Politique et séries télévisées font souvent bon ménage. Dans certaines, la politique est omniprésente, dans d’autres, elle est abordée plus brièvement. La France vit actuellement une campagne présidentielle indécise. Pour l’occasion, Scotchés revient sur le traitement de la politique dans les séries. 

Game of Thrones : l’obsession du pouvoir

Tout est dans le titre : le jeu des trônes, ou plutôt les jeux de pouvoir. Le cadre médiéval et fantastique de la série n’enlève rien à son caractère politique. Avec ses multiples intrigues politiques, Game of Thrones traite de la manipulation, d’opportunisme. Depuis le début de la série, les trahisons sont nombreuses entre des personnages très calculateurs. Dans le show diffusé sur HBO, il n’y a pas de place pour les gentils. Ned Stark avait ses défauts, mais il n’était pas suffisamment vicieux pour survivre. Il se fait naïvement trahir par Petyr  ‘Littlefinger’ Baelish, ce qui conduit à son exécution sur la place publique. A l’inverse, Littlefinger est le personnage politique par excellence, l’homme de l’ombre qui agit en coulisses. Il est fourbe, opportuniste, menteur, manipulateur et terriblement ambitieux : une description valable pour de nombreuses personnalités politiques dans la réalité.

HBO

Le pouvoir est le credo de Game of Thrones. La série nous livre une vision violente de son exercice, exacerbée par ce monde médiéval composé d’hommes sauvages et sanguinaires. C’est l’image donnée par les rois qui se succèdent. Robert Baratheon était un homme bourru, irrespectueux, violent et un grand adepte de la violence et de la guerre. Mais il était aussi suffisamment naïf pour se faire empoisonner par sa femme, Cersei Lannister. Joffrey Baratheon est certainement le roi le plus pervers et violent de la série. Son cas relève de la pathologie : il a un penchant pour la torture et l’humiliation publique de sa cour, voire même de sa femme, Sansa Stark.

A la fin de la sixième saison, Cersei Lannister succède à son fils sur le trône de fer. Cersei a toujours un lien avec le pouvoir depuis le début de la série : elle est la femme de Robert et la mère de Joffrey et Tommen. Humiliée et menacée, Cersei persévère et ne lâche jamais prise. Les Lannister sont finalement comme une « famille politique » : ils s’allient, se soutiennent, se manipulent et se trahissent. Ce n’est pas Tywin Lannister qui vous dira le contraire, n’est-ce pas Tyrion? 

House of Cards : l’ambition des Underwood

C’est LA série politique depuis quelques années. Francis Underwood, interprété brillamment par Kevin Spacey, n’a qu’une ambition : être président des Etats-Unis. Là encore, la recherche du pouvoir est un thème central dans House of Cards. C’est la trahison qui décuple la féroce ambition de Frank Underwood. Il aide Garrett Walker à devenir président des Etats-Unis, contre la promesse de devenir Secrétaire d’Etat. Une promesse que ne tient pas Walker une fois président. Frank va user de toutes les ruses pour grimper les échelons et se rapprocher du pouvoir. Après de nombreuses manipulations, avec l’aide de son bras droit Doug Stamper, il devient vice-président des Etats-Unis à la fin de la première saison. Il faut attendre la fin de la saison 2 pour qu’il atteigne son rêve ultime : la présidence des Etats-Unis. Frank apparaît comme un manipulateur dangereux, prêt à tuer pour obtenir ce qu’il veut. Le député Peter Russo est une de ses marionnettes dans la première saison. Il meurt asphyxié dans sa voiture, piégé par Frank. Même procédé avec la journaliste Zoe Barnes, longtemps manipulée par Underwood, qui la pousse sous une rame de métro au début de la deuxième saison, alors qu’elle se présente comme un obstacle à son ascension.

Netflix

Cette recherche du pouvoir est également incarnée par leur couple. Claire Underwood est une femme intelligente et très importante dans la réussite de son mari. C’est une couple plus politique qu’amoureux, on le comprend vraiment avec le 2×11, quand on découvre l’attirance de Frank pour les hommes avec une scène inattendue avec Meechum, son garde du corps. En outre, House of Cards s’intéresse aussi aux coulisses de la politique. A partir du moment où Francis est président, la série s’attarde sur des problématiques réelles pour Barack Obama, et maintenant Donald Trump. Le terrorisme tient une place importante dans la quatrième saison, durant laquelle Frank doit faire face à l’Islamic Caliphate Organization (ICO), un groupe fictif similaire à l’Etat Islamique (EI). La saison 4 ne s’est pas seulement inspirée de l’actualité pour le terrorisme. La question du contrôle des armes à feu est abordée par Claire Underwood, après que Frank se soit fait tirer dessus. Il faudra surveiller de près la cinquième saison, qui pourrait faire de nombreuses allusions à Donald Trump…

Homeland : le pari manqué 

La série a voulu anticiper le résultat de l’élection américaine en plaçant une femme à la présidence des Etats-Unis dans cette sixième saison. Elizabeth Keane (Elizabeth Marvel), présidente élue, doit gérer la période délicate entre son élection et son investiture dans cette saison 6. Homeland a toujours aimé faire écho à l’actualité. Les scénaristes imaginaient une victoire d’Hilary Clinton face à Donald Trump en novembre 2016 : pari perdu. Au début de la saison, Elizabeth Keane défend des valeurs pacifistes et accorde une importance aux conseils de Carrie, qu’elle rencontre régulièrement en secret. Mais son personnage évolue au fil des épisodes. Dans la viseur de la CIA et surtout de Dar Adal, son comportement évolue, elle se forge une carapace pour faire face aux critiques. Sa fierté est ébranlée quand elle se rend compte qu’elle est manipulée par Dar Adal, qui n’hésite pas à souiller l’image de son fils, mort au combat en Irak. Déstabilisée, la présidente élue se ferme et se montre moins sensible aux conseils de ses proches ou de Carrie. A la fin de la saison, on la retrouve très autoritaire et très éloignée de l’image donnée en début de saison. Enfin investie présidente des Etats-Unis, Elizabeth Keane semble plongée dans une paranoïa, qui la conduit à mener une vraie « chasse aux sorcières », au point de faire violemment arrêter Saul Berenson.

Showtime

Homeland n’est pas la seule série à avoir voulu anticiper ce genre de scénario. Encore une ressemblance avec 24, dans laquelle le président des Etats-Unis était généralement sous la menace terroriste. La première saison, diffusée quelques semaines après le 11 septembre 2001, introduit un président un noir avec David Palmer. Sept ans plus tard, Barack Obama devient le premier président afro-américain des Etats-Unis. La série avait aussi voulu anticiper la possible élection d’une femme à la fonction suprême. A partir de la saison 7, la courageuse Alyson Taylor est à la tête du pays. Cette femme honnête va elle aussi passer du côté obscur dans la saison suivante, au point d’autoriser la torture et de trahir ses alliés.

The West Wing : au coeur de la Maison-Blanche

Vous aimez les séries, vous aimez la politique, alors vous ne pourrez qu’adorer The West Wing (A la Maison-Blanche). Cette création d’Aaron Sorkin est diffusée sur NBC entre 1999 et 2006 est incontournable. Le téléspectateur est plongé en immersion dans l’aile Ouest de la Maison-Blanche pendant sept saisons. Il suit le quotidien du président Josiah Bartlet (Martin Sheen), mais aussi d’une partie de ses collaborateurs et conseillers qui sont généralement aussi présents que leur patron. The West Wing est un régal pour les amateurs de politique. Chaque épisode aborde un thème différent : un sujet de société comme l’homosexualité, la difficulté de faire passer une loi contre les armes à feu, le choix d’un nouveau juge pour la Cour Suprême ou encore la gestion d’un conflit entre l’Inde et le Pakistan.

NBC Television

La série prend son temps pour s’attarder sur ces sujets particuliers et très proches de la réalité. Même si elle ne néglige pas la vie privée des personnages, leurs tourments et leurs histoires d’amour, elle garde constamment ce souci de rester dans l’aspect politique. 

Quid des séries européennes?

La quantité ne fait pas de la qualité. Les productions européennes sont moins nombreuses, mais certaines ont su aborder de façon intelligente la politique. En France, on pense à Baron Noir, diffusée sur Canal + au début de l’année 2016. Les coups bas entre Francis Laugier (encore un Francis, oui), candidat PS puis président de la République, et Alain Rickwaert, député du Nord, rythment la série. Au menu : manipulations, trahisons et manigances. Le personnage interprété par Kad Merad désire prendre la direction du Parti socialiste, mais doit faire face à la justice qui le soupçonne d’avoir financé illicitement la campagne de Laugier. Le tournage de la deuxième saison était prévue pour le printemps 2017, les scénaristes se sont surement inspirés de la riche actualité politique en France…Impossible de ne pas évoquer Borgen, la série danoise qui met en scène Birgitte Nyborg, la première ministre. Du côté britannique, l’excellente mini-série State of play (2003), relatait les relations complexes entre les hommes politiques et les médias.

Cette liste est non-exhaustive. Il était possible de s’attarder sur de nombreuses autres séries : Boardwalk Empire et la montée en puissance de Nucky Thompson, ou encore The Wire et le fameux Tommy Carcetti, interprété par Aidan Gillen qui jouera quelques années plus tard le rôle de…Littlefinger dans Game of Thrones.

Canal+/Jean-Claude Lother

Clément Gavard

 

4.5/5 (2)

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