– David et Stéphane Foenkinos ; 2017 –
L’un est célèbre romancier (récompensé du Goncourt des lycéens et du Renaudot pour son dernier roman, Charlotte), l’autre est scénariste et directeur de casting (Minuit à Paris, Casino Royale, Ouvert la nuit…). Ensemble, les frères Foenkinos se mettent à écrire et réaliser leurs propres films. Après un premier court-métrage Une histoire de pieds, c’est avec La Délicatesse que David et Stéphane passent au grand format, avec Audrey Tautou dans la peau d’une certaine Nathalie, qui tente de reprendre sa vie en main quelques années après avoir perdu son mari.
Avec Jalouse, ils passent d’une Nathalie à une autre : la veuve laisse place à une mère de famille divorcée, proche de la ménopause, constamment énervée à l’encontre de ses proches. Un rôle pensé et écrit pour Karin Viard, qui incarne avec brio ce personnage aux fêlures que l’on partage (presque) tous au cours de notre vie.
Nathalie Pêcheux, professeure de lettres divorcée, passe quasiment du jour au lendemain de mère attentionnée à jalouse maladive. Si sa première cible est sa ravissante fille de 18 ans, Mathilde, danseuse classique, son champ d’action s’étend bientôt à ses amis, ses collègues, voire son voisinage… Entre comédie grinçante et suspense psychologique, la bascule inattendue d’une femme.
Nathalie Pêcheux vs. the world
« Abandonnée » par sa fille, qui grandit et gagne en indépendance en s’attachant à son petit ami Felix (incarné par Corentin Fila, l’une des révélations de Quand on a 17 ans de Téchiné), Nathalie cherche du réconfort auprès de sa meilleure amie Sophie – la tordante Anne Dorval, dont la vie de couple réserve quelques surprises…, et même auprès de son médecin généraliste. Ses meilleures ennemies ? La nouvelle femme de son ex-mari (incarnée par Marie-Julie Baup), un peu potiche au premier abord, et une jeune professeure fraîchement arrivée dans son lycée (Anaïs Demoustier), dont les méthodes et décisions perturbent le petit équilibre de Nathalie.
Les lecteurs de David Foenkinos reconnaîtront sans aucune peine son style et son humour : l’auteur décrit toujours avec justesse – et beaucoup de drôlerie – les différentes périodes charnières de la vie d’adulte. Lorsque Les Souvenirs (adapté au cinéma par Jean-Paul Rouve) questionnait la relation que l’on entretient avec nos aînés, la passion du couple qui s’amenuise au fil des années, Jalouse replace la notion des dégâts du temps qui passe au cœur de son intrigue et de ses situations comiques. Chez les Foenkinos, les meilleures rencontres se font toujours – et étrangement – dans des cimetières, le chiffre 114 finit toujours par pointer le bout de son nez quelque part, tout comme une référence à John Lennon et Yoko Ono… ou une certaine fascination pour les vacances au Club Med.
Jalouse fait partie de ces comédies de fin d’année, comme Le Sens de la Fête, qui sortent du lot de films outranciers, basé sur les stéréotypes et l’humour potache (qui a dit Épouse-moi mon pote ?) auquel une partie du cinéma français nous habitue depuis un (trop) long moment déjà. Oui, le personnage de Karin Viard peut être mortellement horrible, mais les frères Foenkinos parviennent toujours à faire naître le rire quand il le faut, mais aussi à rendre leur personnage principal plus humain et touchant. Un beau portrait de femme.
Gabin Fontaine
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