– Adam McKay ; 2018 –

En 1963, sur une route du Wyoming, le jeune Dick Cheney (Christian Bale), qui a quitté l’université de Yale avant la fin de ses études, est arrêté pour conduite en état d’ivresse. Sa future femme, Lynne (Amy Adams), l’implore de changer et de faire quelque chose de sa vie. Quelques décennies plus tard, ce même Dick Cheney se retrouve dans une salle de commandement de la Maison blanche à faire face aux attentats du 11 septembre 2001.

C’est le destin hors du commun de celui qui a été le vice-président des États-Unis durant les mandats de George W. Bush que retrace Vice d’Adam McKay.

Réalisé par celui à qui l’on doit l’excellent The Big Short, ce biopic s’assumant pleinement à charge est porté par des performances d’acteurs impressionnantes qui permettront notamment à Christian Bale d’obtenir le Golden Globe 2019 du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie. L’acteur réussit une transformation physique incroyable et est méconnaissable. Ses collègues – d’Amy Adams, livrant une prestation réussie dans le rôle de Lynne Cheney, à Sam Rockwell interprétant à merveille un George W. Bush dépassé et manipulé – ne sont pas en reste.

Christian Bale (à gauche) en Dick Cheney and Sam Rockwell (à droite) en George W. Bush Credit : Matt Kennedy / Annapurna Pictures 2018

Le prédécesseur d’Obama ne joue finalement d’ailleurs qu’un rôle relativement mineur dans un biopic qui braque au contraire les projecteurs sur celui qui a tant œuvré dans son ombre. Le 43e président est totalement éclipsé par son numéro deux, dont l’ambition et le pragmatisme – ou plutôt l’extrême cynisme – semblent illimités. Donald Rumsfeld (Steve Carell) dont Dick Cheney a été un assistant à l’ère Nixon, crée un monstre qui finit par le broyer bien des années plus tard.

Les performances des acteurs transcendent un film au scénario parfois un peu brouillon, mais qui malgré son parti-pris demeure une réelle réussite. D’une part, on note la présence réussie de quelques métaphores filées tant dans le visuel que dans les thématiques. D’autre part, dans la pure lignée de son précédent film sur la crise des subprimes, Adam McKay réussit une fois de plus à nous faire rire avec un sujet sérieux. Son style impertinent happe le spectateur, qui ne s’ennuie pas un seul instant.

Dick Cheney (Christian Bale) et Donald Rumsfeld (Steve Carell) Credit : Annapurna Pictures 2018

Pourtant, cette façade comique masque une réalité tragique. De multiples clins d’œil à l’époque actuelle pointent ça et là, de façon plus ou moins subtile selon les cas. Les thématiques du terrorisme, de la défense – ou plutôt de la non-défense – de l’environnement, de la présence pernicieuse des lobbys jusque dans les plus hautes instances de l’État, sont omniprésentes tout au long du film. Et la concentration absolue de pouvoir qui semble possible à la présidence et à la vice-présidence des États-Unis – donc à la portée du duo actuel Trump-Pence – est absolument effrayante.  Tout comme l’est le rappel on ne peut plus salutaire de la prépondérance croissante du rôle du marketing dans la politique moderne.

On ne peut donc qu’être conquis par ce biopic dramatico-comique – ou comico-dramatique, on ne sait plus trop –  efficace à défaut d’être toujours subtil, mordant à défaut d’être neutre, et jouissif à défaut d’être construit de façon totalement rigoureuse. Les prestations impressionnantes des acteurs, alliées au ton moderne, taquin et provocateur du réalisateur font de ce film une des œuvres à ne pas rater en ce début d’année 2019.

5/5 (1)

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