– Mike Mills ; 2017 –

Six ans après Beginners, qui traitait de la relation entre un père et son fils, vécue à travers un filtre nostalgique, Mike Mills revient avec 20th Century Women, largement inspiré de sa mère. Le décor est planté : Santa Barbara, 1979, dans une Amérique en pleine crise identitaire. Située dans ce qu’elle perçoit comme un changement d’ère, Dorothea élève seule son fils Jamie. Souhaitant lui offrir le meilleur soutien possible, elle décide de s’entourer de deux autres figures féminines pour lui porter soutien et l’aider dans son rôle de mère cinquantenaire.

Ce sentiment d’impuissance est le lot de chaque mère, submergée par ses responsabilités et inquiète pour l’avenir de ses enfants. Peu d’entre elles se montrent pourtant aussi déterminées et originales que Dorothea dont la demande étonne et détonne. Pour l’épauler dans l’éducation de son fils, l’héroïne s’entoure de sa locataire Abbie – jeune artiste en prise avec un cancer de l’utérus et de constantes remises en questions – et Julie, meilleure amie et petite amie rêvée de Jamie. Un choix pour le moins original tant en termes de personnalité que de parcours qui se montre tout à fait représentatif de Dorothea : imprévisible et osé. Les trois femmes vont ainsi entourer le jeune adolescent d’un amour attentif et maladroit, bouleversant considérablement ce dernier tant en termes d’idées que de construction personnelle. Conversations intimes, discussions autour de la littérature et de la musique font partie de cette éducation hors-normes, de cette combinaison de points de vue sur la vie, l’amour, les femmes. À l’image de ses personnages, 20th Century Women est un concentré de récits, découpé entre ses différents protagonistes. Il représente également une compilation d’œuvres littéraires et musicales, plaçant l’art au service de son propos. Quel plaisir de voir des passages de romans (qu’ils soient féministes ou existentiels) illustrer les différents questionnements de son héros adolescent, homme en devenir. Des remises en questions qui volent en éclat sur une bande-son alliant punk et titres plus aériens, vestiges d’une vague hippie en déclin et qui portent ce vent de révolution qui plane sans cesse sur l’œuvre de Mike Mills. Un air irrévérencieux qui se ressent également dans les dialogues du film, pleins de sincérité et d’humour grinçant, claquant, grisant. À l’image de son actrice centrale et solaire j’ai nommé Annette Bening.

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Mars Films

20th Century Women est un portrait de femmes, mais surtout le portrait d’une femme : une mère au caractère bien trempé, à la fois direct et pourtant insaisissable, portrait intime de celle que le réalisateur a connue et tenté d’amadouer. Car Dorothea est une femme complexe, que ni son fils ni le spectateur n’arrivent totalement à cerner, s’interrogeant constamment sur son ressenti : est-elle heureuse ou cache-t-elle tant bien que mal de profondes blessures ? À force d’humour et de répliques bien placées, cette dernière tente de masquer sa peur de perdre pieds et de ne pas apporter suffisamment de bonheur à son fils unique, de ne pas lui donner toutes les clés en main pour bâtir son propre bonheur. Bloquée par son incapacité à communiquer, elle dresse divers stratagèmes pour ne pas avoir à parler d’elle-même, faisant de son charisme un rempart contre l’intimité. Un esprit complexe qui fait de cette héroïne une femme résolument attractive, solaire. Tout au long du récit, les allers et venues se répètent dans la maison des colocataires, devenue un lieu d’hospitalité et de dialogue où chaque membre semble graviter autour de Dorothea, hôte magnétique. Un rôle qui convient parfaitement à Annette Bening qui déploie ici toute sa sensibilité et son talent, interprétant à merveilles cette femme à la fois démonstrative mais toute en retenue, charismatique et pourtant taiseuse lorsqu’il s’agit de parler d’elle-même.

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Pour conclure sans trop en dire, ce dernier long-métrage de Mike Mills est une vraie réussite. Souffrant de quelques longueurs sur sa fin, il n’en demeure pas moins passionnant en raison du portrait touchant et réaliste qu’il donne de ses différents personnages. On ressent tout l’amour que le réalisateur leur a porté, ayant su tirer le meilleur de ses cinq acteurs principaux, entourés d’un halo lumineux. Mêlant les récits et les problématiques, du portait de société à l’évolution d’un jeune adolescent, 20th Century Women est un film d’une grande intelligence, subtil et vif, comme l’est Dorothea, placée au centre de l’œuvre. Aux vues du résultat, on n’aurait pu trouver plus bel hommage d’un fils à sa mère que ce choix d’Annette Bening pour incarner cette grande dame du Xxè siècle.

Camille Muller

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