– Xavier Legrand ; 2018 –

Les lumières se rallument, le générique défile mais ce qui frappe, c’est le silence. Certes, on entend vaguement le murmure de quelques voix, le bruissement des manteaux qu’on enfile, le claquement sec des fauteuils qu’on quitte, mais tout cela semble loin. On reste scotché, comme pour reprendre son souffle après le final haletant que vient d’offrir le premier long-métrage de Xavier Legrand, Jusqu’à la garde.

 

Le synopsis fait penser à un drame social très classique. Miriam et Antoine Besson divorcent. Miriam (Léa Drucker) accuse Antoine (Denis Ménochet) de violences et souhaite obtenir la garde exclusive de ses enfants, Julien (Thomas Gioria) et Joséphine (Mathilde Auneveux). Alors que la juge accorde une garde partagée, Julien se retrouve coincé entre ses deux parents.

Une tension croissante amenée de main de maitre

À première vue, on pourrait penser à une forme de remake français de Kramer vs. Kramer, notamment lors de la longue séquence d’ouverture avec la confrontation des deux parents et de leur avocate respective dans le bureau de la juge. Mais peu à peu, par petites touches successives, la tension s’accentue. Du drame social, on bascule peu à peu dans le thriller.

Haut et Court

Il faut saluer le travail virtuose du réalisateur, Xavier Legrand – qui a obtenu pour ce film le Lion argent de la Mostra de Venise 2017. La mise-en-scène est habile, le scénario évite les caricatures et réussit à faire douter le spectateur. La force du film est même d’une certaine manière dans l’utilisation intelligente du non-dit. Là où certains pourraient être tentés d’appuyer le trait, le réalisateur ne fait parfois qu’esquisser certains thèmes, laissant traîner quelques indices ça et là sans les développer outre mesure.

Le spectateur se retrouve confronté à plusieurs points de vue, étant projeté dans la peau de la juge, ou de Julien. Les émotions de certains personnages, leur indécision, leur inquiétude, leur terreur, leurs doutes, sont retranscrits avec une efficacité remarquable.

Pour ce faire, Xavier Legrand a su se servir à merveille de toute la palette des techniques s’offrant à la création cinématographique. Les plans sont variés, originaux, les plans-séquences maitrisés à la quasi-perfection, et le choix de n’utiliser que très peu de musique dans l’œuvre se révèle d’une efficacité redoutable. Là où la bande originale permet souvent de souligner les instants de tension d’un film, son absence quasi-totale agit de façon très similaire.

Des acteurs remarquables

Si le travail du réalisateur est louable, le talent des acteurs l’est tout autant. Toutes et tous, y compris les petits rôles, font preuve d’une justesse remarquable dans leur jeu. Les nuances qui sont apportées dans les différents personnages font la réussite du film, permettant de nous tenir en haleine, et renforçant le réalisme de chaque scène.

Haut et Court

Léa Drucker et Denis Ménochet réussissent à merveille à donner du relief aux personnages qu’ils incarnent, déployant un jeu d’acteur toute en nuance, y compris dans les scènes paroxystiques. Mais il convient de mentionner tout particulièrement le jeune Thomas Gioria qui crève l’écran, campant magistralement le rôle de l’enfant pris en otage dans ce conflit d’adulte, tentant tant bien que mal d’éviter que la situation ne s’envenime.

Que dire alors sur ce premier long-métrage de Xavier Legrand, si ce n’est que c’est un film pesant, marquant, porté par une réalisation magistrale et un jeu d’acteur exceptionnel.

David Bolton

5/5 (2)

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