-James Franco ; 2018-
The Room fait partie de ces petits miracles inversés, ceux que l’on doit non pas à un talent remarquable, mais plutôt à un échec si spectaculaire qu’il en devient grandiose. The Room est en effet le produit difforme et hautement improbable d’une amitié étrange entre deux personnes inter dépendantes, Tommy Wiseau et Greg Sestero, deux rêveurs n’aspirant qu’à faire leur trou dans l’impitoyable univers hollywoodien. Devant le manque d’emploi, ils décident alors de prendre leur destin en main et de jouer dans leur propre film, qu’ils produiront eux-mêmes, grâce à l’argent personnel de Tommy Wiseau. Persuadés qu’il en résultera une oeuvre qui conquerra le monde, ils n’en tireront que le plus grand nanar de tous les temps. L’amitié de nos deux héros n’y survivra pas, mais heureusement, grâce au cynisme des gens et de l’effet de mode tro-rigolol maxi-rire nanar, le film finira avec le temps par rentabiliser ses millions de dollars dépensés en pur amateurisme par Tommy Wiseau, avant que ce dernier ne se réconcilie dernièrement avec Greg Sestero.
Voici en gros le résumé de The Disaster Artist, biopic de James Franco avec James Franco dans le rôle de Tommy Wiseau, qui promettait de faire un film drôle sur un personnage aussi fantasque qu’énigmatique et une ode à l’échec et aux loosers magnifiques.
Las, il n’en sera rien. The Disaster Artist ressemble plutôt à un cirque dont James Franco est le Mr Loyal montrant ses personnages comme on expose ses femmes à barbe et ses vampires slaves. Il n’y a absolument rien à tirer du film, si ce n’est la désagréable impression qu’il ne sert que de prétexte à son acteur principal de se faire mousser dans un bain de cool en utilisant comme prétexte les erreurs d’autrui, là où lui a brillamment réussi. Aucune empathie ne sera montrée pour Tommy Wiseau, et à peine plus pour Greg Sestero, tout juste une espèce de fascination malsaine et assumée pour le pire innocent. The Disaster Artist n’est donc jamais drôle, bien qu’il cherche à l’être, mais toujours navrant.
Alors évidemment, tout le monde joue très bien et le film est très bien réalisé. Simplement, gardons à l’esprit une seule question : qui se moque de qui ? En l’occurrence, de même qu’il paraît déplacé de la part d’un sportif olympique de se moquer d’un débutant, voir l’acteur à succès James Franco se moquer de plus nul que lui tout en se glorifiant d’être meilleur (voire le générique de fin et son montage parallèle, entièrement dédié à la gloire et à la performance de son imitation, effectivement très réussie) est franchement pénible. En témoigne la scène de casting de Tommy Wiseau, dans laquelle on tombe carrément dans la pantalonnade Dany Boonesque à base d’accent incompréhensible. Mais bon, comme le dit si bien son film, peu importe l’humiliation, si les gens rient à la fin, c’est que c’est pas si grave, puisque cela les a diverti, c’est le plus important.
Par cette morale Bad Buzz-esque (souvenez-vous, cette scène de fellation), James Franco prouve qu’il aurait pu juste être un bouffon de plus. Dommage, pour cela il aurait fallu être drôle. Lui qui voulait être un artiste du désastre, le voilà juste artiste et être humain désastreux.
Lino Cassinat
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