– Yan England ; 2017 –

Tim est un jeune lycéen de 16 ans plutôt réservé. Il vit seul avec son père, sa mère étant décédée, et passe la majorité de son temps avec son seul ami Francis. Les deux amis sont victimes des moqueries et diverses humiliations du mec populaire de l’école : Jeff. Alors que ces railleries dégénèrent et finissent de façon tragique pour Francis, Tim décide de prendre sa revanche et de défier Jeff sur son terrain : la course au 800 mètres. Son objectif est de coiffer au poteau Jeff lors des qualifications aux nationales.

Une compétition sportive sur fond de harcèlement scolaire

1 minute 54. Le titre du film évoque le temps que doit faire Tim afin de battre Jeff au 800 mètres et participer aux nationales. Rien que l’intitulé du film laisse penser que la compétition sportive va occuper une grande partie de l’intrigue. Et pourtant, l’aspect sportif est en réalité bien secondaire dans ce film qui se révèle être un plaidoyer poignant sur les conséquences du harcèlement scolaire. Dans ce cas précis, il s’agit surtout d’intimidation envers des personnes homosexuelles. Pour les jeunes harceleurs, tous ces blâmes ne sont qu’une grande farce, assénée dans le but de se divertir. Ce sont « de simples mots », « sans contenu réel ». Or, tout l’intérêt du film est de démontrer à quel point ces mots peuvent faire mal. Le personnage de Francis devient la figure de tous ces adolescents, brimés pour leur différence et qui finissent par ne plus supporter la pression. Un mot jeté peut déjà avoir des conséquences, mais des attaques répétées et des moqueries incessantes deviennent un véritable danger porté à l’encontre de leur victime. Le réalisateur montre, sans concession, la violence dont sont capables ces jeunes, à l’ère où, en outre, Internet devient un moyen d’atteindre son souffre-douleur en dehors du milieu scolaire. En ce qui concerne Francis, l’acmé du harcèlement est atteint lorsque Jeff et sa bande d’amis l’enferment dans un casier, ce qui conduit le jeune homme au bord du gouffre. La radicalité de sa décision bouleverse d’autant plus qu’aujourd’hui l’opinion est de plus en plus sensible à ces questions et sait que ce genre de situation n’est pas aussi rare que l’on peut le penser.

ARP Sélection

ARP Sélection

Antoine Olivier Pilon : la confirmation d’un talent

1:54 est l’occasion de retrouver sur grand écran la révélation de Mummy (de Xavier Dolan), Antoine Olivier Pilon qui incarne un nouveau type d’adolescent tourmenté dans ce nouveau film signé Yan England. L’acteur sait transmettre avec justesse les souffrances et les doutes de Tim, qui n’arrive pas à assumer son homosexualité : il fait cela si bien qu’il n’aurait presque pas besoin de communiquer, son regard et sa posture parlant pour lui. Cette œuvre confirme ainsi le talent d’acteur indéniable du jeune Antoine. L’autre nom à retenir est celui de Sophie Nélisse qui donne ses traits au personnage féminin fort du film, Jennifer, qui devient au fur et à mesure de l’intrigue le soutien principal de Tim. Elle ira jusqu’à accepter de simuler d’être en couple avec lui pour faire taire les rumeurs sur l’homosexualité de ce dernier. Son interprétation est remarquable de précision et de sincérité. On peut dire ainsi qu’Antoine et Sophie portent quasiment à eux seul ce film et transmettent avec brio toute la décharge émotionnelle contenue en elle. Notons par ailleurs que celle-ci brillamment réalisée. En effet, le réalisateur n’hésite pas à user des ralentis afin de servir la montée en tension du film et, principalement, les rivalités entre Tim et Jeff. Le tout est agrémenté d’une musique qui parachève l’ambiance stressante de ces scènes où la compétition entre les deux jeunes se fait féroce. La musique sert également à merveille l’aspect dramatique du film, et permet de compléter les regards remplis de tristesse et de douleur des personnages, notamment dans sa scène la plus poignante, mettant en scène le désarroi de son héros. Une séquence qui fera sûrement décrocher une larme même aux plus durs à cuire.

424214.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx

ARP Sélection

C’est donc une œuvre au message fort et bouleversant, que nous offre Yan England, dont le film a été projeté en clôture de la cinquième édition du mois de la Francophonie au siège des Nations Unies à New York. Ultime preuve de l’importance du combat contre le harcèlement scolaire, fléau encore malheureusement beaucoup trop répandu.

Amélie G.

Aucun vote pour l'instant

Et si vous nous donniez votre avis ?