Showtime a renouvelé The Affair pour une quatrième saison. L’occasion pour Scotchés de revenir sur une troisième saison très différente des deux premières, au point de provoquer parfois la déception.
La rédemption de Noah?
Noah Solloway (Dominic West) est le personnage central de cette troisième saison. Après le mari exemplaire qui devient infidèle, l’écrivain-star arrogant et méprisant, cette saison 3 permet de mieux comprendre le héros. La saison débute après une ellipse : Noah est sorti de prison, très affecté physiquement et mentalement. Son incarcération a fait resurgir un passé douloureux, totalement méconnu du téléspectateur. Dans le premier épisode, on assiste aux funérailles de son père, avec qui il entretenait une relation très froide, sans vraiment que l’on sache pourquoi. Cette saison va nous donner des éléments de réponse.
Dans le 3×05, un des meilleurs épisodes de la saison, Noah se confie à Alison, et en même temps aux téléspectateurs. Dans une scène émouvante, il raconte sa relation avec sa mère malade, et surtout comment il l’a accompagnée vers la mort, à sa demande. Cet épisode nous renvoie à la première saison, plus particulièrement au 1×04, dans lequel Noah et Alison faisaient également une escapade à Block Island. Mais dans The Affair, la vérité n’est pas toujours celle que l’on croit. Dans un autre épisode fort de la saison, le 3×09, le douloureux passé de Noah prend une autre apparence. On comprend alors qu’il n’a pas cédé aux demandes de sa mère, mais a fait en sorte de la tuer pour pouvoir vivre sa vie et aller à l’université. Depuis plus de vingt ans, Noah avait fait en sorte d’oublier cet épisode de sa vie, vivant dans un constant refoulement.
En prison, sa solitude provoque le retour de la culpabilité. The Affair utilise les flashback pour nous introduire dans la cellule que le prisonnier a connu pendant trois ans. John Gunther (Brendan Fraser), un gardien, devient un véritable bourreau pour Noah, menace constante dans cet environnement carcéral. Au point de suivre et scruter l’écrivain après sa sortie de prison. Même si la série laisse constamment plâner le doute, on comprend rapidement que Noah est victime d’hallucinations : John ne l’a jamais torturé ni voulu le tuer. La vérité est beaucoup plus insidieuse, dévoilée tardivement, au bout de neuf épisodes. Alors qu’il pensait avoir été victime d’une agression, Noah a bien tenté de se suicider dans le pilot du show. Une personne lui en veut vraiment : lui-même. Ce n’est pas John Gunther qui le martyrise et le ronge, mais bien sa culpabilité. Après des années de mensonge, Noah décide inconsciemment de se punir. Jusqu’à la rédemption?
Helen et les oubliés de Montauk
La vie des personnages de The Affair n’est jamais véritablement paisible. Helen (Maura Tierney) connaît une autre forme de culpabilité : celle d’avoir laissé Noah aller en prison pour un crime qu’elle pense avoir commis. Helen a bien renversé Scotty Lockhart (Colin Donnell), mais c’est Alison qui l’a poussé sur la route. Helen, la femme trompée et humiliée, ne cesse de défendre son ex-mari Noah, par pure culpabilité. Dans le marquant 3×09, elle confesse la vérité à ses parents, devant ses enfants. La mère de famille évacue ainsi un fardeau trop lourd à porter. Elle reste un personnage passionnant, interprété à merveilles par l’épatante Maura Tierney. Cette saison revient aussi sur sa relation avec son ex-mari. Toujours amoureuse de Noah, Helen comprend qu’elle connait finalement peu de choses de sa vie. Comme le téléspectateur, elle découvre les tourments de Noah dans cette troisième saison, trompée semble-t-il depuis les débuts de leur amour.
En parallèle, cette saison met de coté Cole (Joshua Jackson) et Alison (Ruth Wilson). Toujours très instable, Alison se bat pour retrouver sa fille et la confiance de Cole et Luisa, après avoir disparu de la circulation pendant plusieurs mois. Comme à chaque fois, la relation si forte et particulière liant Alison et Cole finit par resurgir avec force. Le retour d’Alison fait comprendre à Cole qu’il peut difficilement l’oublier, ce qui met en danger sa vie rangée aux côtés de Luisa. Même si la raison prend le dessus sur la passion, on est en droit de se demander combien de temps cela va durer… Il est difficile de croire que leur histoire soit définitivement terminée. La mort de leur enfant, Gabriel, a crée un lien beaucoup trop fort entre eux, laissant deux parents désolés derrière elle. Ces personnages auraient pu apporter un plus à cette saison, notamment dans certains épisodes décidément bien creux. Sans oublier le formidable cadre de Montauk, paysage quasi-exclusif de la première saison qui nous avait fait tomber sous le charme de la série, encore un peu plus délaissé cette saison.
L’échec des nouveautés
Les déceptions majeures de cette saison 3 viennent surtout des innovations, très souvent peu inspirées. En première ligne de ces déceptions se trouve le personnage de Juliette. Sur ce plan, l’échec est total. Irène Jacob interprète une professeur venue de France, qui va être la nouvelle « amie » de Noah. Un jeu de séduction, parfois gênant, va s’installer entre les deux personnages. La surprise est grande quand on découvre le point de vue de Juliette dès le deuxième épisode, alors qu’il avait fallu attendre la deuxième saison pour avoir celui d’Helen. La série a voulu introduire un nouveau personnage, malheureusement bien trop inférieur au quatuor originel. La scénariste Sarah Treem, désormais seule aux commandes de la série (partageant auparavant cette fonction avec Hagai Levi) a sans doute voulu jouer sur cet accent français de Juliette…ce qui ne fonctionne absolument pas : Irène Jacob surjoue et renforce l’aspect caricatural de son personnage. De quoi agacer pour de bon ses compatriotes et spectateurs.
Déjà éloignée de Montauk, The Affair finit même par quitter les Etats-Unis pour son season final : direction Paris. Et là aussi, l’échec est retentissant. Après une nouvelle ellipse brutale, on retrouve Noah en pleine forme, aux côtés de Juliette retrouvée dans la capitale française. Mais ça ne fonctionne pas. Paris est mal utilisée, l’épisode est un ensemble de clichés, parfois grotesques. Le point culminant est atteint quand Juliette croise ses « amies » parisiennes. Heureusement, la partie sur Noah est plus intéressante, puisque très centrée sur sa relation avec Whitney (Julia Goldani Telles), sa fille aînée. Il parvient à la détacher de son fiancée, un artiste peintre à succès, ressemblant au Noah entrevu dans la deuxième saison. Une surprise qui ne suffit malheureusement pas à rendre ce final réussi, laissant le téléspectateur sur sa faim. Que s’est-il passé entre le neuvième et le dixième épisode? Comment Noah a-t-il pu surmonter un état si critique? Comment sa famille a vécu les aveux d’Helen? Que deviennent Cole et Alison? Ces questions attendent des réponses, peut-être prévues pour la prochaine saison.
Quelle(s) histoire(s) pour la saison 4?
Il est difficile de savoir quelle histoire va nous raconter la quatrième saison, qui devrait être diffusée à l’automne 2017. Helen semble être décidée à mener une vie tranquille avec Vik, alors que Noah n’a plus sa place à New York, comme en témoigne la scène finale. Quelles histoires ces personnages peuvent-ils encore nous raconter? On peut malheureusement imaginer Noah déménager, pour vivre aux côtés de Juliette, en France ou ailleurs. Retrouver l’excellent Dominic West reste un plaisir, mais il ne va pas falloir gâcher son personnage. L’alchimie ressentie entre Noah et Helen ou Noah et Alison, n’existe pas avec Juliette. The Affair pourrait éventuellement offrir une place plus importante aux enfants adolescents, comme Whitney ou Martin, mais cela a rarement fonctionné dans les séries américaines (Homeland, 24, Dexter).
Et si la quatrième saison était tout simplement celle de Cole? C’est une possibilité. « Dans chaque saison, un personnage a plus à dire ou à vivre que les autres (…) J’espère offrir cette place à Cole s’il y a une quatrième saison », expliquait Sarah Treem, co-créatrice du show à Télérama avant le renouvellement de la série. Joshua Jackson n’a pas toujours été exploité à sa juste valeur. Son personnage est certainement l’un des plus intéressants et le plus sincère dans The Affair. Dans la première saison, il est d’abord présenté comme une brute, presque comme quelqu’un de mauvais. Cette impression ne dure pas, surtout parce qu’on bénéficie enfin de son point de vue dans la deuxième saison. Dévasté par le départ d’Alison, il perd aussi la foi en sa famille, les Lockhart. « Nous sommes maudits. Ma famille est maudite », lance Cole dans le 2×07. Sa famille n’est plus aussi puissante à Montauk, le ranch ne fonctionne plus et la situation financière est désastreuse. L’aîné des frères Lockhart ne parvient plus à maintenir unie sa famille : son frère Scotty est intenable et sa mère Cherry (Marre Winningham) ne croit plus au bonheur de ses fils. En amour comme en famille, Cole encaisse les évènements depuis trop longtemps. Sa nouvelle vie avec Luisa l’a stabilisé, mais pour combien de temps? Son personnage semble tenir sur un fil et pourrait bien finir par lâcher prise. Avec Alison dans les parages, sa vie peut rapidement redevenir explosive. Cole n’est-il finalement pas attiré par le drame et le malheur, représentés par Alison? La quatrième saison pourrait se pencher sur ces interrogations. Après une parenthèse inattendue avec cette troisième saison, la série doit raviver la flamme, pour éviter d’éventuelles infidélités.
Clément Gavard
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