– Guy Ritchie ; 2017 –
Plus libre que le biopic, l’adaptation des mythes et légendes a toujours été une recette scénaristique efficace, mais qui a néanmoins apporté son lot d’échecs critiques. Il est ici question de la légende du Roi Arthur, un mythe britannique qui a traversé les âges et a été décliné sous de multiples formes, de l’écriture au cinéma, de la comédie à la tragédie. Arthur est dès lors devenu une figure centrale de la pop culture contemporaine qui a suscité l’intérêt des cinéastes depuis bien longtemps. Après s’être emparé, avec plus ou moins de succès, d’une autre figure centrale de la mythologie britannique : Sherlock Holmes, Guy Ritchie se saisit donc de la légende arthurienne afin d’en proposer également une adaptation moderne, dynamique et esthétiquement singulière. Toutefois, s’il s’agit ici encore de dépoussiérer une légende anglo-saxonne, le réalisateur britannique semble procéder davantage d’une subversion de celle-ci, se déprenant ainsi des codes qui entourent le récit. Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur semble dès lors résulter d’une ambition assumée de refaire du personnage une icône centrale et moderne de la culture britannique actuelle.
« You are quickly becoming a legend. »
En s’emparant de la légende arthurienne, Guy Ritchie semble confirmer son talent d’adaptation, puisqu’il parvient à redessiner intégralement le personnage, comme il avait su le faire lors de l’écriture de ses deux Sherlock Holmes. Charlie Hunnam succède ainsi à Robert Downey Junior devant la caméra et campe le personnage d’Arthur de manière convaincante, oscillant entre humour et performance tragique à l’instar de son prédécesseur. De fait, si l’acteur de The Lost City of Z se montre tout à fait crédible, cela résulte également d’une stratégie de sacralisation (iconization) centrale dans la nouvelle œuvre de Guy Ritchie. En effet, une recherche constante du plan iconique, traduit à travers une structure narrative pyramidale, est à relever. Aussi le long-métrage semble-t-il construit autour d’un enchaînement de climax à la fois dynamique et nerveux, ne laissant que très peu le temps à l’action de se poser et de souligner de véritables enjeux. Si les plans iconiques sont tout à fait convaincants, en témoigne la séquence du retrait de l’épée de son rocher par le jeune Arthur face à un David Beckham médusé, ils ne semblent être que des tableaux autour desquels se tisse un récit dénué d’intérêt véritable.
Si le dynamisme du Roi Arthur permet à Guy Ritchie de couvrir l’intégralité de la jeunesse du personnage principal au cours d’un prologue accéléré, le spectateur devient très vite prisonnier de ce montage au rythme infernal qui tend parfois à rendre une copie très confuse, si ce n’est agressive. Il faut néanmoins souligner la réussite de Guy Ritchie en ce qui concerne la cohérence de son projet tant esthétique que cinématographique, puisqu’il rend une copie d’auteur fidèle aux canons qu’il déploie depuis Snatch. Dès lors, le spectateur peut être sensible à la multiplication des ralentis, qui ne sont par ailleurs pas sans rappeler l’esthétique déployée par Zack Snyder dans 300, et à une structure temporelle traduite par un chevauchement des différents récits qui viennent parsemer la narration. Entre récit rétrospectif et projection temporelle, Guy Ritchie profite en effet pleinement du médium cinématographique afin de dynamiser la légende d’Arthur. Enfin, en termes de recherche du spectaculaire, la bande originale du long-métrage est également à souligner en tant qu’elle participe pleinement de l’énergie qui se dégage du film. Fidèle à la légende, la musique est ponctuée de sonorités celtiques réminiscentes de l’histoire britannique. Aussi faut-il noter que la musique elle-même gagne en efficacité lorsque Guy Ritchie fait le choix du décor naturel plutôt que celui de reconstitutions numériques hasardeuses. Car il faut noter que malgré ses aspirations esthétiques, Guy Ritchie échoue à rendre une copie picturale exempte de défauts et la plupart des scènes se révèlent visuellement fades, malgré la réussite de quelques sursauts esthétiques.
« Take the sword. »
De fait, une fois passée la surprise du style déployé par le réalisateur britannique, Le Roi Arthur se révèle plutôt insipide, inféodé à une narration tragique qui souffre d’un manque de profondeur pourtant recherchée dès son introduction. En effet, si la légende arthurienne est bien évidemment au centre de l’œuvre, on peut également relever le déploiement d’une structure tragique faisant écho au Macbeth de Shakespeare, Vortigern (Jude Law) se retrouvant face à son destin prophétisé par trois sorcières et sombrant ensuite petit à petit dans la folie du pouvoir. Malheureusement, si cette référence paraissait intéressante, elle stagne à l’état de caricature et ne sert que de ficelle scénaristique grossièrement abordée. En outre, il faut noter que l’ensemble des ressorts scénaristiques sont plutôt grossiers, à l’instar du jet d’Excalibur dans le lac, ultime prétexte à l’apparition de la Dame du Lac.
Globalement, c’est l’ensemble de la réalisation qui souffre d’un manque de subtilité, néanmoins parfois assumé à travers l’émergence d’un humour souvent efficace et caustique, somme toute très britannique, et cherchant parfois même à prendre du recul sur la narration. De fait, Le Roi Arthur se dirige très vite vers la caricature, si ce n’est le grotesque. La scène introductive témoigne pleinement de ce qui pourrait apparaître comme un parti-pris de mise-en-scène tant la satire du Seigneur des Anneaux semble grossière. Cette introduction s’achève par ailleurs sur une note très dissonante puisque l’apparition de l’écran titre, qui devrait s’inscrire dans un instant pleinement tragique, vient plutôt se doubler d’une tonalité ridicule. Finalement, Le Roi Arthur est fermement ancré dans une esthétique de la surenchère, tant narrative qu’esthétique, et le spectateur voit se multiplier les plans grossiers, de la caricature du roi fou campé par Jude Law au saut à cheval dans le vide, en passant par l’iconographie nazie et l’épisode des Dark Lands, symbolique de cette surenchère grotesque.
« You are no longer a myth. »
En définitive, avec Le Roi Arthur, Guy Ritchie semble assumer pleinement son aspiration à la subversion du mythe arthurien afin de se l’approprier et d’en faire une nouvelle icône. Forte de stratégies cinématographiques qui ont contribué à la réussite du premier Sherlock Holmes, la réalisation parvient à distraire efficacement le spectateur et se voit sauvée par son humour et son aspiration à une esthétique du trop-plein. Il faut néanmoins souligner que l’ensemble reste globalement brouillon et surtout grotesque, ne permettant non pas réellement de déployer une nouvelle mythologie, mais plutôt de galvauder la richesse de la légende arthurienne. Sans être réellement décevant, Le Roi Arthur demeure terne et glisse de la profusion à l’excès et du comique au ridicule.
Vincent Bornert
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