– Jeff Nichols ; 2016 –

Alton est un petit garçon doté de pouvoirs surnaturels. Midnight Special raconte la fuite d’un père cherchant à protéger son fils de multiples autorités : religieuse, politique et juridique.

Constante course-poursuite

Dès le départ, Jeff Nichols brouille les pistes, à l’image de Michael Shannon interprétant ici un père prêt à tout pour protéger son fils. Nous plongeons immédiatement dans le vif du sujet en rejoignant Roy, son ami Lucas et son fils Alton dans une chambre de motel ; personnages qui nous entraînent dans leur course folle vers la liberté. Cette entrée en matière est très efficace, le spectateur étant happé dans cette fuite effrénée à bord d’une voiture lancée à pleine vitesse. L’introduction est esthétiquement très plaisante et pose les bases de l’intrigue : une famille à nouveau réunie tente d’échapper aux multiples poursuivants qui la traquent. Toutefois, cette immersion très rapide démontre également un des défauts majeurs du film qui ne cessera de grandir au fil du récit : le manque d’informations données au spectateur et cette impression d’être « trimbalé » de long en large sans jamais réussir à comprendre les causes et aboutissants de cette aventure. Paradoxalement et alors que le film vient à peine de commencer, on reste sur sa faim.

Hommage à la SF

Alton est un petit garçon à part, doté de pouvoirs exceptionnels. Ces qualités surnaturelles l’ont coupé du monde dès sa naissance et ont servi les fins d’autorités spirituelles. Encore une fois il faut deviner ce passé dans des bribes de dialogues et décortiquer petit à petit cette histoire de famille restée secrète. On en déduit donc que Roy et Sarah (mère réservée et humble interprétée par Kirsten Dunst) vivaient tous les deux dans le Ranch lorsque Alton est né. Ce lieu mystique, sorte de secte hermétique et recluse, distille dans les premières minutes du film une ambiance à la fois inquiétante et intrigante. Il est toutefois regrettable de n’en voir que quelques maigres apparitions et de ne rester qu’à la surface de cette entité spirituelle. Ce que l’on en retiendra : l’utilisation du petit garçon comme oracle à des fins individuelles et communautaires. Cette instrumentalisation orchestrée pendant deux ans par le pasteur du clan va être interrompue par l’enlèvement du garçon par son père, bien décidé à offrir un avenir meilleur à son fils.

C’est à partir de là que commence la fuite de cette famille recomposée, traquée à la fois par les autorités religieuses qu’elle a abandonnées mais aussi par les forces de police. Pour cause, Roy est accusé de kidnapping et recherché par le FBI et la NSA. Peu à peu, les autorités démêlent le mystère entourant le petit garçon et se rendent compte de l’importance que ce dernier pourrait avoir en terme de recherche et de stratégie. Le spectateur découvre lui aussi les pouvoirs d’Alton qui se montrent de plus en plus incontrôlables. Malgré ce gain d’intensité, les effets spéciaux à l’effet « vintage » – hommage certain à la SF des années 70 dont Spielberg est une des références majeures – n’en demeurent pas moins dénués d’efficacité. Ici encore demeure un goût d’inachevé qui vient s’ajouter aux déceptions continues du spectateur.

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Récit d’une famille brisée

Les pouvoirs du petit garçon font de lui un être rare et estimé. Considéré, du point de vue de la science et de la religion, comme une trouvaille nécessaire au progrès, le petit garçon est avant tout présenté comme la base d’une famille en pleine reconstruction. Sa protection est au cœur des préoccupations de  Roy et Sarah et constitue également un renouveau de leur amour brisé. Au fil de leur fuite, le spectateur peut observer la réunion de ces trois personnages toutefois destinée à être brisée. Pour cause : la nature même de l’enfant le destine à l’exil, appelé vers un monde parallèle peuplé d’être surnaturels et semblables à lui. Confrontés à cette dure réalité, ses parents vont tout faire pour le conduire vers ce point de rendez-vous secret, établi avec des entités extraterrestres. Guidé par l’amour, le couple fait preuve d’une humilité et d’un sens du sacrifice exemplaires tout au long du récit. La distance qu’ils conservent avec leur enfant – nécessaire pour minimiser leur souffrance – pèse toutefois sur l’œuvre et empêche l’identification et l’empathie du public. Encore une fois le film pâtit du peu d’informations qu’il prodigue, tant sur ses personnages que sur son intrigue. Ces lacunes font que malgré les rebondissements et la finalité de cette quête, le spectateur ne sort de cette oeuvre qu’avec une amère impression de vide de sens autant que de sentiments.

Mon avis (remonté) lors de la sortie salle

Admirative de Jeff Nichols depuis ses films Mud et Take Shelter que j’avais tous les deux adorés, j’attendais avec impatience cette nouvelle sortie. Sortie que les médias avaient d’ailleurs encensée, comparant le réalisateur au grand Spielberg (oui, j’ai fait le rapprochement avec E.T. et Rencontre du troisième type : merci). Ô déception ! Malgré des débuts prometteurs et quelques soubresauts esthétiques (le travelling s’élevant au dessus de la forêt, qui m’a rappelé que j’aimais le cinéma), je me suis ennuyée. Dans un film de SF, combinant Michael Shannon, Kirsten Dunst et Adam Driver, couronné par la réalisation de Jeff Nichols : ennuyée ! Manque d’explications, personnages sans profondeur, faiblesse des effets spéciaux, absence de suspense. Tant d’éléments qui me font déconseiller Midnight Special, avec tristesse et regret.

NB : avec le recul, je me rappelle de Midnight Special avec une douce nostalgie. C’est avant tout le combat de ces deux parents qui me touche, malgré les lacunes dont je me rappelle encore avec précision : manque de développement du récit et des personnages, effets spéciaux old-school mais inefficaces… À revoir donc avec davantage de recul et pour l’amour de Jeff Nichols évidemment. Et pourquoi pas ce soir, 20h55 sur Canal + ?

Camille Muller

2/5 (1)

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