– Brad Bird, 2007 –

Alors que la nomination des futur-e-s oscarisé-e-s 2017 vient de sortir et que la cérémonie a lieu dans moins d’un mois (save the date : le 26 Février !), Scotchés s’intéresse aujourd’hui à un film désormais classique qui a décroché l’Oscar ET le Golden Globe du meilleur film d’animation il y a un peu moins de dix ans. Il s’agit de Ratatouille des studios Pixar, qui mélange avec brio le doux et le piquant pour apporter un peu d’optimisme dans ce monde de brutes.

Pour ceux qui ont la mémoire courte ou des lacunes en film d’animation, petit pitch afin de remettre les choses en place. Ratatouille, c’est l’histoire d’un rat nommé Rémy qui ne se sent pas vraiment à l’aise dans sa communauté de rongeurs et pour cause : il en a tout simplement marre de ne manger que des ordures. Il est doué d’une étonnante sensibilité qui le distingue de ses pairs : Rémy est un génie du goût et des mots. La cuisine est un art fait pour lui, il en est sûr… c’est même le chef étoilé Gusteau qui l’a dit : « Tout le monde peut cuisiner ».  Après avoir perdu toute sa famille dans un dédale d’égouts (no worries, il finit par la retrouver), il arrive à Paris où, à la suite de multiples péripéties, il devient chef de la cuisine du célèbre restaurant de Gusteau. Comment ? En se cachant sous la toque de Linguini, autre personnage principal du film, qui se retrouve chef sans savoir cuisiner mais qui ne peut pas se défiler devant sa bien aimée collègue Colette…

Pour ce qui est de la suite du film, on vous laisse vous replonger dedans sans vous spoiler afin que vous dégustiez chacun cette œuvre grand public à sa juste valeur. Voici une rapide analyse qui, on l’espère, vous donnera envie de le regarder le plus rapidement possible.

Un éloge des plaisirs simples.

Le mérite de ce long-métrage, c’est d’apprendre aux petits comme aux grands à trouver ce qu’il y a de beau dans le quotidien et à savourer la simplicité. Rémy a un frère, Emile, qui est son opposé. Leurs différences ne les empêchent pas d’être extrêmement loyaux l’un envers l’autre, mais elles montrent deux manières d’appréhender le monde et c’est plutôt celle de Rémy qui fait envie. Son extrême sensibilité lui permet de jouir de la vie avec énormément de nuances… Plus on a de goût, plus on arrive à connaître de plaisirs différents qui rendent l’existence plus exaltante. Ratatouille nous apprend que manger ce n’est pas ingurgiter des aliments pour subvenir à des besoins physiologiques, mais se faire plaisir et apprécier le moment présent. Et le plaisir du fromage n’est pas le même que celui du vin qui n’est pas le même que celui du safran ou du champignon de Paris. Dès lors, l’art culinaire n’a pas besoin d’être particulièrement compliqué pour faire plaisir, il doit simplement donner à sentir des goûts particuliers, des saveurs bien mariées.

C’est ce qui explique que le premier plat le plus fameux offert par Rémy aux clients du restaurant chez Gusteau soit… une soupe ! De l’eau, des aromates et des légumes coupés en dés puis mixés… A priori, rien de très sexy dans ce plat banal et simple à réaliser. C’est pourtant le plat qui va séduire les critiques gastronomiques. On entend souvent dire qu’on n’invente plus grand chose mais qu’on se contente de remettre au goût du jour des vieux concepts. La cuisine n’échappe pas à cette règle ! Ce n’est donc pas si étonnant qu’une soupe bien réalisée, suscite autant d’engouement. Ce n’est que de la routine que peut surgir la surprise. Alors voyons Ratatouille comme une invitation à déceler dans notre quotidien d’où peut venir la surprise… Et si ce soir on mettait un peu de basilic ou de coriandre dans nos spaghettis bolognaise ?

Le second plat du film qui crée la surprise, c’est la ratatouille. Là encore, c’est un plat plutôt simple en apparence qu’on aurait plutôt tendance à servir en accompagnement d’un aliment plus « noble ». Dans le film, Rémy prend le parti de la servir seule. Toute l’attention du critique Anton Ego est donc portée sur ce plat : pas d’autre choix pour lui que de mesurer l’explosion de saveurs qui naît de la rencontre entre la tomate, l’aubergine, la courgette, le poivron, l’huile d’olive, le romarin, le thym et le laurier. La magie opère : c’est délicieux. La ratatouille incarne alors la Méditerranée dans toute sa chaleur, sa simplicité et sa douceur de vivre. Et si ce plaisir est essentiellement gustatif, il commence avec les yeux, dans une présentation qui met en valeur l’harmonie des couleurs et qui ne peut que présager une haute voltige culinaire.

Soupe ou ratatouille : la force de ces plats, c’est leur simplicité. Et cette simplicité réside dans le fait qu’il s’agisse là d’aliments simples : des légumes que l’on connaît bien. Ratatouille a donc senti dès 2008, année de sa sortie, la tendance alimentaire mondiale du végétarisme qui croise des enjeux éthiques et environnementaux. -Mais la facilité des recettes fait aussi de chacun d’entre nous un potentiel cuisinier talentueux. « Tout le monde peut cuisiner » nous dit Gusteau. Nul besoin de robots super performants ou d’aliments hors de prix, laissons-nous porter par notre goût et par des denrées locales dont il suffit souvent de varier la cuisson ou l’assaisonnement pour les découvrir sous un jour nouveau !

Une ode à la diversité.

Si tout le monde peut cuisiner, pourquoi les femmes représentent-elles une infime portion des chefs étoilés en France ? Le film ne répond pas à cette question mais il invite à renverser la balance puisqu’un des fins gourmets de l’équipe de Gusteau est une femme, Colette. Et grâce à sa vigueur et son originalité, elle apporte du relief au film qui ne saurait pas se passer d’elle. Elle fait part des difficultés qu’ont les femmes à exister dans le monde de la gastronomie puisque, selon elle, « la cuisine est une institution archaïque qui obéit à des règles éditées par des vieillards misogynes et bornés ». Elle a cependant réussi à s’y faire une place, ce qui montre que rien n’est impossible. Trop lentement, mais sans doute sûrement, des femmes sont reconnues pour leurs talents : c’est la cheffe étoilée Hélène Darroze qui a inspiré les créateurs de Ratatouille pour le personnage de Colette. Créer un tel personnage est un acte militant et féministe de la part des studios Pixar, et on les en remercie.

«  La grande cuisine n’est pas faite pour les timorés. Il faut avoir de l’imagination, de l’audace. Il faut prendre le risque de commettre des erreurs et personne n’a le droit de vous imposer des limites, quelles que soient vos origines, d’où que vous veniez. Votre seule limite, c’est votre âme. C’est la vérité, tout le monde peut cuisiner, mais le véritable génie n’appartient qu’aux audacieux. » Gusteau.

Le discours optimisme de Gusteau se vérifie dans la pratique puisque la brigade qu’il a composée pour son propre restaurant est faite de profils variés et inattendus : une femme, un ancien taulard, un ex-acrobate dans un cirque, un trafiquant d’armes… Personne ne les destinait à travailler pour un grand restaurant parisien mais leur sensibilité gustative leur a permis de déjouer tous les préjugés. En poussant très loin cette logique… Pourquoi un rat ne pourrait-il pas cuisiner ? Bien sûr, ça reste de la fiction et on ne verra pas demain un rat adopter un comportement humain. Mais il faut voir cette histoire comme on lit une fable de La Fontaine. La moralité étant ici que tout un chacun peut arriver légitimement là où personne ne l’attend et que la sensibilité aux choses et aux autres est un outil privilégié de cette ascension. Il est toutefois nécessaire de compléter cette moralité : si on est seul(e) à pouvoir choisir son destin, on a toujours besoin des autres pour accomplir sa vocation. Rémy ne serait arrivé à rien sans Linguini, les bons conseils de Colette et le soutien de sa communauté de rat.

Un remède contre le pessimisme.

In fine, ce que nous enseigne Ratatouille, c’est de ne pas oublier de regarder autour de nous pour extraire du quotidien ce qui en est le plus agréable. A toi qui lis cette petite conclusion : prends donc le temps d’aller au marché Dimanche matin et touche, sens, cuisine, ose. Invite des copains à savourer. Dis toi comme Rémy que les légumes c’est bon et dis toi aussi : « si nous sommes ce que nous mangeons, alors je ne veux manger que des bonnes choses ». Et une fois le ventre rempli de bonnes choses, dis toi que tu peux aller où tu veux, même là où on ne t’attend pas !

Clément Dillenseger

4/5 (2)

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