– Juan Antonio Bayona ; 2017 –
Quelques minutes après minuit est un film fantastique qui côtoie le registre dramatique. Il est inspiré du roman éponyme écrit par Patrick Ness. Le film met en scène Connor, un jeune garçon qui est confronté à la maladie de sa mère et subit de nombreuses intimidations de la part de ses camarades d’école. Force est de constater que le jeune homme n’a pas la vie facile. Pour oublier ces soucis du quotidien, Connor s’évade chaque nuit dans un monde imaginaire où un monstre vient lui raconter des histoires.
Réalisé par Juan Antonio Bayona, le casting du film comprend l’acteur Liam Neeson – oscarisé pour La Liste de Schindler – dans le rôle du monstre et les talentueuses Sigourney Weaver (Alien) et Felicity Jones (Une merveilleuse histoire du temps, Rogue One).
On y découvre également le jeune Lewis Macdougall dans le rôle de Connor. Je m’attarderais d’ailleurs quelque peu sur ce jeune acteur découvert dans ce film. À à peine quatorze ans, cet acteur démontre un jeu déjà très puissant. Il endosse son rôle de jeune adolescent avec une grande maturité, à la fois touchant et bouleversant, représentant clairement la grande révélation de ce film. La présence de Felicity Jones dans le rôle de la mère malade qui ne sait pas comment annoncer à son fils la gravité de son état parachève la décharge émotionnelle que transmet l’oeuvre. Enfin, la performance de Weaver est elle aussi à souligner. Elle réussit à nous faire aimer la grand-mère du héros, femme autoritaire mais bienveillante qui œuvre au bonheur de tous dans un environnement pourtant chaotique.
Fort d’un casting sur mesure, le film est également marquant du point de vue de la réalisation. L’usage récurrent des plans rapprochés met l’accent sur l’émotion de chaque personnage, plaçant leurs yeux au cœur de l’image. Des yeux qui sont le reflet de la vie selon le personnage de Felicity Jones. Côté esthétique, toutes les scènes avec le monstre sont pensées comme de véritables successions de tableaux d’aquarelles qui, mis bout à bout, forment une histoire cohérente et traduisent l’amour du dessin du jeune héros.
Notons que les effets spéciaux permettent essentiellement de rendre compte de la grandeur du monstre. Il porte avec lui un monde fait de chaos et de ruine. Ce motif récurrent de l’imaginaire du héros traduit la colère qui réside constamment en lui. Pour cause, le héros est révolté contre le monde entier, vivant la maladie de sa mère comme une injustice insoutenable. Tout l’univers fantastique montré dans le film est une grande allégorie de ce que ressent ce garçon. En fin de compte, c’est un moyen pour lui d’affronter une réalité bien trop dure à vivre. La frontière entre imagination et réalité devient ténue et le spectateur en viendrait même à se demander si ce monde féerique ne serait pas préférable à la réalité.
Quelques minutes après minuit est donc un film fantastique traitant de thématiques très concrètes. En fin de compte, c’est l’histoire d’un jeune adolescent pas comme les autres, un artiste dans l’âme qui pour supporter le poids de la vie quotidienne invente son propre monde. Un jeune qui ne veut pas accepter l’idée de laisser sa mère partir un jour, son plus grand cauchemar. Face à ce constat, le monstre peut-être vu comme Connor lui-même. Cette créature fantastique représenterait le parcours intérieur du protagoniste pour accepter l’inévitable. En ce sens, le film se montre très poétique et source d’espoirs, malgré l’accumulation d’événements dramatiques. Une lueur de vie est toujours présente même dans les moments les plus sombres. C’est le message que transmet ce long métrage.Tout ne se termine pas bien, mais cela ne veut pas dire que l’espoir disparaît.
Si on me demandait de définir Quelques minutes pour minuit je dirais que c’est une ode à la vie. C’est un poème imagé d’une heure quarante qui nous rappelle que « science fiction » ne veut pas forcément dire rupture avec la réalité. La science fiction peut être une autre façon de réinventer le monde, de faire face à la vie. Connor en apprend plus sur le courage et l’acceptation de la vérité dans son monde imaginaire que dans la réalité. Le film rappelle à juste titre qu’il ne faut jamais sous estimer le pouvoir de l’imagination et son impact sur le monde réel.
Amélie G.
Comments by Amélie Guichard