-C. Agou, 2017-

De 2002 à 2015, Christophe Agou a filmé dans le Forez, à l’Est du Massif central, le quotidien de différents paysans, qui tentent de survivre dans le cadre d’une paysannerie traditionnelle.

 

Les vestiges d’un monde d’antan

Claudette a 75 ans. Fatiguée et malade, elle aimerait revendre sa ferme mais à défaut de trouver preneur, elle doit continuer à s’occuper de sa propriété et de ses bêtes, seule. Croulant sous les papiers et les factures, elle se bat pour garder sa dignité face à une société moderne qui la délaisse et qu’elle ne comprend pas. Par ailleurs, toutes les personnes que nous présente Agou dans Sans Adieu font face aux mêmes problématiques que Claudette. L’agriculture mécanisée à l’extrême, soumise dans une logique productiviste inonde le marché et ne laisse que peu de place aux systèmes plus modestes à l’image des exploitations des paysans que nous fait découvrir le réalisateur. Le film rappelle également les conséquences des crises agraires pour ces petits agriculteurs. Ainsi on découvre Jean-Clément, qui voit des camions amener son troupeau de vaches qui présentent un risque fort de contamination de vache folle. Or ce bétail était sa principale source de revenus. La crise de la vache folle met donc ainsi en péril sa situation financière déjà fragile. On peut aussi évoquer Jean, viticulteur qui subit d’une part, la perte en qualité de ses vignes touchées par divers parasites et d’autre part la concurrence des vins plus commerciaux, distribués à plus grande échelle. Une situation qui fait écho, dans notre mémoire cinéphile, aux problématiques abordées – de manière romancée – dans le dernier film de Cédric Klapisch.

New Story

Ainsi ce qui ressort de ces différents portraits est la situation financière difficile de ces petits agriculteurs. Aujourd’hui, près d’un agriculteur sur 3 vit avec moins de 350€ par mois, sachant que le seuil de pauvreté  est à 850€ par mois selon la dernière enquête de l’INSEE. Les agriculteurs font donc partie des populations les plus vulnérables en Hexagone, fait alarmant que nous rappelle ce documentaire.

Dans les pas de Raymond Depardon

Cette oeuvre sur le monde paysan résonne avec le travail déjà mené par Raymond Depardon, dans plusieurs de ses longs-métrages. On pense notamment à la série de films Profils paysans qui mentionnait déjà les thèmes traités dans Sans Adieu : la problématique du vieillissement des propriétaires de fermes et la peur que leurs exploitations ne leur survivent pas aux difficultés à trouver preneur. Et lorsque l’on voit les images de cette campagne déserte, loin des villes et disposant de peu de services, on comprend que la région n’attire pas les investisseurs. Le Forez devient le symbole de la « diagonale du vide », de cette France rurale qui se vide, au profit des grandes villes.

New Story

En terme de réalisation, Sans Adieu ne cesse également de nous ramener à l’oeuvre de Raymond Depardon. En effet Christophe Agou livre des images au plus près des paysans, sans pour autant tomber dans le voyeurisme. Tout est basé sur une confiance entre le réalisateur et les sujets qu’il filme, avec respect et affection. Les plans du metteur en scène se concentrent beaucoup sur les mains, abîmées par les travaux manuels ; et des visages tirés, épuisés par l’âge et l’effort. Agou livre ainsi un portrait cru, sans concessions, de ce qu’est la vie d’un paysan dans le Forez au XXIème siècle.

En définitive Sans Adieu fait le constat d’une France paysanne en déclin, dévorée par la société moderne, toujours plus attirée par le profit au détriment de l’humain. La proximité installée entre les paysans et le réalisateur permet en outre de livrer un film puissant et de rappeler l’existence de ces territoires oubliés par l’Etat, subissant de plein fouet la désertification rurale.

Amélie G.

2.5/5 (2)

Et si vous nous donniez votre avis ?