– Mick Jackson ; 2017 –
L’Holocauste a-t-il vraiment existé ? Cette question semble être purement rhétorique tant il ne fait aucun doute que l’extermination des Juifs est un des points nodaux de la Seconde Guerre Mondiale. Malgré les preuves historiques liées à cet événement, c’est pourtant bien ce débat qui anima le procès entre l’historienne américaine Deborah Lipstadt et le négationniste anglais Daniel Irving dans les années 2000. Le procès du siècle retrace l’histoire de cette affaire judiciaire hors-norme.
Un film historique réussi
Retracer l’histoire d’un procès traitant du projet négationniste reniant l’existence de l’Holocauste représente un objectif difficile et épineux. Il aurait été facile de tomber dans le pathos et de négliger l’aspect nécessairement juridique du récit pour ne garder qu’un discours moralisateur et en arriver à la conclusion inévitable de l’importance de la mémoire. Mick Jackson, en charge du film, a su ne pas éviter ce piège avec brio et nous plonge au cœur même du procès et de ses enjeux juridiques. Il relate la recherche de preuves scientifiques par l’équipe d’avocats qui défendent Deborah Lipstadt pour discréditer les propos d’Irving. Des orateurs bien décidés à prouver la légitimité des preuves apportées par l’historienne et démonter un à un les arguments douteux construits par le discours négationniste d’Irving.
L’intégralité du film a pour but de rendre une vision claire, détaillée et authentique du procès. Les dialogues au tribunal sont basés, « à la virgule près » selon Jackson, sur les mots prononcés lors du véritable procès entre les deux partis. Le réalisateur n’essaye donc pas de romancer cette histoire. Son but est de montrer ce qui amène un homme comme Irving, se prétendant historien, à nier un tel génocide. Il apparaît alors cette tension entre la règle d’objectivité d’un historien et sa subjectivité, ses opinions. Daniel Irving représente un homme qui s’est laissé dominé par ses propres opinions quitte à falsifier l’histoire, au contraire de Deborah Lipstadt qui symbolise ces chercheurs en quête de vérité, qui ont l’objectivité comme idéal. A côté de la question de l’objectivité se pose la question du devoir de mémoire qui vient s’ajouter à celle de la vérité historique. Il existe une tension permanente entre l’envie de Lipstadt de témoigner, et de faire témoigner des rescapés des camps et ses avocats qui veulent rester concentrés sur les preuves scientifiques de l’existence de la Shoah. Pour eux, faire témoigner des rescapés, c’est les donner en pâture à Irving qui ne se gênera pas pour les humilier. Laisser les mémoires prendre le dessus c’est paradoxalement prendre le risque de perdre le procès, le témoignage des rescapés étant soumis aux altérations du temps, ennemi des survivants de l’Holocauste. Le négationnisme, loin d’être tourné en dérision par les avocats de Lipstadt, est pris très au sérieux et interrogé rationnellement pour mieux être contredit. Un véritable exercice de style auquel se livre la défense.
Des acteurs convaincants
Le film est porté par des acteurs de qualité. Rachel Weisz incarne à la perfection Déborah Lipstadt. Son seul regard illustre toute la révolte que lui inspire le fait qu’elle se retrouve obligée de prouver que la Shoah a bel et bien existé. Timothy Spall est quant à lui convaincant dans le rôle du négationniste à la fois détestable et fascinant, doté d’un talent d’orateur qu’il met au service d’une idéologie douteuse. On peut également mentionner la prestation de Tom Wilkinson à qui le rôle de l’avocat stratège de Penguin (la maison d’édition qui a publié le livre de Lipstadt) sied à merveille ou encore la performance toute en modestie et pourtant très forte d’Andrew Scott interprétant l’avocat de Déborah, qui doit sans cesse contenir la colère de sa cliente. Une femme qui ne comprend pas pourquoi il n’accepte pas qu’elle ou des rescapés des camps témoignent à la cour, convaincue que cette prise de parole saura convaincre les juges de la véracité de cette sombre part de l’Histoire.
En somme le Procès du Siècle est un film historique fort, réussi et nécessaire. Il rappelle l’importance de la véracité des faits à une époque où les «fake news» prennent de plus en plus d’ampleur jusque dans les sphères politiques.
Amélie G.
Comments by Amélie Guichard