Invités dans le cadre du cycle « Le Monde est Stone » organisé par le Forum des Images en l’honneur et avec la collaboration du réalisateur Oliver Stone, les rédacteurs cinéma de Scotchés reviennent sur certains des plus grands classiques du cinéma américain.
Aujourd’hui, retour sur Greetings de Brian De Palma, œuvre méconnue du cinéaste réalisée en 1968 et dépeignant un trio d’amis totalement barrés, représentatifs d’une Amérique en pleine évolution, engagée dans la guerre du Vietnam.

C’est un objet filmique bien particulier que nous présente ici Brian De Palma, mêlant comique de l’absurde, genre documentaire, film de guerre et reportage conspirationniste. En s’attachant aux destins particuliers de Jon (Robert De Niro), Lloyd (Gerrit Graham) et Paul (Jonathan Warden), le réalisateur des futurs Carrie au bal du diable et Scarface dépeint un portrait totalement décalé des États-Unis des années 1960-70. Dans une première partie complètement jubilatoire, faite de mini-sketchs prouvant tout le talent comique de ses acteurs, le metteur en scène se plaît à décrire les stratagèmes mis en place par ces hommes pour ne pas être enrôlés dans l’armée. Passer pour un extrémiste, un homosexuel pervers ou un fou sont autant de techniques répétées pendant des jours entiers par le trio pour échapper aux mailles du système militaire. Voir Gerrit Graham et Robert De Niro filer leurs tuyaux loufoques et inefficaces à un Jonathan Warden médusé – et assommé – se révèle tout à fait tordant et pose d’emblée le ton révolté et barré du long-métrage envers la société américaine et son ingérence au Vietnam. Au côté de cette galerie déjà bien toquée défilent des personnages tout aussi marginaux, symboles d’une nation rongée par le vice et la bêtise, du vendeur de films pornos à l’actrice en herbe à la naïveté aberrante en passant par le conspirationniste obsédé par l’affaire JFK.

Lancés dans trois quêtes différentes que sont le meurtre de JFK, les rencontres amoureuses électroniques et le voyeurisme, les protagonistes présentés à l’écran nous embarquent dans des aventures défiant tout bon sens et morale. Entraîné à un rythme effréné au côté de ces hommes à la candeur risible touchante mais aux penchants plus ou moins inquiétants et malsains, le spectateur savoure cette œuvre unique rythmée par une bande-son pleine d’énergie qui vient renforcer l’aspect « farce » du film. Véritable satyre des États-Unis, jouant allègrement avec la révolution sexuelle (on se souviendra longtemps de la dernière rencontre de Paul Shaw avec « la femme au foyer sans son mari »), la guerre du Vietnam et l’affaire JFK, Greetings se révèle être un véritable pied de nez à la nation américaine, mêlant images de fictions et extraits télévisés. Bien que souffrant de quelques longueurs, cette comédie mordante est portée par l’impeccable performance de son casting, parmi lequel Robert De Niro se montre tout à fait délicieux, voyeur hors-pair dont les pulsions ne sauraient être contenues par le danger inhérent à une embuscade en pleine campagne vietnamienne. On ne peut que vous conseiller cette œuvre méconnue et pourtant si savoureuse, qui offre une vision légère et pourtant pleine de sens sur l’Amérique des sixties-seventies.

Camille Muller

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