– Houda Benyamina ; 2016 –

Caméra d’or au dernier Festival de Cannes, Divines traite de la banlieue, ses rêves, ses dangers mais pas que. Ce film est avant tout une histoire d’amitié, celle liant deux adolescentes : Dounia et Maimouna . Cette relation est éclatante de jeunesse, de sincérité, d’amour, parcourue de promesses touchantes que seuls les adolescents peuvent prononcer : celle d’une amitié à la vie à la mort, malgré les obstacles qui jonchent la vie dans la cité. Houda Benyamina dresse le portrait d’une nation d’exclus, les pauvres, qu’ils vivent en banlieue ou dans les camps de Roms. Cette marge pour qui l’argent revêt un aspect divin, pour qui la matérialité est signe de liberté et de bonheur, un idéal à atteindre à tout prix. Dounia incarne cette quête de richesse, elle qui désire par dessus tout s’enfuir de cette vie de misère et d’exclusion, ne lésinant sur aucun moyen pour atteindre son but. Interprété par la talentueuse Oulaya Amamra, qui mériterait bien plus que ces quelques lignes tant elle dégage une force et une présence incroyables, ce personnage est porté par sa rage inarrêtable, qui se heurte et brise tous les obstacles se mettant en travers de sa route.

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Les obstacles justement, jalonnent le parcours de la jeune héroïne, avalanche de malheurs qui nous assaillent dès les premières minutes du film. Habitant un camp de Roms, Dounia doit assumer une mère désespérée et alcoolique, alors qu’en parallèle elle doit lutter pour son avenir scolaire et par la suite financier. S’embarquant dans des trafics multiples, l’adolescente se verra confrontée à des problèmes d’une dangerosité grandissante qui placent le spectateur dans une position d’attente et de tension quasi insoutenable. Cette cascade narrative de malheurs est épuisante et m’est apparue comme excessive, me poussant à en souhaiter l’achèvement, et par la même celui du film. Démesurée, elle n’en demeure pas moins très intéressante parce qu’elle met à jour les problèmes divers auxquels sont confrontés quotidiennement les populations défavorisées. Cette fatalité qui s’abat constamment sur le destin de Dounia l’emprisonne tel un cercle vicieux et étouffe peu à peu ses capacités de discernement. L’héroïne, à travers ses actes et sa rage désespérés, symbolise toute une marge de la société qui lutte, constamment et souvent sans succès, pour sortir de cette prison tant sociale qu’économique que représente la pauvreté.

Dur, réaliste, Divines n’en est pas moins un film sur l’espoir et la beauté. L’amitié entre Dounia et Maimouna tout d’abord, est plein d’éclats de rires mais aussi d’amour, terriblement efficaces et libérateurs. La culture ensuite, symbolisée par une éducation en crise, puis par la danse, fait elle aussi son entrée dans cette largue fresque sociétale. C’est à travers cet art que Dounia va s’émanciper, laisser place à sa féminité et accepter de lâcher prise, l’espace de quelques instants. Touchée par la grâce, l’héroïne est portée par la danse et y développe sa sensibilité. Il aurait été plaisant d’être invité à cet émerveillement, empêché par la mise en scène trop simpliste et terre à terre de la réalisatrice. Alors que les scènes de danse auraient pu donner lieu à de magnifiques plans, comme JR filmant ses ballerines en plein cœur de la cité, ces dernières restent lointaines, filmées en surface et dénuées de grâce. Une seule scène chorégraphique m’a touchée : lorsque la réalisatrice ose enfin s’approcher du corps de ses sujets et met en parallèle deux luttes, celle du danseur qui à force d’efforts et d’effacement de soi atteint la grâce ; et celle de Dounia, féroce, qui combat pour sa vie et son rêve de richesse. La succession rapide des plans, leur cadrage serré et cette communion physique voire psychique des deux personnages fait partie des rares « audaces » esthétiques de l’œuvre.

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Intense, lumineux, touchant, insoutenable : tels sont les qualificatifs qui me viennent à l’esprit pour qualifier Divines. Pleine de sensations, sans pour autant tomber dans le mélo, l’oeuvre manque d’inventivité en terme de mise en scène et d’esthétique. Elle représente un concentré d’énergie porté par une équipe d’acteurs talentueux, qui ont su insuffler toute leur jeunesse et leur hargne dans l’œuvre et la communiquer au public. À retenir absolument : Oulaya Amamra, divine, sans aucun doute.

Camille Muller

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