– Gilles Marchand ; 2017 –
Tom et Ben rejoignent leur père en Suède, qu’ils n’ont pas vu depuis un an suite au divorce de leurs parents. Ce dernier décide d’emmener ses enfants dans la foret, pour leur montrer une vieille maison bâtie au beau milieu des arbres.
Presque immédiatement, le décor est planté : le père et ses deux fils quittent la ville et sa tourmente pour le calme menaçant de la foret suédoise. Tom et Ben suivent leur père à travers des chemins labyrinthiques dont lui seul a le secret, dormant à la belle étoile, mangeant peu. Leur géniteur semble dès le départ partagé entre le rôle d’un père soucieux et protecteur ; et celui d’un mentor intransigeant et égoïste, poussé par des motivations inconnues. Une relation privilégiée semble établie entre cet homme et son plus jeune fils, petit garçon taiseux et innocent, tourmenté par des cauchemars hyper-réalistes. En effet, Tom est perturbé par des visions troublantes, hanté par un personnage menaçant et défiguré, allégorie du diable. Les troubles que subit l’enfant plonge d’ores et déjà le spectateur dans un climat d’attente et de tensions, craignant l’apparition prochaine de ce monstre humain.
Arrivés dans la maison, surmontant un lac et perdue au cœur de la foret, les trois personnages débutent une cohabitation difficile. Pour cause, le père des deux enfants est de plus en plus sujet à des sautes d’humeurs qui le rendent menaçant et imprévisible, source d’un danger de plus en plus évident. Alors qu’il les coupe progressivement du monde extérieur, ce père taciturne s’attire la colère et la rébellion de Ben, aîné de la fratrie. Ce dernier se révolte de plus en plus contre cette figure d’autorité jugée injuste et délirante, s’attirant les colères de son géniteur. Une nette différence est faite entre les enfants, scindant la famille en deux et excluant définitivement Ben de ce noyau originel. Car leur père sent bien que Tom est un être à part, dont la sensibilité à fleur de peau et les visions hallucinatoires le rapprochent de lui. Il comprend que les flashs cauchemardesques que vit le jeune garçon peuvent l’aider à comprendre ses propres tourments.
Dans la foret est un thriller angoissant et harassant qui met à mal les nerfs de son public en faisant progressivement monter le suspense jusqu’à atteindre son climax salvateur en fin d’œuvre. Le labyrinthe, le lac, la maison isolée forment autant de lieux qui renforcent cette tension inhérente à l’intrigue, à travers le sentiment d’isolement qu’ils véhiculent. Sources d’analyses psychanalytiques intéressantes, ils représentent un décors judicieusement choisi par Gilles Marchand, Dominik Moll et Jérémie Elkaïm, acteur principal et producteur de l’œuvre. Ce dernier joue avec brio le rôle du père détruit et destructeur, personnage à la fois détestable et attachant, tiraillé par des démons qu’il arrive de moins en moins à contenir. Il entraîne Tom et le spectateur dans sa descente aux enfers, faisant sombrer le film dans une atmosphère d’épouvante. La dernière partie de l’œuvre, forte d’un capital émotionnel indéniable, pâtit toutefois de ses longueurs et répétitions qui plongent progressivement son public dans la torpeur et la lassitude, l’empêchant d’apprécier les révélations finales concernant ce mystérieux monstre…
La force de Dans la foret tient dans sa capacité à renverser les codes établis, à brouiller les frontières habituelles. Pour cause, réel et rêves se confondent dans cette œuvre qui embrasse le point de vue de son jeune héros. A l’image de Tom, le public ne sait plus distinguer ce qui relève de la fiction et de la réalité, plongé dans un cauchemar sans fin où ne cesse d’apparaître le « monstre du placard ». Un monstre lui aussi paradoxal, dont on ne saurait établir définitivement l’identité, tant le film joue avec notre sens des réalités. Ce qu’on peut toutefois affirmer, c’est l’idée ingénieuse de Gilles Marchand, qui a su faire de la figure du père un être ambivalent, perdant peu à peu ses attributs initiaux pour devenir le danger majeur menaçant ses enfants. Petit clin d’œil à Shining dans cette œuvre française qui remplit ses promesses et se révèle être une très belle surprise de ce début 2017.
PS : cet article marque notre première collaboration avec Justfocus, partenariat qui nous a permis d’assister à la projection presse de l’œuvre. Nous les en remercions et vous invitons à jeter un coup d’œil à leur site 🙂
Camille Muller
Comments by Camille Muller
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Très bon commentaire que je (Camille Muller) ne peut ...
« Un bon gros Totoro et au dodo »
Merci à vous pour votre soutien ;)
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Merci beaucoup pour ce commentaire, ça fait chaud au coeur ...
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Merci pour ce beau commentaire Rémy, on ne peut ...
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Merci Jeanne, petite coquille sur ce coup :)