– Clint Eastwood ; 2018 –
Le 21 août 2015, un attentat à bord du Thalys à destination de Paris est déjoué par les passagers du train, et notamment grâce à trois Américains : Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Spencer Stone. C’est cet épisode, qui a failli tourner au drame, dont s’est emparé le réalisateur oscarisé Clint Eastwood. Malheureusement, Le 15h17 pour Paris, en raison de sa lenteur de scénario et son manichéisme ambiant, ne convainc pas.
Adapté du livre The 15:17 to Paris, The True Story of a Terrorist, a Train, and Three American Heroes écrit par Anthony Sadler, Alek Skarlatos et Spencer Stone, le nouveau film de Clint Eastwood relate l’enfance et l’amitié de ces trois mêmes hommes, devenus des héros à bord du Thalys 9364, ainsi que les improbables événements qui les ont conduits à prendre ce train d’Amsterdam à Paris le 21 août 2015. Mais la grande particularité et originalité de ce long-métrage, qui s’inscrit totalement dans la démarche réaliste dans laquelle le cinéaste américain voulait l’inscrire, c’est le choix de prendre comme acteurs principaux A. Sadler, A. Skarlatos et S. Stone, les trois américains qui ont vécu ce drame à bord du Thalys et qui, grâce à leur courage, ont permis de sauver la vie de plus de 500 passagers. D’autres personnages du film, tels que certains passagers et membres de l’équipe médicale sont également interprétés par ceux qui ont véritablement vécu cet après-midi cauchemardesque. Et même si le jeu n’est pas inoubliable, la direction de ces trois interprètes novices révèle tout de même le talent du metteur en scène Eastwood.
Un film lent…
Malgré l’originalité de cette démarche, Le 15h17 pour Paris pêche, cependant, par le parti pris de C. Eastwood de trop s’attacher à l’histoire banale de trois Américains qui deviennent, par des circonstances extraordinaires, de véritables héros. La rencontre et l’amitié naissante de ces hommes dans une école religieuse est dépeinte durant plus d’une heure. Puis ce sont leurs différents parcours qui sont racontés, l’un étudiant, les deux autres s’engageant dans l’armée. Toutes ces tranches de vies sont entrecoupées de scènes à bord du Thalys, avant la tentative d’attentat. C’est seulement durant les dix dernières minutes que le titre du film prend son sens, à savoir le moment où l’attaque à main armée du terroriste islamiste Ayoub El Khazzani (joué par Ray Corasani) dans le Thalys est déjouée de justesse par une poignée de passagers, dont nos trois amis américains. Un scénario assumé, qui, comme dans American Sniper, privilégie le passé de personnes ordinaires et les événements invraisemblables qui les amènent progressivement à devenir des personnages héroïques, au détriment de l’attaque elle-même.
… et empreint de manichéisme
De plus, c’est dans une ambiance très manichéenne qu’évolue l’intrigue du film. En effet, même si cette histoire reste évidemment proche des faits réels, sa narration loue tout de même les trois figures du Bien, incarnées par ces Américains ordinaires, qui finissent par triompher de la figure du Mal, incarnée par le terroriste. Ce dernier, n’est d’ailleurs que brièvement représenté, la plupart du temps de dos, et seulement de face au moment où il est prêt à attaquer. C’est d’ailleurs la porte ouverte aux clichés, cet homme qui se lave avant que n’apparaisse pour la première fois son visage dans le miroir et son œil sombre, symbolisant la noirceur de l’acte qu’il s’apprête à commettre. Loin d’être les seuls clichés, on relève également que les États-Unis et l’Europe en prennent aussi pour leur grade. En effet, l’éducation religieuse et conservatrice, le port des armes, la volonté de faire la guerre aux États-Unis, qui existent encore aujourd’hui mais qui, dans ce film, frôlent l’exagération sont autant de thèmes traités dans l’œuvre. De plus, les préjugés tenaces sur les capitales européennes, comme Rome et Paris, respectivement belle et malpolie sont aussi abordés à gros coups de pinceau. Bref, des maladresses, qui ne font qu’accentuer l’impression que Le 15h17 pour Paris de Clint Eastwood porte un hommage décevant à ces héros de l’attentat du Thalys.
Aurélie David
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