– Eric Barbier ; 2017 –
Adaptation de l’un des plus grands romans de la littérature française de la seconde moitié du siècle dernier, La promesse de l’aube d’Eric Barbier est un beau défi pour ce qui est de rendre hommage à l’immense Romain Gary. Le réalisateur à la filmographie somme toute assez évasive fait le choix de mettre en scène Charlotte Gainsbourg dans le rôle de l’extravagante et touchante Nina Kacew, mère de l’auteur, incarné quant à lui par un Pierre Niney qui nous semble tout de même, de prime abord, loin de cet esprit baroque qui transperce les lignes du roman. Les deux acteurs parviennent toutefois à nous offrir une adaptation vivante qui aura le mérite de nous ramener à la littérature d’Emile Ajar.
Si cette nouvelle version cinématographique de La promesse de l’aube ne rivalise jamais réellement avec l’écriture subtile et espiègle du roman, Eric Barbier nous surprend toutefois avec une narration judicieusement découpée et des transitions toujours maîtrisées ; ce sont ces dernières qui nous permettent d’oublier quelque peu la maladresse de l’écriture rétrospective, qui transforme la contemplation élégiaque de Romain Gary en un épisode burlesque et franchement dispensable. Globalement, les quelques glissements de la légèreté de l’écriture de l’auteur vers un burlesque peu inspiré nuisent à certaines scènes que l’on aurait aimé voir traitées avec plus de finesse, d’autant plus que le cinéaste semble choisir ses chapitres avec parcimonie. On appréciera cependant les rares libertés que prend le long-métrage, notamment en ce qui concerne le nom de l’écrivain, sujet à toutes les déclinaisons phonétiques possibles ; un joli clin d’oeil.
Plus inspirée que le sens du burlesque d’Eric Barbier, la réalisation s’offre de jolis plans et parvient à mettre en images le voyage initiatique du jeune Romain Kacew, du froid de Wilno à la Riviera niçoise, en passant par l’étouffant Bangui et le Londres des bombardements. Pierre Niney, généreux, donne corps à ce héros véritablement picaresque et nous offre de belles scènes dans lesquelles il retranscrit à merveille la prose de l’auteur. Face à lui, Charlotte Gainsbourg rayonne également, même si l’on regrettera que Nina Kacew ait été assez largement amoindrie par cette adaptation, pourtant fidèle en bien des points.
Pathé Distribution
Eric Barbier a le mérite, s’il ne met évidemment pas en scène l’intégralité du roman, de ponctuer sa réalisation d’une multitude de références à l’œuvre originelle qui ne manqueront pas de replonger le spectateur dans cette douce lecture. La promesse de l’aube déborde cependant rarement son statut d’adaptation et s’inscrit en définitive davantage comme un hommage touchant à la littérature de Romain Gary que comme un dialogue avec l’auteur, celle-ci ne faisant par ailleurs qu’effleurer la richesse de la plume de ce dernier.
L’adaptation surprend également en ce qu’elle s’attache tout particulièrement à sublimer le souffle tragique des derniers instants de la narration, proposant même, en parallèle, une vision épique des exploits de guerre de Romain Gary ; l’aspect réaliste que confèrent les images à ce passage du roman font à ce propos perdre à ce dernier toute sa légèreté et son ingénuité. Si la pudeur émouvante dont fait preuve Romain Gary dans le dernier acte de son livre échappe dans une certaine mesure à cette adaptation, la réalisation s’offre toutefois un dernier tiers puissant qui, enfin, affirme sa propre identité et nous permet d’oublier pour quelques instants l’œuvre originelle ; d’adaptation elle deviendrait presque biopic.
Pathé Distribution
Si La promesse de l’aube ne parvient que trop rarement à invoquer toute la richesse de l’écriture de Romain Gary, cette adaptation d’Eric Barbier se révèle néanmoins être une belle invitation à parcourir, à nouveau, les pages du roman originel. Bel hommage à Romain Gary, le film recentre essentiellement son propos sur l’action du roman, au détriment de quelques motifs qui méritaient ou d’apparaître, ou d’être approfondis, ce qui lui permet toutefois d’être un récit agréable à suivre, qui ne s’étiole que rarement. C’est finalement la dernière phrase du roman que l’on retiendra, dans la mesure où Eric Barbier met bien plus en scène Romain Gary que son roman : « J’ai vécu. » Et quelle vie.
Vincent Bornert
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