– Manu Riche ; 2017 –

En attente d’une décision du gouvernement belge quant à leur possibilité de s’installer dans le pays, des migrants du monde entier logent dans une tour désaffectée de la ville de Bruxelles. Des hommes et des femmes exilés politiques ou/et économiques dont le spectateur va partager le morne quotidien.

Premier long-métrage fictionnel du réalisateur Manu Riche, Problemski Hotel dresse un portrait sans concession de l’Europe actuelle au travers d’un centre d’accueil belge, lieu de transit pour des centaines de migrants plongés dans l’incertitude. Une tour de Babel désaffectée où les langues et les cultures se percutent, s’épousant ou se confrontant au gré des personnalités et du vécu de chacun. Un environnement déconstruit et instable sur lequel Bipul – magnifique Tarek Halabi – porte un regard mélancolique et désabusé, migrant amnésique et anonyme du centre, témoin actif des événements s’y déroulant. Un homme doué d’une sensibilité peu commune et d’une intelligence qui lui vaut le statut de médiateur au sein du foyer. Traducteur, ami, amant, représentant, confident sont autant de casquettes que porte – avec plus ou moins de consentement – ce narrateur. Un homme qui confie son timbre à l’œuvre, voix off de Problemski Hotel qui embarque le spectateur dans des envolées lyriques à la fois belles et épuisantes, à l’image de l’esprit tourmenté de leur auteur. Un poète qui oscille constamment entre espoir et désillusion, désarmé face à l’injustice du système auquel il prend part, observant avec impuissance le bal des arrivées et des départs sans que ses actions aient un quelconque impact sur le déroulé des événements.

Wayna Pitch

Filmant le quotidien des migrants avec un regard quasi clinique qui traduit bien son expérience de documentariste ; Manu Riche nous met face aux failles de notre système d’accueil, faisant de cette tour anonyme l’allégorie de la gestion européenne des migrants. Des hommes et des femmes condamnés à attendre l’inévitable, incapables de jouer un rôle dans la suite d’événements qui les concernent directement. Des exilés qui se retrouvent confrontés à de multiples barrières, qu’elles agissent à l’intérieur du centre – en raison des différences de cultures, de langues, de religions – ou à l’extérieur, eux qui sont victimes de violents préjugés de la part des citoyens belges. Face à l’administration, la tour représente un lieu d’attente mêlant espoirs et déceptions, lieu tragique par excellence où se croisent une multitude de destins. De ce multiculturalisme ressort également des situations salvatrices : la naissance d’une amitié, la solidarité entre migrants, l’avènement d’une idylle inopinée. Autant de parenthèses qui font respirer l’œuvre et soulagent le spectateur, suscitant émotions et rires libérateurs. Arme des exilés, l’ironie devient également celle du public pour affronter la dure réalité des personnages rencontrés, lui qui observe avec amusement la récurrence de scènes grotesques qui ne font qu’accentuer l’impression d’assister à une triste farce tout en esquissant des sourires – pour un temps – soulagés.

Film coup de poing, Problemski Hotel est une belle découverte qui, bien qu’alourdit par des longueurs et répétitions dispensables, n’en demeure pas moins essentiel. Inspirée du roman de Dimitri Verhulst, cette adaptation concorde tragiquement avec le contexte humanitaire actuel, traduisant avec justesse cet entremêlement constant d’espoirs et rêves brisés en cette tour de Babel contemporaine.

En salles le 29 novembre 2017.

Camille Muller

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