-Roman Polanski ; 2017-

Sa réputation cannoise la précède : l’adaptation du roman de Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie (récompensé du Renaudot et du Goncourt des lycéens en 2015) fut conspuée par une bonne partie de la critique lors de sa projection sur la Croisette. Les mois ont passé, l’occasion pour Polanski de remanier quelque peu son film et d’en couper une dizaine de minutes. Mais le mal est fait : dès sa première scène, D’après une histoire vraie sonne faux. Du début jusqu’à la fin. Effet volontaire de la part du réalisateur et de son scénariste, Olivier Assayas, pour retranscrire l’incertitude du récit de base ? Ce sentiment de malaise permanent rend pourtant le film particulièrement difficile à regarder…

Un univers de pacotille

Le film termine comme il a commencé : par une scène de cohue au Salon du Livre de Paris, célébrant chacune la sortie des nouveaux livres de Delphine Dayrieux. D’après une histoire vraie, à l’instar de The Ghost Writer, questionne le lien qu’entretient un auteur avec l’acte de création, et la manière dont il appréhende “l’après”. Une pression qu’a vécue Delphine de Vigan suite à la publication de Rien ne s’oppose à la nuit, premier de ses ouvrages ouvertement autobiographique. Dans son ouvrage, l’auteure délivre une version sensiblement fictionnalisée de sa propre vie, rythmée par ses rencontres avec ses éditeurs, sa longue période de doute, ses craintes partagées avec son compagnon, le critique littéraire François Busnel, ici campé par Vincent Elbaz.

Si l’illusion fonctionne dans le roman, puisque les noms des personnes réelles sont mentionnées, l’adaptation décide de changer les identités des personnes impliquées : De Vigan devient Delphine Deyrieux, son roman Vienne la nuit… et notre “Busnel” fictif passe son temps à étaler les noms d’auteurs qu’il se prête à interviewer. Le problème de cet encadrement au Salon du Livre, c’est qu’il enferme également le film dans une sorte d’entre-soi caricatural. Vautrée dans son appartement, Delphine accumule les crises d’angoisse. Emmanuelle Seigner cabotine comme elle peut dans le rôle d’une écrivaine épuisée, dont l’expression du syndrome de la page blanche se limite à tenir un regard vide devant un document Word vierge.

Elle n’est pas commode

Il n’y a vraiment rien qui puisse sauver D’après une histoire vraie tant le film donne l’impression d’avoir été précipité, bâclé, afin d’être prêt à temps pour la compétition cannoise. Un argument plausible puisque même le casting a reconnu avoir eu très peu de temps de répétition lors du tournage. Devinez quoi ? Ça se voit. Eva Green, dont le personnage se veut être l’ombre de Delphine, une femme désireuse de s’accaparer son succès, est dans le surjeu permanent. Sa performance n’est pas non plus aidée par le découpage de l’oeuvre, qui la rend profondément bipolaire et obsédée par une seule et unique chose : le “livre caché” de Delphine, qui est l’objet de bien des séquences.

Il est évidemment impossible de ne pas penser à Misery, lui-même ouvertement cité par De Vigan en ouverture de l’un de ses chapitres, lorsque l’on voit venir le dernier tiers du film, qui connaît alors une certaine accélération. Mais l’accumulation de scènes absurdes (une chute dans les escaliers semblables à un accident filmé dans une mauvaise émission type Le jour où tout a basculé) et le manque d’enthousiasme des actrices ratatinent le récit, qui juxtapose pourtant des pans entiers du roman avec une certaine fidélité.

Gabin Fontaine

Aucun vote pour l'instant

Et si vous nous donniez votre avis ?