Les Oscar approchent à grands pas. L’occasion pour les rédacteurs de Scotchés de revenir sur les sorties qui ont marqué leur année cinéphile et qui font partie des heureux nominés à la Cérémonie du 27 février. Découvrez nos critiques complètes avec les liens associés. À vos avis, partez !

  • Tu ne tueras point de Mel Gibson :

Camille : Tu ne tueras point a le mérite de nous faire voir la guerre dans sa plus grande cruauté, entre boucherie et préjugés racistes. Dommage qu’elle ait du le faire à travers un prisme religieux poussé à l’excès et qui frise le ridicule à de nombreuses reprises. Traiter du destin hors-du-commun d’un objecteur de conscience qui a sauvé des dizaines de vies lors de la bataille d’Okinawa est un noble projet, porté par l’interprétation sans faute d’Andrew Garfield. Il est toutefois regrettable que cette intrigue ait été traitée avec aussi peu de finesse et de recul. Cela aurait pu être un grand film, mais je n’en retiendrais pour ma part que quelques-unes de ses scènes de guerre. Et c’est bien peu sur les plus de deux heures que j’ai du subir.

Vincent : Malgré une première partie poussive qui se résume à une romance dans laquelle le spectateur a du mal à s’insérer, le dernier long-métrage de Mel Gibson profite d’un tournant majeur dans sa narration afin d’offrir un récit de guerre palpitant emmené par une mise en scène haletante. Dès lors, Andrew Garfield est remarquable de justesse au cœur de plans très forts qui font de Hacksaw Ridge un grand film de guerre. Bien qu’elle puisse paraître peu subtile dans la première partie du récit, la symbolique se révèle à la fois touchante et entraînante. Finalement, Mel Gibson livre un regard humaniste sur un drame majeur de l’histoire humaine et signe ainsi un biopic qui parvient à saisir son spectateur dans ce qu’il a de plus intime.

  • Fences de Denzel Washington :

    Camille : Fences est un film lourd de mots, lourd de sens. Centré sur un personnage à la fois touchant et détestable, il décrit l’emprise toxique d’un père de famille rongé par ses traumatismes et ses peurs, devenu menace pour son fils et source de malheur pour sa femme. Denzel Washington et Viola Davis nous livrent une performance digne des plus grands – qu’ils sont d’ailleurs – et font de cette oeuvre – en apparence assommante – une belle réflexion sur l’amour que l’on se porte et que l’on porte aux siens.
  • Captain Fantastic de Matt Ross :

Camille : Drame familiale indie, Captain Fantastic est le récit d’une tentative. Celle de vivre une autre vie, à l’écart d’un monde que l’on pourrait qualifier par le simple mot « trop » : trop de consommation, trop d’argent, trop de publicité, trop d’embrigadement. Bref, un univers néfaste dont Ben voulait épargner sa flopée d’enfants. Pour cela, ce père de famille et sa femme se sont échappés du monde en se réfugiant dans les bois, vivant de leurs forces et de ressources tirées de la nature. Bel idéal que défend là Captain Fantastic, remettant en cause les fondements de notre société, martelant son public de références philosophiques et politiques, comme si ses jeunes personnages étaient – de toute façon – bien plus intelligents que nous. On commençait bien, avec une intrigue passionnante, des acteurs prometteurs, une photographie certes déjà vue mais particulièrement maîtrisée. Par manque de finesse, stéréotypes et redondances, l’oeuvre s’essouffle. Son discours est louable mais vite rébarbatif et lassant, que même le talentueux (et parfait) Viggo Mortensen n’arrive plus à raviver. Dommage, on partait pourtant bien.

Vincent : Second long-métrage de Matt Ross, Captain Fantastic dévoile de manière intimiste l’utopie d’un père et de ses enfants au cœur de la nature, avant qu’ils ne soient rattrapés par le monde réel. Fort d’un casting étonnant d’authenticité, de Viggo Mortensen à l’ensemble des enfants, Captain Fantastic témoigne d’une pureté rare, qu’il s’agisse des émotions véhiculées ou du traitement idéologique des personnages. S’il y a bien à ce propos des grincements idéologiques, qui donnent une portée plus large à la réalisation soignée de Matt Ross, on ne peut toutefois pas occulter la candeur avec laquelle ceux-ci sont amenés, comme s’il s’agissait non pas de convaincre le spectateur, mais plutôt de lui indiquer d’autres possibles. Matt Ross saisit à la fois toute l’intensité d’un drame familial mais aussi la légèreté d’un ailleurs, marquant particulièrement l’emphase sur les thèmes de l’éducation et de la famille. Par ailleurs, c’est cette légèreté même qui donne une saveur toute particulière à Captain Fantastic en permettant une variation des tons et des genres afin de toujours s’éloigner de toute tentation manichéenne. Frappant de sincérité, communicatif et intriguant, Captain Fantastic entre en communion avec son spectateur et partage un idéalisme non pas exacerbé mais plutôt à questionner. Une subtilité qu’il est nécessaire de saisir afin de se déprendre de l’idée erronée d’une contre-propagande face à la société contemporaine. La réalisation de Matt Ross n’est en aucun cas didactique, elle cherche à créer un lien émotif cristallin dans l’objectif de mener à une introspection sincère.

  • La La Land de Damien Chazelle :

Camille : La La Land est touchant, magnifique, plein de vie. Un hymne à l’amour mais aussi à l’ambition, qu’aucun de ses personnages ne perd de vue, à l’image des problématiques vécues par la jeunesse d’aujourd’hui. Une bande son magistrale et entêtante, qui s’immisce aujourd’hui encore dans mes journées. Une très belle réussite qui pâtit de sa longueur, en particulier dans ses dernières séquences. Mais un très beau film qui, à l’image de ses personnages, se montre elle aussi faillible.

VincentLa La Land se sublime au-delà de l’écran pour se muer en un événement culturel à l’image des grandes comédies musicales qui l’ont précédé. Revendiquant son statut d’œuvre de liberté, le long-métrage de Damien Chazelle joue sur les temporalités et les contrastes pour offrir à son spectateur une véritable envolée musicale et lyrique au-delà des contraintes du cinéma moderne en se saisissant du cœur même du Septième Art. La La Land s’impose comme une œuvre singulière et devient cette petite mélodie intérieure symbole d’une réussite monumentale. Entre esthétique de la dissonance et célébration, le dernier long-métrage de Damien Chazelle n’est pas uniquement un succès : c’est une parenthèse nécessaire et pourtant si irrationnelle dans un monde sans couleurs.

  • Lion de Garth Davis :

Camille : Lion traite du destin d’un petit Indien Saroo, qui perdu, partira loin des siens pendant vingt-cinq ans. Le film peut se décomposer en deux parties s’enchaînant linéairement, l’une suivant le petit garçon égaré tandis que l’autre nous projette dans sa vie « d’après », en Tasmanie en compagnie de ses parents adoptifs alias Nicole Kidman et David Wenham. Comme dans Slumdog Millionnaire, Dev Patel semble avoir été guidé par une chance inouïe, accueilli dans un foyer aimant et confortable lui assurant un avenir certain. Seul ombre au tableau et non des moindres, le passé du jeune homme le hante toujours et le pousse à retrouver les siens, qu’il a abandonnés malgré lui en Inde. Cette deuxième partie, portée par Dev Patel et Rooney Mara – malheureusement trop insignifiante ici – se fait trop longue et manque de finesse. Les flash-back s’entremêlent à la réalité comme autant de visions d’un oasis perdu, grossières représentations des tourments du héros. Les dialogues se font poussifs et attendus, entre une Nicole Kidman en mère comblée mais détruite et un Dev Patel tour à tour apathique et exalté une fois Google Earth activé. Lion tient ses promesses : des émotions (parfois trop), l’Inde dans toute sa beauté et sa dangerosité, l’histoire touchante et vraie d’un Indien orphelin. Point d’originalité à chercher dans ce film qui accomplit son job, quitte à en faire trop.

Vincent : Sans aucun doute, Lion dégage une puissance émotionnelle incommensurable. Adapté d’une histoire vraie, le premier long-métrage de Garth Davis offre un moment d’émotion singulier, porté par un Dev Patel magistral dans la seconde partie de la réalisation. Toutefois, l’ensemble se révèle bien trop formel pour parvenir à se sublimer pleinement. Même si le panorama de l’Inde que nous offre Lion est tout à fait superbe, on regrettera qu’il s’achève sur une simple envolée réduite à un pathos bien trop accentué.

  • Premier Contact de Denis Villeneuve :

Camille : En prenant un point de vue novateur concernant la communication entre les aliens et les hommes, Denis Villeneuve prouve encore une fois sa capacité à baser ses films sur un scénario de choix, complexe et plein de sensibilité. Le film nous entraîne dans une aventure scientifique hors-normes, avec une équipe partie à la rencontre d’extra-terrestres débarqués sur Terre on ne sait pourquoi. Nous le découvrons peu à peu aux côtés d’Amy Adams, linguiste talentueuse et acharnée qui va éclaircir le mystère de leur venue. Premier Contact est un film magnifique traitant de la communication entre les hommes et les aliens mais également entre les hommes eux-mêmes, que ce soit à l’échelle individuelle ou mondiale. Avec un twist final surprenant, Villeneuve nous prouve encore une fois sa maîtrise du suspens et des rouages narratifs, mettant l’humain et ses tourments au cœur de son oeuvre.

Vincent : Depuis son adaptation de la pièce Incendies de Wajdi Mouawad en 2010, Denis Villeneuve n’a de cesse de démontrer qu’il est un réalisateur de talent. Annoncé sur le tournage de la suite de Blade Runner, le réalisateur de Prisoners avait pour ambition, si ce n’est pour mission, de s’essayer à la science-fiction. Loin d’être un simple faiseur, Denis Villeneuve livre avec Arrival un long-métrage maîtrisé qui trouve sa force dans une réalisation haletante et soignée. Fidèle à l’ensemble de son travail, le réalisateur perd son spectateur dans la brume qui pèse sur son œuvre, au terme d’un schéma de réalisation labyrinthique, devenu un véritable leitmotiv de son cinéma. Comme pour répondre à l’égarement à travers les yeux d’Emily Blunt dans SicarioArrival égare quant à lui le spectateur à travers les yeux d’Amy Adams. Il s’agit ainsi de mettre en scène un spectacle à échelle humaine, bien plus que de dérouler une grande fresque dramatique. Le formidable travail effectué sur le son permet dès lors d’accentuer cette relation qui se crée entre la scientifique et le spectateur. Grande fable sur le langage, les relations humaines ou encore l’espoir, Arrival nous offre un récit profondément humaniste qui permet à Denis Villeneuve de maîtriser son sujet et de se défaire de l’image du simple blockbuster. Finalement, le réalisateur franchit avec Arrival un nouveau palier dans sa carrière et, si l’on ressent toujours dans son travail les influences de David Fincher ou Christopher Nolan (agrémentées ici d’une esthétique qui n’est pas sans rappeler celle de Terrence Malick), on remarque également que le canadien en vient désormais à piocher dans ses propres références, en témoigne un plan similaire à la scène finale d’EnemyArrival est non seulement un grand film de science-fiction, mais aussi et surtout l’œuvre d’un auteur méticuleux et talentueux.

  • Manchester By the Sea de Kenneth Lonergan :

Camille : Manchester by the Sea est un film bouleversant sur le deuil et la famille. Casey Affleck y est époustouflant, épaulé par Lucas Hedges, jeune acteur à surveiller de très près. Tout en retenu et en humour, ce film est l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de voir en 2016.

Vincent : Bien plus qu’un simple drame familial, Manchester by the Sea est le récit de la destruction intime de Lee Chandler, incarné par un Casey Affleck au sommet de son art. Kenneth Lonergan fait graviter son long-métrage autour de la performance de ce dernier et permet alors de souligner une performance à la fois poignante et exceptionnelle. La caméra fixe du réalisateur, presque étrangère à tout mouvement, semble accentuer le désespoir, l’impuissance de ce père de famille ravagé par l’existence et qui semble s’être abandonné dans les abysses de la tragédie à l’œuvre. Véritable drame du poids de la vie, Manchester by the Sea souffre néanmoins de quelques longueurs probablement accentuées par la révélation trop peu subtile et trop rapide de ce qui ronge Lee Chandler. Il en reste qu’il s’agit sûrement ici de l’une des plus belles performances de l’année au sein d’une réalisation émouvante et poétique, qui oscille avec virtuosité entre les thématiques de la famille et du deuil.

  • The Lobster de Yorgos Lanthimos :Camille : The Lobster est un film d’une originalité folle, porté par un casting cinq étoiles composé de Colin Farrell et Rachel Weisz, à leur meilleur. D’un humour grisant, le dernier film de Yorgos Lanthimos est un must-see à la fois malsain et lumineux en raison de l’amour que se porte ses deux protagonistes. Brillant.Vincent : Récit d’une dystopie originale, The Lobster est une réalisation à la fois étonnante et grinçante. Le côté burlesque du long-métrage s’efface très vite pour céder sa place à un réalisme froid et dérangeant qui mène vers un final presque insoutenable. Mention spéciale à Colin Farrell, brillant de candeur.
  • 20th Century Women de Mike Mills :

    Camille : Le dernier long-métrage de Mike Mills qui succède à The Beginners est une véritable réussite. Une oeuvre musicale, irrévérencieuse, rafraichissante, à l’image du mouvement punk qui agite son contexte narratif. Lumineux grâce à son casting talentueux : Annette Bening, Elle Fanning, Billy Crudup, Greta Gerwig et Lucas Jade Zumann, tous les cinq irréprochables et au personnage de Dorothea, véritable astre à elle toute seule. 20th Century Women est un portrait de femme(s) majestueux mais également le portrait d’une société en pleine mutation, secouée par un vent de révolte irrépressible.
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