Grand Froid, un road movie où l’humour noir rencontre l’absurde

– Gérard Pautonnier ; 2017 –

Georges et Eddy sont deux croque-morts travaillant pour l’entreprise de pompes funèbres d’Edmond Zweck (Olivier Gourmet). Georges – interprété par l’excellent Jean-Pierre Bacri –, le bras droit de Zweck, pratique son métier depuis des années, alors qu’Eddy (Arthur Dupont) est encore novice. Leur carrière dans cette entreprise, située dans une petite ville quasi-déserte, risque d’être compromise par le manque de clientèle qui pourrait enterrer la maison Zweck. Mais un jour, la visite d’une veuve et de son beau-frère fait renaitre l’espoir. Eddy et Georges ont pour mission d’amener le corps dans un lointain cimetière. Le voyage ne sera toutefois pas aussi facile que prévu.

Adapté du roman Edmond Ganglion & Fils de Joël Egloff, le premier long-métrage de Gérard Pautonnier, Grand Froid, oscille entre une macabre comédie dramatique et un road movie teinté d’absurde, avec une légère ambiance de western. L’humour noir côtoie des dialogues parfois surréalistes et, allié à un comique de situation plutôt maitrisé, offre au spectateur un film divertissant qui réussit à éviter la lourdeur dont sont menacées tant de comédies.
D’un point de vue artistique, il faut bien reconnaitre que le réalisateur fait preuve d’un talent indéniable. Les images sont clairement pensées, calibrées, de façon à retranscrire de la meilleure façon l’atmosphère du film. Du huis-clos dans l’habitacle du corbillard, aux vastes étendues d’une campagne touchée par les rigueurs de l’hiver, en passant par la rue quasi déserte d’une ville rappelant par certains aspects une ville-fantôme de western, chaque lieu est capté avec justesse par la caméra. Cette esthétique léchée est complétée à merveille par la musique de Christophe Julien, livrant parfois même de fuyants instants oniriques.

Grand Froid profite aussi pleinement de la participation d’acteurs exceptionnels, menés par un duo Jean-Pierre Bacri – Arthur Dupont qui fonctionne parfaitement. La prestation de Féodor Atkine mérite notamment d’être saluée. Pourtant, malgré ces indéniables qualités, cette comédie laisse le spectateur un peu sur sa faim. Un rebondissement en milieu de film permet certes de relancer un scénario qui menaçait de s’embourber, évitant de justesse l’écueil des longueurs qui se profilait dangereusement, mais on ne peut s’empêcher de se demander si on ne pouvait pas s’attendre à plus. Cette gourmandise cinéphile provient peut-être justement des forces du film, et de son casting. On se retrouve à désirer que les ébauches d’histoires que laissent entrevoir les personnages soient développées de façon plus conséquente. On aurait aimé en découvrir plus sur les personnages secondaires – en particulier le prêtre, interprété par Sam Karmann -, sur leurs secrets et leurs relations.

Grand Froid n’en demeure pas moins une comédie agréable, bien que loin de révolutionner le genre. Gérard Pautonnier livre un premier long-métrage plutôt réussi qui, à défaut d’être un grand film, laisse présager d’une carrière prometteuse dans la réalisation.

David Bolton

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