– François Ozon ; 2017 –

Présenté en compétition au 70ème Festival de Cannes, L’Amant double était attendu comme un thriller érotique osé. Retour sur le dernier film de François Ozon qui se montre des plus inégaux et déconcertants.

PS : Spoils inside.

En choisissant de baser son intrigue sur la relation passionnelle liant une patiente et son psychothérapeute, le réalisateur de Jeune et Jolie proposait d’emblée un scénario intéressant. Dans une première partie consacrée à la relation des deux protagonistes, le metteur en scène use habilement du montage pour mettre en lumière l’intimité naissante induite par le processus psychanalytique. Même si les dialogues se montrent parfois trop creux et rendent cette partie un peu longuette, ils permettent de distiller des éléments qui se révéleront cruciaux dans la suite du récit. Une introduction qui nous permet de découvrir tout le potentiel de séduction de Chloé, jeune héroïne en proie à des troubles psychiques importants, et le jeu de pouvoir respectivement exercé par la patiente et son médecin. Un jeu intéressant et une relation ambivalente constituant des points clés de l’œuvre qui représentent deux thèmes ici habilement retranscrits par Marine Vacth et Jérémie Renier. Des séances qui précisent immédiatement le point de vue féminin du récit, faisant de Chloé le personnage auquel le spectateur confie toute sa crédulité. Une héroïne intéressante, rongée par ses doutes et sa curiosité, partant en quête de réponses quant à la véritable identité de son amant. Une sensibilité et une intelligence féminines parfois traitées avec maladresse, preuve étant donnée avec les scènes gynécologiques du film dans lesquelles le sexe féminin vient traduire – avec quelle maladresse ! – les états psychologiques de son héroïne.

Une maladresse et un ridicule qui viennent malheureusement trop souvent heurter l’expérience du spectateur, à l’image des scènes partagées par les frères Delord mobilisant un dédoublement de Renier des moins convaincants. Les apparitions de Louis – jumeau maléfique de Paul, compagnon de Chloé – sonnent ainsi constamment faux tant le réalisateur a voulu diaboliser son personnage. Doté d’un fort potentiel angoissant, cet homme s’enfonce dans des actes et des répliques à la fois lourdes et clichées, n’alimentant que rarement la peur du spectateur. Malgré tout, L’Amant double fonctionne plutôt bien lorsqu’il plonge franchement dans le thriller. Sombrant lentement dans la psychose de Chloé, l’œuvre mêle habilement fantastique et suspense et distille des indices jouant constamment avec les frontières du réel et de l’imaginaire. La traque dont Chloé devient la victime réussit parfaitement à capter l’attention du spectateur, maîtrisant parfaitement les codes de l’angoisse voire du genre horrifique. Une dernière partie intéressante en raison du twist final qu’elle met en scène, résultat logique de toutes les informations distillées habilement et parcimonieusement au public.

Mars Films

Enfin, L’Amant double nous avait été présenté comme un thriller érotique, mais il apparaît que ce film n’a d’érotique que le nom. À part une scène de premier baiser réussie, nous faisant ressentir tout le désir de ses deux protagonistes, tiraillés entre la passion et le poids des conventions, l’oeuvre peine à développer sa sensualité. Les dialogues crus – sensés choquer ou exciter, sans succès – plombent le film et tournent toute scène à potentiel érotique en ridicule. Oubliant toute finesse et jeu de séduction, Louis se contente d’alterner sourires narquois et vulgarité en vue de séduire sa proie. Une crudité mal dosée car omniprésente, amenée d’une façon maladroite et brutale qui coupe toute excitation. Les scènes de sexe se montrent quant à elle très convenues et clichées, entre des ébats plan-plan sensés représenter la vie de couple et des rapports plus violent symboles de la passion adultère. Une vision binaire dénuée de subtilité, malheureusement représentative de cette œuvre inégale. Un film oscillant entre un thriller réussi et des scènes d’un kitsch et d’un ridicule aberrants que ne parviennent pas à sauver Vacth et Renier. Une grande déception donc pour une œuvre qui se montrait pourtant des plus prometteuses.

Camille Muller

2/5 (1)

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