsaw change radicalement de ses prédécesseurs, c’est au niveau de son esthétique beaucoup moins morbide. La teinte verdâtre/jaunâtre de l’image laisse place à une photographie plus nuancée, accordant ainsi au film un cachet beaucoup plus classique. Ces changements se ressentent également dans les autres principaux rouages de cet opus. De volet en volet, la saga Saw et ses scénaristes tentaient de repousser les limites de la torture en imposant des pièges à l’efficacité redoutable, et d’une violence inouïe. Le montage hyper saccadé, utilisé à son paroxysme par Darren Lynn Bousman puis ses successeurs lors des scènes d’horreur, fait place à une vision frontale et succincte. Comme si les frères Spierig avaient davantage envie de construire un thriller plutôt qu’un film d’horreur, tant ils essaient davantage de se concentrer sur ce qui motive ces nouveaux agissements, dix ans après la mort de John Kramer.

Parler au nom des morts

Difficile de parler de l’intrigue de ce Jigsaw sans entrer dans les détails, mais l’on peut du moins affirmer qu’il s’agit davantage d’un « soft reboot » que d’une suite directe au septième opus. Inutile d’attendre des nouvelles du Docteur Gordon ou de Hoffman (d’accord, il est probablement décomposé dans la fameuse salle de bain de la saga, mais sait-on jamais), puisque seul plane le fantôme de John Kramer. La question de son héritage est au cœur de l’intrigue, comme elle le fut déjà dans les épisodes quatre à sept, lorsque Hoffman, Jill Tuck (la femme de Jigsaw) et Amanda se disputaient les commandes du jeu voulu par le tueur.

La question n’est donc pas nouvelle, et la campagne promotionnelle du film a d’ailleurs insisté sur le sujet : nous sommes tous Jigsaw. Qui peut donc être suffisamment légitime pour reprendre l’œuvre de John Kramer ? Le script tente de balayer les doutes, peut-être de manière trop grossière tant les personnages sont archétypaux : le flic pourri, la fan de Jigsaw, le vétéran de guerre torturé… Le retournement final, pourtant le climax de tous les autres films, a un arrière-goût amer tant sa justification semble farfelue et éculée.

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Toute la saga a tourné autour du concept de justice et de pardon : les pièges de Jigsaw étaient conçus pour que ses victimes puissent s’en sortir et tirer une leçon de la souffrance qu’elles ont endurées. Là aussi, les nouvelles victimes du tueur peinent à convaincre (leurs interprètes également) puisque leurs méfaits n’ont presque aucun rapport avec la souffrance de Kramer, contrairement à celles des autres opus. Si les ficelles de son scénario sont un peu trop visibles (puisqu’il pioche un peu partout dans les précédents films), Jigsaw demeure néanmoins suffisamment rythmé pour tenir en haleine les spectateurs, et convaincant pour faire découvrir la saga à un nouveau public. Les fans hardcore seront quant à eux déçus par le cruel manque de nouveaux éléments dans la mythologie Saw.

Gabin Fontaine

3/5 (4)

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