– Léonor Serraille ; 2017 –

La Fémis nous a offert de belles surprises cette année, provenant toutes de son département scénario. Ces découvertes s’appellent Julia Ducournau (Grave), Léa Mysius (Ava) et Léonor Serraille (Jeune Femme) et ont toutes trois produit des films à l’originalité et à la maîtrise indéniables. Nommée pour la Caméra d’Or du dernier Festival de Cannes, Léonor Serraille se penche avec ce premier court-métrage sur la précarité de la jeunesse française et des femmes en particulier. Retour sur un film plein d’énergie et de talent(s).

C’est en pleine tourmente que nous faisons la rencontre de Paula (Laetitia Dosch), mise à la porte par son amant, photographe de renom avec qui elle vivait dans son luxueux appartement. Une trentenaire perdue qui expérimente avec violence le fait d’être abandonnée et qui se confie longuement sur son désarroi à un médecin qui tente de l’aider dans une séquence introductive qui pose d’emblée toute la complexité de ce personnage central. Plongée dans l’incompréhension, Paula tentera de trouver refuge auprès de ses proches, enchaînant les rejets et les désillusions. C’est par une totale inconnue que l’héroïne finira par être aidée, épaulée par cette femme qui croit reconnaître en elle une amie d’enfance perdue de vue. À partir de cette rencontre fondamentale, Paula se laissera aller au gré des rencontres, cherchant à ressortir le meilleur de sa condition incertaine et de tisser un lien avec les gens qui croisent son chemin. Une attitude qui donne lieu aux situations les plus diverses, cette femme-enfant étant dotée d’un franc-parler qui crée des dialogues surprenants, pleins d’un humour absurde et savoureux. Des dialogues impromptus suscités par cette femme en pleine quête d’identité et qui nous font passer du rire à une émotion troublante, à l’image de celle qui les porte.

Paula heurte, déconcerte, interroge. D’une sensibilité à fleur de peau, cette femme transgresse les codes du politiquement correct en raison de sa franchise et de son insolence élémentaire. Une héroïne qui, à cause puis grâce à sa situation instable se confronte au monde et en ressort grandie. Au-delà de simplement disserter avec des inconnus, Paula les voit, les cerne, les sonde et à travers ses mots – souvent simples et sans détours – les éclaire sur leurs propres vécus. Une jeune femme déconcertante et perdue qui, malgré sa trentaine passée, s’apprivoise et se connaît enfin, agissant selon ses propres désirs et s’affranchissant de l’idéal que projetait sur elle son amant, sa famille, ses amis. Une jeune femme devenue femme, détachée des conventions et enfin indépendante, à l’image de Justine et d’Ava apprenant elles aussi à dompter leurs désirs et à s’accomplir en dehors de toute influence extérieure.

Jeune Femme est un film représentatif de son héroïne : lumineux, naturel, déconcertant ; qui nous embarque dans ces galères dans lesquelles son héroïne finira par se trouver et de s’épanouir. Paula, incarnée à merveilles par la grande Laetitia Dosch qui interprète à la perfection ce personnage plein de surprises qui ne cesse de déjouer les attentes que l’on portait sur lui. Une actrice filmée avec soin par Léonor Serraille qui s’attarde longuement sur ses yeux verrons, filmée avec amour lors de nombreux plans rapprochés. Une femme fougueuse et énergique, à l’image de la bande-son survoltée de ce long-métrage, dont la sensibilité percutante ne peut que marquer, dans comme devant l’écran.

Camille Muller

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