– Sara Forestier ; 2017 –
Oscarisée à deux reprises (Meilleur espoir féminin pour L’Esquive en 2004 et Meilleure actrice pour Le Nom des gens en 2010), la jeune et talentueuse Sara Forestier vient de réaliser son premier long-métrage intitulé simplement M. Un film réussi dans lequel la réalisatrice choisit de filmer des souffrances, peu traitées au cinéma, tels que le bégaiement et l’illettrisme. Un film bouleversant dans lequel l’Amour sert de rempart à ces maux physiques et intérieurs.
M comme Mo, un jeune homme séduisant, sensible mais également sanguin. Sans emploi et squattant dans un bus abandonné, il s’illustre dans des courses automobiles clandestines afin de gagner un peu d’argent. Le jour où Mo rencontre Lila, une lycéenne qui s’apprête à passer son baccalauréat, sa vie change ! Touché par cette jeune fille bègue, il décide de la prendre sous son aile. De là, un amour naît entre ces deux êtres. Mais Mo cache un lourd secret qu’il ne veut surtout pas que Lila apprenne… M comme la treizième lettre de l’alphabet, symbole des secrets croisés de Lila et Mo. Si cette lettre symbolise en partie le bégaiement de Lila, un complexe qui la ronge depuis qu’elle est toute petite et qui s’est amplifié à la mort de sa mère, elle-même souffrant de bégaiement, elle marque également l’illettrisme de Mo, un secret dont il a honte depuis le jour où sa propre mère a décidé de le chasser de l’appartement familial et qu’il cache à n’importe quel prix. Peu soutenus par leurs familles respectives, Lila et Mo se sont renfermés sur eux-mêmes, mais c’est ensemble qu’ils vont apprendre à assumer leurs complexes et à s’ouvrir progressivement aux autres.
©Ad Vitam Distribution
Mais M comme la prononciation du verbe aimer, conjugué à l’infini dans ce premier long-métrage de Sara Forestier. En effet, l’actrice et réalisatrice s’intéresse à l’un des sentiments les plus forts : l’amour avec un grand « A ». Et c’est plutôt réussi ! De l’amour naissant à l’amour passion, avec ses maladresses et ses grands épanchements, Sara Forestier filme l’évolution de ce que peuvent ressentir deux êtres, chacun égratigné par la vie. Tous deux connaissent le deuil, Lila ayant perdu sa mère, et Mo, son père, et tous deux portent en eux une souffrance qui terni leur vie. Mais c’est grâce à l’amour qu’ils se portent mutuellement qu’ils parviennent à nouveau à s’aimer eux-mêmes et à surmonter leurs douleurs respectives. Si l’ensemble du film peut sembler un peu naïf au premier abord, Sara Forestier y apporte cependant son regard jeune, féminin, parfois maladroit, mais pour autant franc et poétique. Elle aborde avec simplicité plusieurs sujets comme l’intégration difficile de bègues et illettrés dans notre société, la gêne que les gens ressentent face à ces complexes ou encore l’amour comme apaisement à ces mal-êtres.
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M, c’est enfin une manière de filmer, très naturaliste, un peu à la Abdellatif Kechiche. Et ce n’est pas surprenant lorsque l’on se rappelle une Sara Forestier faisant ses premiers pas d’actrice devant la caméra du réalisateur franco-tunisien dans son film L’Esquive. La jeune femme donne à voir des visages et des corps filmés de très près et qui rappellent notamment de belles scènes de La Vie d’Adèle (A. K., 2013), mais aussi des images plus crues qui alimentent une certaine gêne à leur vue. Côté casting, Sara Forestier, qui s’est octroyée le premier rôle, est surprenante et assez bluffante dans son interprétation de Lila, dont le bégaiement artificiel peut passer pour un défaut d’élocution naturel. De son côté, Redouanne Harjane, dans la peau du charismatique Mo, crève l’écran ! Pas étonnant que l’acteur soit nominé au César du Meilleur espoir masculin 2018. À souligner également les présences de Jean-Pierre Léaud et de Liv Andren, également à leur aise dans des personnages secondaires, peu loquaces, mais pour le moins ambigus. M un premier film brut et poétique, inspiré et émouvant, mais également beau et convaincant. Bref, un joli film comme on « M » en découvrir et apprécier !
Aurélie David
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