–  Luc Besson ; 2017 –

Luc Besson est l’un de ces trop rares réalisateurs français à rayonner à l’international et, de ce fait, à proposer librement des projets de grande envergure. On sait le réalisateur du Grand Bleu passionné de science-fiction depuis les débuts de sa carrière, et il n’est dès lors pas étonnant de constater avec quel entrain il porte à l’écran la bande-dessinée française Valérian et Laureline, comme s’il réalisait un rêve d’enfant, ce que viendra confirmer l’hommage final du long métrage. Il ne fait ainsi aucun doute que Valérian et la Cité des Mille Planètes est une réalisation audacieuse, portée par un metteur en scène enthousiaste. Mais vingt ans après Le Cinquième Elément, Valérian s’écrit en dents de scie et ne semble pas parvenir à porter les ambitions de Luc Besson.

« The whole universe is after us. »

En adaptant Valérian et Laureline¸ Luc Besson saisit indéniablement un univers riche, qui devient ainsi le véritable enjeu de sa mise en scène. La scène d’exposition permet au long-métrage d’introduire cette richesse en proposant une chronologie des relations internationales et universelles au sein de la station spatiale Alpha. Le spectateur est plongé dès les premiers instants dans cet univers foisonnant, habilement rattaché à notre époque à son point de départ, avant de glisser explicitement dans le genre de la science-fiction. Sur fond de Space Oddity, cette première scène parvient à nous arracher à l’attraction terrestre et amorce un voyage intergalactique prometteur.

Mais si l’introduction semble indiquer une certaine richesse visuelle, il faut toutefois noter que l’aspect graphique de Valérian s’écrit, lui aussi, en dents de scie. Les scènes d’intérieur sont plutôt réussies, même si le visuel des vaisseaux reste sobre, pour ne pas dire simple. Dans l’introduction d’un nouvel univers, l’œil porte toutefois davantage son intérêt vers les mondes extérieurs qui lui sont présentés, les nouvelles planètes et les nouveaux peuples. La caméra de Luc Besson s’attarde alors sur une planète aux aspects d’Eden galactique, où le peuple des Pearls mène une vie harmonieuse avant que l’action ne se mette en place. Cette nouvelle scène d’exposition propose un univers graphiquement pauvre, devant un fond vert grossier, muant ce pays de cocagne en brasier visuel. La planète colorée devient vite insupportable à l’œil et le character design des Pearls paraît pauvre, empêchant toute empathie de s’installer lorsque leur sort bascule. Luc Besson cherche à saisir des adieux déchirants, mais le spectateur reste impassible devant des personnages insipides et survolés bien trop rapidement.

L’échec visuel de cette première partie semble toutefois s’estomper avec l’introduction du personnage principal. La reprise d’un fond vert grossier pour en souligner l’artificialité devrait permettre de reconsidérer celui de la planète visitée précédemment, puisqu’elle devient l’objet d’un rêve. Néanmoins cette dernière est à nouveau présentée en fin de long-métrage, exactement de la même manière, confirmant l’échec de cette création graphique. Par ailleurs, les approximations visuelles se multiplient et se font écho et Valérian prend des allures de brouillon à effets spéciaux, malgré le foisonnement d’idées originales, comme cette scène de marché où l’action s’installe sur plusieurs échelles visuelles. Demeure toutefois ce sentiment de pauvreté, que la multiplication des peuples ne parvient pas à effacer. Fort heureusement Luc Besson fait le choix d’inscrire l’action au cœur de la station spatiale Alpha, évitant ainsi de présenter de grands espaces visuellement approximatifs. À quelques jours de la sortie du prochain volet de La Planète des Singes, le budget pourtant élevé de Valérian ne lui permet même pas de rivaliser avec le premier épisode en termes de crédibilité graphique. Notons tout de même que cela confère au long-métrage un aspect enfantin, presque dessin-animé, permettant, peut-être, de tisser un lien avec la bande-dessinée originelle.

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« This is going to be a lot of fun. »

Luc Besson cherche par ailleurs à appuyer ce côté enfantin en offrant un univers légèrement décalé, qui n’est pas sans rappeler Les Gardiens de la Galaxie. Ainsi peut-on relever quelques touches rétros et des références cinématographiques évidentes, qui se révèlent cependant peu subtiles, à l’instar des références à Star Wars. Luc Besson n’hésite pas à faire des références à son propre travail qui viennent souligner la qualité moindre de cette nouvelle réalisation par rapport à une filmographie riche ; l’exemple du show de Rihanna semble ainsi emblématique du grotesque de Valérian, parodiant vaguement Le Cinquième Elément sans finesse aucune.

De fait l’ensemble de la réalisation manque de finesse, ce qui conduit à une écriture très caricaturale à la fois des enjeux et des personnages. Ainsi ne ressent-on jamais réellement les enjeux de la quête des personnages principaux, pourtant appuyés par des discours sans saveur sur le destin, la vie et l’amour. Des personnages entrent et disparaissent du champ de l’action sans que l’on n’y prête attention, et lorsque l’effacement d’un personnage vient à durer, cela en devient même agaçant. Les différents points d’action sont eux aussi dénués de tout enjeu, lorsqu’ils ne sont pas confus ; la bataille spatiale à l’origine de la situation des Pearls est ainsi représentative de ce manque constant d’enjeu, puisqu’on ne fait que survoler un événement dont nous ne connaissons ni les tenants, ni les aboutissants. L’arc narratif se révèle lui-même très grossier en fin de partie, avec la mise en place d’une structure entre enquête et révélation, le grotesque de cette dernière étant accentué par une caméra rotative sans subtilité, révélant à la fois ce que le spectateur avait deviné et mimant le mouvement d’aller-retour dans la narration. Les motivations des protagonistes sont elles aussi sans saveur, lorsqu’elles ne sont pas confuses et incompréhensibles ; la mention de peuples primitifs démontre bien cette absence flagrante de finesse dans l’écriture.

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« Bring on the beach. »

Enfin, la relation entre Valérian et Laureline est elle-même globalement fruste. Il est dans un premier temps difficile de situer le lien qui unit les deux personnages : est-il récent, sont-ils collègues depuis longtemps ? Par la suite, cette relation évolue de manière caricaturale et la romance tend même à agacer lorsqu’elle est soulignée sans subtilité, à l’instar d’un discours final monotone. L’écriture des deux personnages est elle aussi caricaturale, Dane DeHaan campant un Valérian romantiquement diabolisé et Cara Delevingne incarnant une Laureline qui peine à s’affirmer réellement. Si cette dernière est certes à l’origine de l’attractivité du duo, elle semble toutefois constamment en sur-jeu, en témoignent des mimiques faciales dispensables. Quant à son homologue, il semble s’ennuyer dans cette réalisation sans saveur et sans subtilité. Les quelques touches d’humour au sein du duo permettent toutefois de relever quelque peu l’ensemble de la réalisation et confère une certaine sympathie à deux personnages dissonants.

En définitive, malgré une certaine originalité et quelques morceaux de bravoure, à l’instar d’un plan-séquence à travers la station Alpha (qui demeure néanmoins bien trop court), Valérian et la Cité des Mille Planètes peine à installer des enjeux convaincants au sein d’un univers graphiquement pauvre ; ce qui, par ailleurs, détonne avec le foisonnement visuel que tente d’introduire Luc Besson. La réalisation a le mérite de ne pas être trop longue, et ce malgré la multiplication de discours fades et dispensables. On retiendra ainsi l’échec de ce space-opera pourtant hardi, mais que la réalisation archaïque freine considérablement.

Vincent Bornert

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