– Nikolaj Arcel ; 2017 –

S’il n’est pas le premier à adapter les travaux de Stephen King au cinéma, Nikolaj Arcel porte néanmoins pour la première fois à l’écran l’un des cycles romanesques les plus ambitieux de l’auteur originaire du Maine. Saga composée de huit romans rédigés en une quarantaine d’années, La Tour Sombre offre un univers riche et donc prometteur pour une première adaptation. L’enjeu majeur semble toutefois être celui de la cohérence ; là où Stephen King a su mêler les genres et déployer une esthétique particulière, Nikolaj Arcel se doit, lui, de rester non seulement cohérent, mais aussi fidèle à l’oeuvre originelle. Sous ses aspects de blockbuster estival, la réalisation n’en est pas moins dénuée d’intérêt.

« They are just dreams ; they are not real. »

La Tour Sombre d’Arcel n’est cependant pas une simple retranscription de l’oeuvre littéraire de Stephen King, puisqu’il s’agit en réalité d’une ‘suite’. L’adaptation permet alors de rapprocher ces deux formes de langage que sont le cinéma et la littérature et propose de ce fait un scénario original à même de captiver à la fois les néophytes et les adeptes des romans de Stephen King. Si le processus d’adaptation se veut ici original, soulignons également que l’oeuvre source fait elle aussi preuve d’originalité en ceci qu’elle détonne en regard de la bibliographie de l’auteur. La Tour Sombre s’éloigne en effet des canons horrifiques du romancier pour proposer un univers certes menaçant, mais bien plus foisonnant. En ce sens, ce dernier fait état d’une certaine richesse et les lieux visités sont plutôt convaincants, contribuant ainsi à la cohérence de cet univers multidimensionnel.

L’histoire elle-même se révèle plutôt captivante et son issue quelque peu expédiée pourra ainsi frustrer le spectateur. Pourtant la réalisation prend son temps et s’attarde réellement sur la caractérisation de ses personnages, bien que l’on puisse y déceler une forme d’excès ; la construction de deux personnages badass en vient même à devenir une forme de running gag. Notons toutefois les performances correctes d’Idris Elba et de Matthew McConaughey, le premier en pistolero en quête de vengeance et le second en sorcier cynique.

Roland Deschain (Idris Elba) in Columbia Pictures’ THE DARK TOWER.

« The darkness is everywhere. »

Malgré la richesse de l’univers présenté, La Tour Sombre reste un blockbuster des plus conventionnels. En dépit des rares thématiques soulevées comme celle de la paternité ou de la vengeance, la réalisation stagne et ne survit que grâce à l’intérêt que soulève la quête initiale du pistolero. On regrettera également l’abandon de la question des rêves, évoquée lors de l’introduction et vite oubliée au profit d’une structure de voyage initiatique pour le jeune protagoniste. La dialectique entre vengeance et rédemption est elle aussi traitée bien trop légèrement pour s’avérer convaincante au sein d’une réalisation qui privilégie l’action.

De fait, la réalisation elle-même se révèle tout à fait convenue, et l’on peinera à relever de véritables morceaux de bravoure de la part de Nikolaj Arcel ; retenons tout de même une scène de course sur les toits ainsi que la photographie sombre, réminiscence avouée du travail de Stephen King. La seule véritable réussite de La Tour Sombre semble dès lors résider dans le mélange des différents univers : on appréciera ainsi le mariage entre une esthétique horrifique et le western.

Jake (Tom Taylor) in Columbia Pictures’ THE DARK TOWER.

« Have a great Apocalypse. »

Finalement, à la profusion qu’introduit le cycle romanesque succède un sentiment d’excès, la réalisation multipliant les scènes d’action et déployant de ce fait une réelle esthétique de la surenchère. Idris Elba campe un personnage invraisemblable et, malgré son passage dans notre monde qui lui conférera un aspect sympathique, si ce n’est touchant, ce dernier reste le sujet d’un excès de caractérisation ; mentionner Excalibur pour justifier ses attributs ne fait qu’ajouter une touche de ridicule à la situation.

En définitive, La Tour Sombre de Nikolaj Arcej semble être au cinéma ce qu’est Stephen King à la littérature, un blockbuster. Notons tout de même qu’en dépit d’un certain classicisme, la réalisation conserve une esthétique suffisamment singulière pour s’imposer comme un divertissement convaincant que l’on pourra suivre sans trop de peine.

Vincent Bornert

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