Jackie divise deux rédactrices de Scotchés. L’occasion pour elles de vous donner leur avis sur le dernier film du prolixe Pablo Larrain.
Jackie : la déception
Le biopic sur Jackie Kennedy réalisé par le chilien Pablo Larrain est un projet ambitieux. Acclamé à la Mostra de Venise, ce film était très attendu des amoureux d’histoire et de biopics. Mais mis à part une très belle performance de Natalie Portman, le film se montre assez décevant.
Une Natalie Portman grandiose
Natalie Portman, qui, en 2015, s’est vue confier le rôle de Jackie Kennedy, nous livre avec ce film une de ses plus belles performances. Elle épouse à la perfection les traits de la légendaire Première Dame des Etats-Unis comme le met en valeur le réalisateur qui se focalise beaucoup sur son visage.
Il faut dire que Natalie Portman sait transmettre les émotions du personnage de façon admirable : entre la souffrance naturelle de la veuve et la femme qui doit faire preuve de retenue en tant que personnage public, les regards de l’actrice résument à eux seuls l’enjeu de la situation. En effet, le personnage de Jackie oscille sans cesse entre réalité et performance, quitte à s’y perdre parfois. Ce constat permet d’ouvrir une réflexion sur l’image, ce qui peut être dit ou pas publiquement dans ce genre de situation mais aussi sur l’aspect théâtral donné à cette mort tragique de Kennedy dont le point culminant est la procession dans les rues de Washington le jour des funérailles. C’est d’ailleurs le rare aspect intéressant et captivant de ce biopic qui reste tout de même plutôt une déception.
Un biopic conventionnel
Le choix a été fait par le réalisateur de se concentrer sur les quelques jours suivant l’assassinat du président Kennedy à Dallas. L’idée de raconter ce qui a pu se passer dans les coulisses après cet événement tragique était une bonne idée. Malheureusement le rythme devient vite lassant et répétitif. Les mêmes thèmes se répètent : le deuil, l’organisation des funérailles, la théâtralisation de l’assassinat, et on finit par avoir l’impression d’un ressassement interminable. En outre, le réalisateur ne prend pas de grands risques concernant les thèmes abordés. La façon de traiter l’histoire demeure très conventionnelle et n’ajoute pas beaucoup de profondeur à ce qu’on peut déjà connaître du drame. Les possibles infidélités du président Kennedy sont ainsi vaguement mentionnées mais sans que la question ne soit réellement approfondie. Jackie se contente de dire qu’elle ne pouvait pas le détester car il restait un bon père malgré tout, discours très classique en somme et qui rate donc l’occasion de donner un peu plus de profondeur à ce personnage d’épouse bafouée. Cette immersion aurait permis de rajouter de l’exclusivité dans une intrigue maintes fois traitée.
Cette prudence certaine du metteur en scène participe donc de la déception que l’on peut ressentir devant ce long-métrage. Une œuvre que même la performance de Natalie Portman n’aura pu sauver, tant il se montre peu surprenant et redondant. Et c’est vraiment dommage.
Amélie Guichard
Jackie : récit historique plein d’humanité
Souffrant de quelques longueurs et essoufflements, Jackie n’en demeure pas moins un biopic de grande qualité, profond et complexe, porté par la performance époustouflante de Natalie Portman, une bande-son parfaitement choisie et une photographie magnifique. Un bon film historique auquel s’ajoute des qualités dramatiques très bien maîtrisées et qui en fait à mon sens un film important de ce début d’année.
En s’attelant au biopic de Jackie Kennedy, Pablo Larrain prend possession d’une partie fondamentale de l’histoire des Etats-Unis. Car Jackie est l’une des premières dames les plus marquantes du pays, caractérisée par son élégance et son humilité. Parfaite mère au foyer, elle représentait un socle pour son mari le président JF. Kennedy. Jackie semblait ainsi vivre la vie tant rêvée, aimée par un mari au sommet du succès, entourée des amis les plus influents et de ses deux enfants exemplaires. Un portrait que Pablo Larrain va peu à peu fracturer, en nous faisant côtoyer la première Dame dans les jours suivant l’assassinat de son mari à Dallas. Nous nous retrouvons ainsi dans le rôle de témoin, à l’image de ce reporter cherchant à retracer le quotidien de cette femme brisée. Une conteuse qui distille peu à peu des informations concernant sa vie passée, le meurtre de celui qu’elle aimait, les préparatifs de l’enterrement. Un récit laborieux mais maîtrisé, à l’image d’une femme noble et pleine de retenue, soucieuse de conserver intact l’image qu’elle et le président ont bâti pendant ces deux années à la Maison Blanche.
Jackie traduit le soucis historique de son réalisateur qui maîtrise avec brio un enchevêtrement complexe d’événements plus ou moins lointains du récit contemporain que livre l’héroïne à son interlocuteur. Images d’archives, flash-backs entendent donner une vision plurielle des faits et offrir un portrait nuancé de cette première dame mythique. Même si le récit souffre de longueurs évidentes et de quelques redondances, il n’en demeure pas moins captivant en raison de son sens du détail et du talent de ses acteurs. Natalie Portman nous livre peut-être ici son meilleur rôle, incarnant Jackie Kennedy jusque dans ses intonations feutrées et sa posture à la fois élégante et gênée. Elle traduit à merveilles la déchirure s’opérant constamment en son personnage, souhaitant faire bonne figure au milieu du chaos et pourtant emportée par un chagrin sans fond. Cette interprétation permet d’humaniser à nouveau une femme devenue légendaire et hermétique au fil des représentations et des années. Pablo Larrain, lui, nous montre à quel point Jackie était un être dual, à la fois tenace et fragile, en proie à une détresse inconsolable alors que tout son monde s’effondre. Une séquence magistrale – sûrement l’une des plus belles du film – nous la livre sans défense, déambulant dans les couloirs de la Maison Blanche, désarmée et prise de folie, enchaînant les tenues et les verres de gin.
Tout au long de l’œuvre, le réalisateur a su distiller un profond sentiment de malaise grâce à l’utilisation d’une bande-son à la fois envoûtante et macabre. Il nous rappelle ainsi le poids permanent et la souffrance qu’apporte une telle position de pouvoir et de popularité. Une responsabilité également traduite à travers le rôle de Peter Sarsgaard, toujours aussi talentueux, incarnant ici le frère du président. Un allié de taille pour Jackie, qui tente tant bien que mal de satisfaire aux envies de ses proches tout en contrôlant la colère et les regrets qui l’animent. Un jeu d’équilibriste à l’image de tout homme de pouvoir, entre réalité et représentation.
Camille Muller
Comments by Camille Muller
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Très bon commentaire que je (Camille Muller) ne peut ...
« Un bon gros Totoro et au dodo »
Merci à vous pour votre soutien ;)
Les filles d’avril de Michel Franco : combat de mères
Merci beaucoup pour ce commentaire, ça fait chaud au coeur ...
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Merci pour ce beau commentaire Rémy, on ne peut ...
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Merci Jeanne, petite coquille sur ce coup :)