– Kenneth Branagh ; 2017 –
Les aventures d’Hercule Poirot, cet intriguant enquêteur belge créé par Agatha Christie, ont longtemps fait bonheur de la télévision et du cinéma : David Suchet a porté le rôle du détective pendant près de treize saisons pour la chaîne britannique ITV, tandis que France 2 s’est inspirée du duo Hercule Poirot/Capitaine Hastings (son meilleur ami) pour l’une de ses séries phares, Les petits meurtres d’Agatha Christie.
Kenneth Branagh signe ainsi la huitième adaptation du Crime de l’Orient-Express, tout médium confondu. De la radio à la bande dessinée, en passant par le jeu vidéo, tout y passe. La référence étant (évidemment) le film réalisé par Sidney Lumet et sorti en 1974. À crime exceptionnel, casting exceptionnel. Les grandes vedettes de cinéma de l’époque se bousculaient alors : Albert Finney, Lauren Baccall, Vanessa Redgrave, Ingrid Bergman, Jean-Pierre Cassel… Il en va de même chez le metteur en scène britannique pour ce cru 2017, puisqu’il s’entoure de grand.e.s comédien.ne.s (Willem Dafoe, Michelle Pfeiffer, Judi Dench, Johnny Depp, Olivia Colman…) mais aussi d’étoiles montantes telles que Daisy Ridley (à l’affiche de deux grands films cette semaine, donc !), Lucy Boynton ou Josh Gad. Un parterre de stars malheureusement éclipsé par le patron himself, Kenneth Branagh, qui se plaît grandement à se mettre en scène dans la peau de Poirot…
Profitons de cet article pour faire un bref retour sur l’intrigue de cette adaptation d’un roman désormais cultissime dans l’imaginaire collectif et littéraire : Le luxe et le calme d’un voyage en Orient Express est soudainement bouleversé par un meurtre. Les 13 passagers sont tous suspects et le fameux détective Hercule Poirot se lance dans une course contre la montre pour identifier l’assassin, avant qu’il ne frappe à nouveau.
Poirot Cinematic Universe
Il ne sera pas ici question de comparer les adaptations du Crime de l’Orient-Express entre elles, mais bien de s’attarder uniquement sur la récente version de Kenneth Branagh, coutumier des adaptations d’œuvres littéraires au cinéma. Outre ses nombreux longs-métrages adaptés de Shakespeare, Branagh réalisateur s’est offert ses débuts à Hollywood avec le premier Thor, mais aussi le Cendrillon de Disney. Il retourne donc au film de studio, chez la Century Fox, pour les nouvelles aventures d’Hercule Poirot. Le pluriel est de mise, puisque le succès de cette adaptation du Britannique aux États-Unis a déjà suffisamment encouragé la major pour mettre dès à présent en chantier un second-long métrage : Mort sur le Nil. Une suite par ailleurs amenée comme un gros cheveu baignant dans la soupe, dans une sorte de clin d’œil beaucoup trop appuyé. Comme quoi, les cinematic universes s’étendent même jusqu’à Agatha Christie !
The Greatest Showman, ce n’est pas Hugh Jackman, mais bel et bien Kenneth Branagh, qui cabotine comme il peut pour ramener la lumière sur lui – au détriment de son casting, d’ordinaire brillant, mais ici parfois à côté de la plaque. On pensera notamment aux scènes de Penelope Cruz, que l’on observe malheureusement sombrer dans le surjeu, ou du noble couple Andrenyi (campé par Lucy Boynton et Sergei Polunin) laissé dans une interprétation peu convaincante, dans ces rôles d’amoureux épris de la drogue. Venu parler de son film après la projection à laquelle nous avons assisté, le réalisateur indiquait ne pas avoir souhaité laisser à ses acteurs le temps de répéter afin de capter leurs premières émotions, et la nervosité qu’ils dégageaient. Cette crispation est d’autant plus frustrante que le découpage de l’intrigue donne davantage l’impression d’assister à un catalogue de stars qui, les unes après les autres, subissent l’interrogatoire (un peu) longuet de Poirot sans avoir spécifiquement le temps de briller. Un manque de rythme assez conséquent qui peine à maintenir l’attention du spectateur jusqu’aux ultimes déductions du fin détective…
Trop bavard, et finalement trop théâtral, Le Crime de l’Orient-Express peine aussi à convaincre visuellement, tant tout semble artificiel. La qualité des paysages insérés, qui défilent derrière les vitres du wagon-bar, paraissent aussi crédibles que la moustache hirsute de monsieur Poirot. Idem pour les quelques décors glaciers, qui sentent le studio à plein nez. Le film parvient du moins à ménager davantage son suspense, en n’explicitant pas l’affaire parallèle à celle de l’Orient-Express dès le début de l’intrigue comme cela était le cas chez Lumet. Branagh et son scénariste Michael Green prennent quelques libertés avec le matériau de base pour réinventer la trajectoire de certains personnages et apporter un peu de fraîcheur à cette histoire déjà connue d’une bonne partie du public. Demeure aussi l’intéressante réflexion appuyée par cette intrigue sur le rôle qu’entretient la justice dans une quête de vengeance : faut-il faire justice soi-même lorsqu’un coupable n’a pas été puni ? Faut-il fermer les yeux sur certains actes condamnés par la loi ?
S’il ne nous a pas pleinement convaincus, Le Crime de l’Orient-Express version Branagh constitue une nouvelle entrée en matière dans la richissime œuvre d’Agatha Christie et ses nombreuses adaptations. Nous retrouverons Michael Green au script de Mort sur le nil, et très probablement Kenneth Branagh aux manettes de cette suite, ainsi que dans le rôle de Poirot. Pour le meilleur ? Espérons-le.
Gabin Fontaine
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