-Thierry Klifa ; 2017-

Handicapée depuis un accident de voiture, Julia (Diane Kruger) habite avec sa mère Louise (Catherine Deneuve) dans une maison bourgeoise du Sud de la France. Un environnement cossu dans lequel s’est introduit Rodolphe (Nicolas Duvauchelle), dealer de Sète et amant – ou gigolo – de la belle boiteuse. Suite à l’une de leurs nombreuses disputes, le jeune homme est assassiné par celle qui l’aime, la meurtrière trouvant refuge auprès de sa mère pour gérer cette situation de crise. Endetté auprès de la mafia du coin, Ben – alias Nekfeu pour son premier rôle au cinéma – flaire l’implication des deux femmes et décidera de les faire chanter à propos du meurtre de son ami disparu.

Nul besoin de s’étendre longuement sur la liste des qualités de Tout nous sépare tant celle-ci se montre brève. Bâti sur une intrigue simple combinant trafics de drogue et relation amoureuse néfaste, le dernier long-métrage de Thierry Klifa se montre d’une prévisibilité déconcertante. Des petites frappes à la vie embourgeoisée de Julia et Louise – veuve d’un mafieux roi d’une zone portuaire de Sète et amie du flic du coin – au parrain de la cité, l’œuvre égrène les clichés et les simplifications, retirant toute profondeur à ses personnages. Entre la violence primaire de Duvauchelle qui fait sombrer Rodolphe dans le ridicule et le désespoir agaçant de Julia en proie à ses démons tant moraux que sexuels, le long-métrage fait montre d’un manque criant de nuances. Les relations tissées entre ses protagonistes sombrent elles aussi dans le même écueil, celle liant Deneuve et Kruger sortant toutefois du lot. Symbolisant une relation mère-fille faite d’un amour inébranlable et d’une colère sourde, les deux actrices se montrent particulièrement habiles dans ces scènes familiales. Les rapports entre Julia et les rôles masculins se montrent quant à eux d’un sexisme alarmant. Cantonnée à la figure de l’amante et défouloir des passions les plus violentes tant sur le plan purement physique que sexuel, ce personnage ne fait qu’animer les désirs les plus bas et n’est jamais considéré autrement que comme un exutoire pour les hommes qui l’entourent. Sensées éclairer l’autodestruction à laquelle prend part l’héroïne, les scènes érotiques réunissant Julia et Rodolphe ne font qu’enfoncer des portes ouvertes et limiter l’héroïne à son caractère hypersexualisé.

Au-delà de ces manques tant en termes de scénario que de direction des acteurs, Tout nous sépare se montre également bien faible en termes de réalisation. Zooms à outrance, fondus dignes d’un mauvais téléfilm, mouvements de caméra incontrôlés, accumulations de plans descriptifs inutiles… Autant de lourdeurs sur lesquelles vient se greffer une bande originale sans finesse qui renforce le côté si prévisible de l’œuvre. Parmi tous ces défauts s’élève toutefois une révélation louable en la performance du rappeur Nekfeu. Auparavant habitué des clips, concerts et plateaux télé, le chanteur se prête habilement au jeu et s’en sort relativement bien. Malgré quelques faiblesses dans ses quelques scènes « à émotions », l’acteur se montre très convaincant dans ce rôle qui, on le regrette, ne le sort toutefois pas de son « personnage public ». Ses séquences partagées avec Catherine Deneuve, bien que représentatives d’une complicité évidente, sont encore une fois gâchées par le côté bâclé dont fait preuve Tout nous sépare. Cette relation riche sur le papier manque, encore une fois, cruellement de profondeur. Espérons que Nekfeu l’acteur trouvera réalisateur pour tirer le meilleur de son tout jeune talent et lui offrir des rôles moins attendus.

Camille Muller

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