– Martin McDonagh ; 2018 –
Plusieurs mois après la disparition de sa fille, assassinée dans d’affreuses circonstances, Mildred Hayes observe avec désespoir l’enquête menée par la police locale d’Ebbing, petite ville du Missouri, piétiner. Bien décidée à faire bouger les choses, cette mère dévastée et acharnée décide de louer trois panneaux publicitaires situés sur la petite route de campagne au bord de laquelle sa fille a été tuée et d’y exprimer sa colère contre le shérif du coin, Bill Willoughby, afin de l’obliger à reprendre cette affaire en suspens.
D’emblée, 3 Billboards se présente comme un drame puissant, relatant le combat d’une mère pour tenter de (re)faire la lumière sur la mort inexpliquée de sa fille adolescente. Toutefois, le nouveau long-métrage du réalisateur de Bons baisers de Bruges et 7 Psychopathes pourrait bien vous surprendre, œuvre mêlant allègrement tragique et humour désopilant. Pour cause, ce drame enchaîne les scènes combinant sens de l’absurde et ironie grinçante, tant dans son traitement des personnages que dans des dialogues piquants, pratique dans laquelle Mildred Hayes excelle incontestablement. Il faut dire que ses concitoyens lui rendent la tâche facile, eux qui combinent tous les clichés que l’on pourrait avoir concernant le peuple américain : racisme, propension à la violence, inculture notoire, sens tout à fait relatif de la justice… À ce titre, le personnage de Jason Dixon est tout à fait jubilatoire. Au centre de multiples scènes comiques du film, ce flic pourri et stupide connu pour ses tortures de « personnes de couleur » comme il aime le souligner – question vocabulaire au moins, on ne saurait l’accuser de racisme, est incarné à la perfection par Sam Rockwell, récompensé aux Golden Globes pour cette interprétation tout simplement géniale ! Ne vous y détrompez pas toutefois, malgré ses accès d’humour totalement barges et jouissifs, 3 Billboards vous réserve également de grands moments d’émotions, en particulier lorsqu’il s’agit des remises en question de ses personnages clés.
En effet, cette œuvre signée, à la réalisation et au scénario, Martin McDonagh nous offre un riche panel de protagonistes tous plus intéressants les uns que les autres. Alors que l’on aurait pu s’attendre à trouver Woody Harrelson dans un rôle de chef de police aveuglé par sa notoriété et blessé dans son ego de « faiseur de justice », son personnage présente une multitude de facettes qui le rend d’autant plus humain. Soucieux de bien faire son job, ce père de famille et mari dévoué se pose comme l’un des narrateurs, si ce n’est le narrateur crucial du récit, lui qui semble avoir observé avec affection et minutie tous les habitants de cette petite bourgade. Son regard quasi-omniscient et sa perspicacité en feront un élément central du récit, lui dont l’avis impactera efficacement même les plus pourris. Sa foi en la rédemption portera ainsi ses fruits, cette thématique du changement et du pardon – de soi et des autres – étant un sujet central de cette œuvre à l’humanité et à la justesse indéniables. Même si cette notion est utilisée à maintes reprises dans le film, elle s’écarte habilement d’un manichéisme niais et trop facile, les « bad guys » conservant les défauts, certes minimisés, qui faisaient toute leur saveur comique et complexité. Ces prises de conscience et de responsabilités envers les actes commis et leurs conséquences nous offrent ainsi de très belles scènes de complexité, parmi lesquelles s’affirme en outre tout le talent du jeune Caleb Landry Jones dont avait déjà pu jauger les capacités avec son apparition tout à fait fucked-up dans Twin Peaks : The Return.
Au sommet de cette myriade de personnages tous plus réussis les uns que les autres a été érigée Mildred Haynes, mère enragée en quête de vengeance, rongée par le deuil et les regrets. Qui de plus légitime pour donner trait à cette femme de caractère que Frances McDormand, qui, si vous avez eu la chance de voir l’exceptionnelle mini-série Olive Kitteridge, devrait à nouveau vous éblouir de son jeu, tout en retenue et pourtant si puissant. Ici encore, l’actrice incarne une femme cynique et pleine de rage qui cherche à faire bouger les choses, (mal)traitant à tour de bras ses concitoyens pour atteindre son but. Rebelle, vandale, déchaînée, cette héroïne est une véritable tornade, faisant valser quiconque se mettrait en travers de son chemin. Il n’en demeure pas moins que McDormand confère à cette mère dévastée toute sa sensibilité et sa fragilité, elle que l’on verra s’effondrer à de nombreuses reprises, tout en conservant constamment l’humilité qui ne l’a, semble-t-il, jamais quittée. Une performance qui nous fait passer des larmes au rire franc et qui mérite amplement d’avoir été récompensée d’un Golden Globes. Fucking A !
Camille Muller
Comments by Camille Muller
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Très bon commentaire que je (Camille Muller) ne peut ...
« Un bon gros Totoro et au dodo »
Merci à vous pour votre soutien ;)
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Merci beaucoup pour ce commentaire, ça fait chaud au coeur ...
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Merci pour ce beau commentaire Rémy, on ne peut ...
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Merci Jeanne, petite coquille sur ce coup :)