-A.Soozandeh, 2017-

Le réalisateur iranien Ali Soozandeh nous raconte la vie à Téhéran dans ce film d’animation avec le portrait croisé de quatre personnages qui tentent au quotidien de s’émanciper des tabous de la société iranienne.

Une société où le paradoxe règne

L’Iran, et plus particulièrement sa capitale, vit dans l’antinomie permanente. Les nombreux interdits religieux qui régissent cette société coexistent avec le sexe, la drogue et l’alcool. La nuit, grand nombre des habitants de la capitale iranienne laissent le poids des traditions à la porte des nightclubs. Dans cette métropole grouillante, le film nous invite à suivre le parcours de quatre individus atypiques. Trois femmes et un homme qui, à leur manière, font trembler l’édifice des lois morales et religieuses qui régissent la vie de tous les habitants du pays. On découvre ainsi tour à tour Pari, une prostituée ; Sara, une jeune épouse ; Donya, une fiancée, et Babak, un étudiant musicien qui subissent, de façons différentes, la pression du dogme religieux. Pari est une mère célibataire qui rêve de pouvoir divorcer de son mari emprisonné qui s’y oppose. Sara se bat pour obtenir l’autorisation de son époux pour travailler alors que lui veut la restreindre au rôle de mère de famille. Donya cherche à se faire recoudre l’hymen après une relation d’un soir avec Babak, qui a eu lieu 8 jours avant son mariage. Babak qui, par ailleurs, doit aussi se démener pour réaliser son rêve de sortir un album de musique considéré comme hérétique au regard de la loi islamique.

Camino Filmverleih / Little Dream Entertainment

En mettant de côté le personnage masculin, ce qui ressort de Téhéran Tabou est la question de la place de la femme et de sa lutte, difficile, pour l’émancipation dans une société où les hommes, que ce soit un père, un frère ou un mari, sont les seuls à pouvoir accorder des libertés au sexe opposé. Des individus qui se montrent ici, évidemment, peu coopératifs.

Une esthétique particulière

En dehors du portrait que dresse le réalisateur de la société iranienne, l’intérêt du film réside aussi dans son parti-pris esthétique. En effet, Ali Soozandeh a fait le choix de la rotoscopie comme technique d’animation c’est-à-dire que les scènes ont été interprétées par de vrais comédiens dont les traits et les silhouettes ont été retracés au dessin. Ils ont été ensuite insérés dans les différents dessins d’arrière-plans du film. Le rendu est assez étonnant, comme si l’on faisait parfois face à une vidéo trop pixelisée mais le tout reste relativement réaliste.

Camino Filmverleih / Little Dream Entertainment

Par ailleurs, ce choix de l’animation n’est pas un hasard, il est même quelque peu forcé. En effet, Soozandeh n’aurait jamais pu tourner ce film en prises réelles à Téhéran du fait du fort contrôle et de la censure exercés par les autorités. Mais il ne voulait pas transposer le décor ailleurs. L’animation apparaît donc comme une solution pour montrer la capitale iranienne à l’écran sans pour autant s’y rendre.

En définitive, Téhéran Tabou, par le biais d’une très belle animation, livre une vision qui se veut la plus réaliste possible des modalités de la vie dans la métropole iranienne déchirée entre le désir des individus de profiter de la vie et le règlement moral strict imposé par un État très religieux.

Amélie G.

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