– Cédric Klapisch ; 2017 –

Confrontés à la mort de leur père, trois frères et sœur doivent gérer l’avenir du domaine viticole familial. Une lourde tâche qui fait ressurgir les fantômes du passé, que ces souvenirs soient heureux ou marqués par la rancœur.

Ce qui nous lie embrasse deux thèmes principaux que sont la famille et la vigne. Deux notions réunies dans un domaine viticole de Bourgogne, des terres qui ont été transmises de père en fils et qui représentent un héritage tant matériel qu’affectif aux yeux de ses héritiers. Car Juliette, Jérémie et Jean sont devenus propriétaires de ces parcelles auparavant détenues par leur défunt père avec qui Jean avait eu tant de différents dix ans plus tôt. Une mort douloureuse pour les trois membres de cette fratrie expérimentant chacun le deuil à sa façon tout en se retrouvant confronté à de nouvelles responsabilités. Une multitude de portraits travaillée avec soin, confirmant la méticulosité avec laquelle le metteur en scène de Paris construit ses personnages. Celui de Juliette, incarné par la brillante Ana Girardot, se montre ici des plus intéressants, elle qui n’a cessé d’aider son père jusque dans ses dernières années d’exercice, désormais la plus légitime pour reprendre en main tout le travail de création vinicole du domaine. Une jeune femme particulièrement touchée par la disparition de celui qui lui a tout appris et qui plie sous le poids des fonctions qui lui incombent. Un personnage que l’on prend plaisir à voir s’épanouir dans ce nouveau rôle de patronne, elle qui tient de plus en plus tête à tous les hommes qui l’entourent, confrontée à un milieu majoritairement masculin. Face à l’actrice, François Civil et Pio Marmai effectuent eux aussi un travail exemplaire. Les deux interprètes se livrent ici à un jeu d’une grande justesse qui contribue au réalisme de l’œuvre et à l’établissement d’une complicité évidente dans ce trio. L’humour et la maladresse de Jérémie (François Civil), le franc-parler et la sensibilité dissimulée de Jean (Pio Marmai) et la douceur néanmoins fougueuse de Juliette forment ici une combinaison attachante et crédible.

Studio Canal

Ce dernier long-métrage de Cédric Klapisch parle de famille donc, abordée majoritairement du point de vue de Jean, baroudeur de retour au foyer après dix ans d’absence. Un héros qui donne sa voix au film, narrateur principal du récit à travers un procédé de voix off qui n’est pas sans rappeler celui utilisé dans L’Auberge espagnole. Un homme qui se remémore ses années passées, amenées dans l’œuvre par un procédé efficace de flash-backs invoquant l’enfance des trois personnages. Un jeune garçon rêveur devenu un homme révolté, angoissé à l’idée de rester enfermé dans ce domaine et dans cette vie qu’il n’a pas choisi. Une angoisse liée au temps qui passe et à l’éternel cycle des saisons, rythme berçant l’existence du domaine et le travail dans les vignes. Toute une temporalité que retranscrit ici Cédric Klapisch, additionnant les plans fixes dont la succession donnent corps au passage des saisons. Le réalisateur filme ici avec amour les vignes et le temps qui défile, aussi bien sur la nature que sur les hommes qui la travaillent et l’habitent. Il effectue tout un travail sur le temps et l’espace qui permet de conserver un rythme dans l’œuvre et de garder l’intérêt du spectateur en éveil, même si la demeure des vignerons représente presque l’unique situation spatiale du film. En retranscrivant avec minutie le travail viticole, le metteur en scène livre un portrait fidèle de ce métier fait de patience, de persévérance et de talent alliant travail de la terre et poésie gustative.

Studio Canal

Ce qui nous lie offre une belle réflexion sur le passé et sur le deuil, l’œuvre étant ponctuée de séquences remémorées dont certaines se montrent particulièrement touchantes. Des scènes qui évoquent l’amour maternel et paternel et qui insistent sur l’idée de filiation, rappelant Jean à des origines qu’il a tenté de taire pendant tant d’années. Un procédé temporel qui finit toutefois par s’user, Klapisch insistant un peu trop lourdement sur la relation unissant Jean à son alter-ego enfantin, en premier lieu assez réussie. Un sentiment d’excessivité qui peut également être utilisé pour qualifier la bande-son du film qui se montre particulièrement envahissante. Trop présente, la musique de Ce qui nous lie finit par manquer de ce que recherche tant Juliette : de la finesse. Une lourdeur dispensable alors que les dialogues ou le silence auraient été plus éloquents. Enfin, il est dommage de relever une séquence finale quelque peu avortée au regard d’un film bien construit quoique parfois un peu long. On aurait aimé que les aurevoirs durent davantage avec ces personnages que le réalisateur nous a fait apprécier, une légère déception découlant de cette fin avortée.

En bref, le dernier long-métrage de Cédric Klapisch se montre plaisant, réussissant le dur exercice d’allier rire et larmes. C’est un véritable ascenseur émotionnel auquel nous confronte ici le réalisateur, aidé d’un trio d’acteurs parfaitement à la hauteur entouré de seconds rôles tout aussi compétents, même si certains n’échappent pas à quelques clichés (la mère envahissante, le beau-père autoritaire, la compagne (é)perdue). Ce qui nous lie est une œuvre réussie malgré quelques lourdeurs, elle qui dépeint avec justesse la complexité des liens familiaux et saura certainement vous émouvoir.

Camille Muller

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