– John Madden ; 2017 –
Avec son nouveau film, John Madden s’attaque au monde du lobbying dans un thriller politique complexe, mais intéressant, et dans lequel Jessica Chastain excelle en femme requin jouant ses coups de maîtres et ses coups bas au sein de l’impitoyable politique américaine.
«Le lobbying, c’est anticiper. C‘est devancer les coups de l’adversaire. Et préparer des ripostes. Le vainqueur garde un coup d’avance sur ses adversaires. Surprendre, sans se laisser surprendre. » Cette phrase prononcée par l’héroïne Madeline Elizabeth Sloane à l’ouverture du film annonce clairement la couleur ! En effet, pour son onzième long-métrage, John Madden nous plonge dans l’univers quotidien de Miss Sloane, une jeune femme brillante et sans scrupules qui s’est fait un nom et une réputation en tant que puissante lobbyiste. Quotidiennement, elle opère secrètement dans les coulisses de Washington. Mais face au plus grand défi de toute sa carrière, elle doit redoubler d’efforts, à travers des manipulations en tous genres, pour parvenir à ses fins. Pour battre ses adversaires, plus redoutables que jamais, elle est prête à tout, et même à employer des méthodes douteuses, celles-ci allant jusqu’à menacer sa propre carrière ainsi que son entourage.
C’est une thématique forte et complexe qu’aborde dans ce film le réalisateur de Shakespeare in love (1998) et des deux volets de Indian Palace (2011 et 2013). Miss Sloane se révèle être un thriller politique, bien ficelé, autour du lobbying et notamment sur celui exercé autour de la question du port d’armes aux États-Unis. En effet, à travers ce sujet d’actualité régulièrement replacé au centre du débat chez nos voisins outre-Atlantique, John Madden déroule avec talent les coulisses des tractations entre groupes de pression et groupes politiques. On regrette simplement que des événements réels soient systématiquement insérés au sein des scénarios des films américains afin de tirer la corde du drame et de tomber dans une forme de compassion à l’égard des États-Unis. On retrouve ainsi de nombreux épisodes vécus dans les œuvres fictionnelles, comme la fusillade dans un lycée américain à la fin des années 1990, dont l’un des personnages secondaires réchappe ici, inspirée de la fusillade de Columbine en 1999. D’autres images sont également insérées dans nombre de films américains sur la guerre ou le terrorisme, comme celle relative au 9-11, si significatif dans l’histoire américaine.
Jessica Chastain, seule à l’écran
Côté casting, Jessica Chastain (déjà vue dans les films à succès Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow en 2012, Interstellar de Christopher Nolan en 2014 et Seul sur Mars de Ridley Scott en 2015) campe à merveille ce rôle de femme froide, brillante et carriériste au point d’être sans scrupules et sans la moindre once de compassion. Distribuant toujours les cartes du jeu en avance, elle s’impose comme la femme à abattre par ses ennemis, des hommes qui, eux, ont dû mal à percer l’écran. Jessica Chastain, imposante à l’image, éclipse malgré elle les personnages secondaires du film, pourtant brillants. Les interprétations de Mark Strong (vu dans Kingsman : Services secrets), Sam Waterston (star de la série New-York Unité Spéciale), Gugu Mbatha-Raw (vu l’année dernière dans Free State Of Jones) et de John Lithgow (notamment au casting des deux premières saisons de The Crown) méritent notamment d’être saluées. Ces personnages travaillés, et intéressants pour le scénario, subissent malheureusement l’aura de l’actrice principale alors qu’ils mériteraient d’être davantage mis en valeur.
Côté ambiance, le suspens est au rendez-vous ! Si de prime abord, l’histoire nous a paru compliquée à saisir, celle-ci est finalement parvenue à nous captiver jusqu’à son dénouement, inattendu et réussi. Intéressante et intelligente en raison de ses nombreux retournements de situation, cette histoire a réussi le pari de nous faire apprécier un thriller politique engagé autour d’un sujet, pourtant souvent traité dans le cinéma américain. Miss Sloane de John Madden est une fable politique acide qui nous éclaire avec brio sur le monde féroce du lobbying.
Aurélie David
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