-Deniz Gamze Ergüven ; 2018-

Deniz Gamze Ergüven nous plonge dans le quotidien d’une famille afro-américaine lors des tensions raciales du début des années 1990 à Los Angeles à la suite de l’affaire Rodney King.

 

Une mère protectrice

Millie est une femme qui déteste la simple pensée d’un enfant vivant seul, replié sur lui-même. Elle accueille donc des jeunes chez elle, pour leur éviter une vie en centre d’accueil. Elle en vient à les considérer comme sa propre progéniture. Elle livre des gâteaux pour gagner de l’argent et tenter d’offrir une vie correcte à sa famille. Cette mère de substitution fait tout pour les protéger des mauvaises fréquentations et éviter qu’ils ne glissent vers une vie de délinquance et de violence très inscrite dans le quartier défavorisé dans lequel ils vivent. Dans un contexte de tensions entre jeunes noirs et forces de l’ordre sur fond de procès contre quatre policiers accusés d’avoir tabassé un Noir sans défense – Rodney King, Millie tente particulièrement d’éloigner les deux garçons les plus âgés qu’elle garde -William et Jesse- des ennuis. Ils se persuadent que les policiers ne peuvent pas s’en tirer, surtout avec la vidéo amateure prouvant l’agression. Or les policiers vont être acquittés. Et si Jesse résiste à l’envie de participer à des expéditions punitives, William ne l’entend pas de cette oreille.

Ad Vitam

Des images dures

La réalisatrice du film n’a pas hésité à filmer au plus près ses personnages, pour nous donner l’impression de participer aux émeutes à leur côté. Il y a ainsi une scène où Millie se fait embarquer par la police, où la caméra la saisit, en plein milieu de la foule et la suit même jusque dans la voiture de police. Il y a d’ailleurs un plan en plongée, totalement parallèle à la position horizontale de Millie, qui est sans doute un miroir de la façon dont les policiers la perçoivent quand ils la portent et la force à entrer dans le véhicule.
Rien que par cette scène on comprend que le but est d’immerger le spectateur dans les évènements tragiques que nous narre le long-métrage. Les scènes de violence en tant que telles sont parfois filmées de plus loin, même si on trouve également des scènes de bagarre filmées de près. On suit les personnages au rythme du son des coups de feu, qui retentissent sans arrêt et qui créent un climat de tension et de peur permanent.
On peut d’ailleurs souligner la très bonne performance de Halle Berry en mère célibataire, qui tente de cacher ses propres peurs afin de protéger ses enfants. Lamar Johnson est également très convaincant dans le rôle de Jesse, voire bouleversant. Il est capable de transmettre par le simple regard la tristesse, la colère ou encore le doute. Il a su s’approprier son personnage avec talent. La déception de ce film repose plutôt sur le personnage de Daniel Craig, rare blanc du voisinage, connu pour avoir des crises de colère mémorables et que Millie n’apprécie guère. Pourtant, sans aucune transition, il va se retrouver à aider sa voisine et leur relation change du tout au tout en à peine quelques heures. Ce changement brutal surprend, et donne lieu au développement d’une relation non nécessaire et cliché. Mais on peut aussi voir ces évolutions rapides comme un miroir de l’oeuvre, qui est toujours pressée, passant d’une action à une autre dans un rythme haletant. Les personnages sont, après tout, dans une situation où ils cherchent tout simplement à survivre, quitte à agir de façon totalement incohérente ou incompréhensible par rapport à leur personnalité initiale.

Ad Vitam

Kings est donc un film au rythme infernal, qui raconte les émeutes de Los Angeles en 1992 par le biais d’une famille afro-américaine. L’attachement qu’on va ressentir pour certains personnages va multiplier les chances de totalement s’immerger dans l’histoire et de se sentir bouleversé par ces histoires personnelles, qui s’imbriquent à la grande Histoire. Et le film est d’autant plus glaçant, que les violences policières envers les minorités raciales aux États-Unis, particulièrement les Noirs, et l’impunité des forces de l’ordre dans ce genre d’affaire, sont toujours d’actualité et nous rappelle l’importance d’un mouvement tel que Black Lives Matter.

Amélie G.

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