– Edouard Baer ; 2017 –
Edouard Baer nous emmène dans une ballade folle dans les rues de Paris la nuit avec ce film réalisé par ses soins. Il met en scène l’histoire de Luigi, un patron de théâtre en pleine, dérive budgétaire. Face à la fronde de ses employés qui dénoncent des retards de paiements Luigi se retrouve obligé de chercher un singe pour la première d’une pièce qui a lieu le lendemain. Il est alors transporté dans une aventure folle, accompagnée d’une jeune femme, stagiaire au bar du théâtre.
Le scénario du film est déjanté. Le genre d’histoire que seul Edouard Baer peut raconter et rendre crédible. Il nous fait découvrir la folie des nuits parisiennes et les élucubrations d’un personnage à l’ego surdimensionné. Le réalisateur nous transporte dans le Paris fêtard. Le rythme fou de ces soirées parisiennes est rendu à l’écran : les plans défilent à un rythme rapide et traduit la tournée effrénée des bars de Luigi et de sa stagiaire, Naeza. L’occasion pour Luigi de transmettre sa vision de la vie régie par un seul mot d’ordre : « Carpe Diem » ! Toutefois, le héros se révèle bien plus hétéroclite qu’il ne le laisse penser au premier abord. En effet, fêtard, il aime tout autant écumer les bars parisiens que se réfugier dans l’ambiance familiale d’un ami de Montreuil, se révélant plus profond qu’on ne l’aurait cru.
Au fil de l’intrigue se forme ainsi une bonne entente entre lui et Naeza. Au départ, sa comparse se trouve être une fille posée, le parfait contraire de Luigi. Mais au fur et à mesure que la nuit avance, elle découvre une autre facette du héros, moins extravertie ce qui permet à une entente de naître. Cela n’efface toutefois pas le côté sombre du personnage qui demeure très égoïste et agace Naeza à de nombreuses reprises. Malgré tout il se révèle être un personnage complexe à la carapace fragile qui semble encore parfois se chercher. Ces hésitations en font un personnage particulièrement touchant.
Le road-trip nocturne dans Paris est également l’occasion pour le réalisateur de jouer avec le temps. En effet ce dernier semble s’allonger à l’infini dans cette nuit parisienne et c’est autant de possibilités d’aventures qui s’ouvrent aux personnages. Le côté dramatique prend alors le pas sur le côté comique. Et c’est peut être le seul bémol qu’on peut reprocher au film. Le film décrit la dureté de la vie sur un ton plutôt sérieux. Il n’offre donc pas beaucoup d’occasions de rire, ce qui est étonnant pour un film tout de même catalogué comme comédie, et qui pourrait ainsi véhiculer un sentiment de déception. Mais l’histoire est si belle et prenante que l’on pardonne à Edouard Baer la rareté des moments purement comiques de son œuvre.
Enfin, il faut également souligner la performance des deux personnages féminins qui entourent celui d’Edouard Baer. Audrey Tautou joue le bras droit et meilleure amie de Luigi. Elle excelle dans ce rôle de femme d’affaires qui essaye tant bien que mal de relativiser les effets des mauvais choix faits par Luigi. Sabrina Ouazani quant à elle endosse le rôle de la stagiaire et surprend agréablement. Elle fait preuve d’un charisme incroyable et son personnage dégage une autorité étonnante.
Ouvert la Nuit est aussi l’occasion de redécouvrir le regretté Michel Galabru qui transperce, une dernière fois, nos grands écrans de son talent. Incarnant un acteur, c’est son dernier grand rôle sur mesure qui permet par extension de nous offrir une belle mise en abyme et rendre un magnifique hommage au monde du spectacle. Un univers que l’on peut concevoir comme un très miroir de ce que sont nos vies.
Amélie Guichard
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