– Mani Haghighi ; 2017 –
1965, au lendemain de la mort du Premier ministre iranien, un exilé s’est donné la mort sur l’île de Qeshm. Chargé d’enquêter sur ce décès, l’inspecteur Babak Hafizi va rapidement se retrouver confronté à des secrets qu’il aurait mieux valu ne jamais déterrer.
Valley of Stars est une œuvre pour le moins surprenante, tirée – du moins c’est ce qu’on nous annonce d’emblée – de faits réels. Après une séquence d’introduction grandiose, tant sur le plan sonore qu’esthétique, le film se scinde brusquement, virant dans le style documentaire. Tout du long, Mani Haghighi va se jouer des frontières entre réalité et fiction, déroutant par la même son spectateur, questionnant sans cesse la véracité des faits portés à l’écran. Il se retrouve ainsi judicieusement placé dans la peau des héros du film, plongés eux aussi dans un univers à la limite du possible. En effet, l’agent Babak Hafizi, entouré de deux alliés : un ingénieur du son et géologue taciturne, va mener une enquête mettant à rude épreuve son sens des réalités. Refugiés au coeur d’une épave plantée on ne sait comment en plein milieu d’un cimetière, les trois hommes sont confrontés à des manifestations surnaturelles déconcertantes : hurlements inexpliqués, tremblements de terre, superstitions concrétisées… Autant d’éléments qui brouillent la frontière de plus en plus fragile entre monde réel et imaginaire.
Alternant entre des phases documentaires au style artisanal et peu soigné ; et une reconstitution esthétiquement parfaite, Mani Haghighi inaugure un nouveau pan du cinéma iranien. S’éloignant de ses prédécesseurs mondialement reconnus comme Asgar Farhadi et Abbas Kiarostami, il crée un univers à part entière, lumineux mais menaçant, enchanteur mais cauchemardesque. L’île de Qeshm, aux paysages tourmentés, offre un décor à couper le souffle, propice à l’imaginaire foisonnant du cinéaste. Cimetière ancestral, bâteau hanté, désert mystérieux font partie intégrante du récit et représentent des personnages ambivalents, tour à tour refuge et prison.
Un sentiment d’étouffement qui plâne constamment sur les personnages et qui se manifeste également sous les traits de l’autorité d’État. Pour cause, l’Agence, entité gouvernementale et secrète surveille constamment les trois enquêteurs, tentant de freîner leur quête de vérité au travers de stratagèmes élaborés par des personnages trompeurs. Une représentation du pouvoir iranien peu flatteuse, faite de manipulations, de chantages et de violences. Une image sur laquelle le réalisateur ne pouvait faire l’impasse, lui pour qui tout film iranien est éminemment politique.
Valley of Stars est un film déconcertant, dont on ressort troublé, en raison de son indéniable puissance esthétique, mais également pour l’expérience à la fois intéressante et perturbante qu’il nous a fait vivre. Sa beauté, sa poésie, l’importance de sa bande-son et le jeu talentueux de ses acteurs ne sauraient être diminués. Troublé, le spectateur pourra se sentir désarmé voire floué, n’ayant aucune emprise sur ce qui vient de s’offrir à ses yeux. Se jouant de la réalité, l’oeuvre se montre trompeuse et demeure étrangère, insaisissable, résolument libre.
Camille Muller
Comments by Camille Muller
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Très bon commentaire que je (Camille Muller) ne peut ...
« Un bon gros Totoro et au dodo »
Merci à vous pour votre soutien ;)
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Merci beaucoup pour ce commentaire, ça fait chaud au coeur ...
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Merci pour ce beau commentaire Rémy, on ne peut ...
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Merci Jeanne, petite coquille sur ce coup :)