-Roar Uthaug ; 2018-

Les jeux vidéo ont toujours eu une vie difficile au cinéma, à tel point qu’il est courant de voir traîner le terme de « malédiction » à propos de ce genre de projets. Allant d’un Silent Hill ou d’un Warcraft assez canons mais perclus de défauts à l’abominable Hitman : Agent 47, aucune des nombreuses tentatives de transposition n’a réussi à donner un film vraiment convaincant. Ce nouveau Tomb Raider débarque donc avec dans le viseur l’envie d’être le premier à briser cette malédiction et d’élever le niveau des deux premières itérations de Lara Croft, franchement pas terribles.

Las, Alicia Vikander aura beau morfler pendant des heures avec une certaine forme de masochisme et bander ses tout nouveaux muscles pendant un entraînement de free fight percutant mais gâché par son sur-découpage épileptique, et une course de vélos plutôt correctement emballée, elle ne parviendra pas à sauver un long-métrage indigent.

Ces deux premières séquences qui constituent les 15-20 premières minutes du film nous ont pourtant curieusement mis dans d’assez bonnes dispositions et ont presque réussi à nous faire oublier les effets spéciaux pas cuits de la bande annonce et le fait que Tomb Raider a été consciencieusement dissimulé à la presse avant sa sortie. Heureusement (ou pas), il s’agissait bien de l’arbre qui cache la forêt, ou plutôt l’île. En effet, une fois arrivés sur le lieu principal de l’action qu’est l’île de Yamatai après un périple en bateau très très bancal, le film n’aura de cesse d’empirer. Si on devait dresser une liste, on attendrait d’un Tomb Raider un survival d’exploration solitaire et mystérieux, des énigmes prenantes, un peu d’action et de gunfights nerveux et une pincée de surnaturel mystique. Ô gamer qui attend de retrouver le grisant sentiment de débrouillardise inhérent à n’importe quel jeu de survie, sache que tu entres ici dans une bien triste forêt. En effet, si, manette en main, l’activité du joueur comble parfaitement 4 heures de solitude et de silence, personne ne semble s’être demandé ici comment transposer cette sensation efficacement dans un medium très différent qui place le spectateur dans une position passive.

Warner Bros France

Fort de ce constat, le réalisateur Roar Uthaug a préféré agiter les totems des différents jeux passés et rejouer quelques scènes-clés sans même essayer de faire autre chose que de remplir un cahier des charges. En revanche, il se montre très consciencieux dans son abattage de clichés de metteur en scène de film d’aventure. Comme la pire des cantinières de colo, il servira la soupe et passera en revue tous les tics les plus pénibles de récit d’aventure un par un, voilant la pauvreté extrême de son film avec les cache misères les plus honteux : messages laissés sur des caméras « à ne lire que si je suis mort », flashbacks désaturés, gros plans sur des dossiers avec écrit CONFIDENTIEL dessus, sectes voulant dominer le monde, carnets secrets et autres dramas familiaux qui feraient pleurer Dallas de honte.

La mise en image est également à l’aune de ce je m’enfoutisme : le montage sur-découpé agrémenté d’une surdose de shaky cam et de quelques lens flares  parasites tentent ainsi de masquer l’absence totale d’inspiration des scènes d’action, les raccords foireux et le manque flagrant de finition des effets spéciaux. Les énigmes sont soit du niveau de ce qu’on peut trouver au dos d’un paquet de Choco Pops (dédicace à celle des visages d’Himiko, un genre de Simon un peu hardcore où l’on apprend à mélanger des couleurs), soit d’un mépris rare pour les spectateurs, qui n’auront même pas la chance de participer à leur résolution et devront se contenter de voir des gens réfléchir et décoder/expliquer des signes (l’ouverture de la tombe d’Himiko nous montre littéralement quelqu’un en train de réfléchir sans nous faire participer). Quant au surnaturel et au merveilleux, le film fait preuve dans son dernier quart d’un scientisme qui rendrait gris même le plus coloré des livres de Terry Pratchett. À la limite de l’insultant pour n’importe quelle personne ayant un jour rêvé d’une autre terre moins terre à terre qui resterait un mystère, Tomb Raider se croit malin en donnant des explications rationnelles à toute une génération de gamers ayant mis les pieds à Atlantis et affronté des T-Rex au côté de Lara Croft, mais il ne démontre en réalité qu’une seule chose : il n’a rien compris à ce qui fait le charme des récits d’aventures, ceux qui font rêver d’Ailleurs.

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Pour finir, n’espérez pas non plus vous raccrocher aux personnages, tous plus creux les uns que les autres. On apprécie certes que Walton Goggins fasse ce qu’il peut pour essayer de donner de la profondeur à un antagoniste en carton pâte ou que Daniel Wu use de ses charmes pour amener (avec succès) un personnage nuancé et un peu paumé avant d’être complètement éludé au bout de 40 minutes de film. Malheureusement ils n’auront jamais assez de présence pour faire oublier les blagounnettes tro rigolol maxi-badass d’Alicia Vikander ou encore le cliché freudien sur pattes Dominic West / Richard Croft, pénible adjuvant / McGuffin principal qui ne se résume qu’à un assemblage de ficelles scénaristiques grosses comme des câbles de chantier. Tous deux d’ailleurs méritent leurs Oscars de la meilleure mine de chien battu et de l’endive la plus racornie.

Bref, inepte et surtout extraordinairement fumiste, Tomb Raider ne mérite ni 2h du temps de n’importe quel être humain sur cette planète, ni même la page Word et demi qui vient de lui être consacré.

Lino Cassinat

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