– 23è édition de l’Étrange Festival ; du 6 au 17/09 –

Ça y est : la vingt-troisième édition de l’Étrange Festival touche à sa fin. Une année particulière, au cours de laquelle les programmateurs ont rendu honneur à un autre Festival incontournable du genre horrifique, le SITGES, ainsi qu’à deux grands représentants du cinéma de genre espagnol : Jaume Balagueró (qui n’a malheureusement pas présenté son dernier long métrage, Muse, dont la sortie est prévue en décembre chez nos voisins) et Álex de la Iglesia (qui a eu l’opportunité de porter un focus sur sa carrière ainsi que son film Pris au piège, tout juste sorti en vidéo). Le Festival a également donné la part belle à Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet à l’occasion de leur exposition à découvrir à la Halle Saint Pierre. Dans une volonté de s’ouvrir et de collaborer à de nouveau médias, l’Étrange a accueilli les équipes de l’émission BiTS, produite par Arte, pour une soirée dont elles seules avaient le secret.

Comme chaque année, l’objectif de l’Étrange est de dénicher de nouvelles et… étranges trouvailles à travers le monde. « Étrange », dans tous les sens du terme : entre le tueur de femmes névrosés de Cold Hell et les extraterrestres d’Avant que nous disparaissions, il se trouve bien d’autres films étonnants, parfois même… traumatisants. Films en compétition, programmes de courts métrages, nouveautés provenant du monde entier et rétrospectives d’œuvres incontournables : il y en a pour tous les goûts (sauf si vous n’aimez pas le sang, les morts douloureuses, et les trips expérimentaux, on ne peut plus grand chose pour vous). Chez Scotchés, nous nous sommes davantage penchés sur la compétition… Voici donc le bilan de nos (possibles) névroses.

Girls girls girls : l’Étrange plus féministe que jamais ?

Cold Hell, de Stefan Ruzowitzky

Où sont les femmes ? C’est tout simple : à l’Étrange. Une partie de la sélection met en vedette bien des personnages féminins forts ou dépassés par une société qui n’a de cesse de remettre leurs droits ou leur sécurité en question. Le Cold Hell de Stefan Ruzowitzky rappelle fortement l’intrigue du premier Millénium signé Stieg Larsson : un tueur en série est surpris en plein acte de torture par une chauffeur de taxi, qu’il décide de prendre en chasse pour ne pas laisser de traces. La jeune femme n’a d’autre choix que d’enfreindre la loi pour se mettre en sécurité… Des plus classiques en apparence, le film de Ruzowitzky est bien plus intelligent et actuel qu’il n’y paraît, remettant en perspective la place de la communauté turque et musulmane au sein de l’Allemagne et de l’Autriche. Cold Hell réserve une chasse à l’homme haletante, menée d’une main de maître par l’actrice Veronica Shurawlow. Le film devrait être disponible en vidéo à la demande d’ici la fin de l’année en France.

Bitch, de Marianna Palka

Produit par Elijah Wood, et notamment soutenu par Bryce Dallas Howard, Bitch est devenu l’un de nos coups de cœur de cet Étrange Festival ! La réalisatrice et scénariste Marianna Palka y campe une mère de famille au bout du rouleau (elle tente de se suicider lors de la première scène) qui se met peu à peu à… agir comme un chien, ce qui correspond à peu près à ce comme quoi elle est considérée par son mari, égocentrique et macho de première catégorie (incarné par un génial Jason Ritter). Quand maman n’est pas là, tout s’effondre : Ritter campe un homme plus que largué parmi toutes les tâches dont s’aquittait sa femme sans aucune reconnaissance. On éprouve un certain sentiment jouissif à voir ce père incapable de trouver l’école de ses propres enfants, puis perdre lui aussi les pédales avant de s’interroger sur son rôle. Le concept est barré, peut-être un peu poussif en apparence, mais terriblement efficace. Bitch serait à n’en pas douter une belle trouvaille pour Netflix, qui a déjà acquis les droits de plusieurs films précédemment sélectionnés à l’Étrange Festival tels que The Invitation ou Emelie.

Les Garçons sauvages, de Bertrand Mandico

Sans aucun doute l’un des OVNIS de cette vingt-troisième sélection. Les Garçons sauvages, ce sont de jeunes actrices (Vimala Pons, Diane Rouxel, Mathilde Warner…) grimées en adolescents frivoles, avides de découvrir de nouvelles sensations tandis que leurs hormones sont en plein essor. L’illusion est parfaite, tant les actrices excellent dans leurs rôles respectifs. Pour les punir de leurs excès, les garçons sont envoyés sur une île sauvage qui les métamorphose peu à peu. Sexes en gros plans, oursins, fruits poilus, huîtres, arbres à plantes phalliques… Les symboles sexuels ne manquent pas, les scènes d’excès et de déréliction non plus. S’il ne nous a pas pleinement convaincu, force est de constater que Bertrand Mandico impose son esthétique volontairement nostalgique, qui prône un retour aux balbutiements du cinéma. Pas question de céder au numérique et aux effets spéciaux à outrance : le réalisateur préfère revenir aux trucages artisanaux, aux effets d’optique sur l’image, aux surimpressions… Les Garçons Sauvages est une œuvre aussi foisonnante et excessive que ses personnages, qui les amène peu à peu à découvrir que le sexe féminin est bien le sexe fort. Le film devrait atterrir dans les salles au début de l’année prochaine, grâce à UFO Distribution.

Petit détour par l’Asie…

The Villainess, de Jeong Byeong-gil

Les femmes fatales sont aussi dans les films asiatiques. Présenté en séance de minuit lors de la dernière édition du Festival de Cannes, The Villainess constitue la pépite du cinéma d’action de cette édition avec ses scènes de combat à en faire pâlir Charlize Theron et Atomic Blonde. De la vue à la première personne façon Hardcore Henry (ou encore Red Steel et Mirror’s Edge, s’il fallait citer quelques inspirations vidéoludiques) au fisheye et à la baston accélérée, les coups de poing, de lâmes et les balles n’en finissent pas de fuser. Dommage cependant que le reste de l’intrigue bascule dans un déroulement bien plus classique et tortueux, très proche du Nikita de Luc Besson : une histoire de vengeance, dont les incessants allers-retours à travers le temps n’ont de cesse de déstabiliser le spectateur. The Villainess sortira directement en DVD et Blu-Ray en février prochain, chez Wild Side.

Mon Mon Mon Monsters, de Giddens Ko

Les arroseurs arrosés. Mon Mon Mon Monsters, c’est l’histoire d’un ado taïwanais qui échappe enfin à la persécution de ses camarades lorsqu’ils découvrent un enfant vampire et décident de le séquestrer. Aucune limite dans ce long métrage horrifique dans lequel le sang coule à flot, à peu près autant que les idées de mise en scène qui ridiculisent tout autre ponte du genre sorti cette année en salles. Le film de Giddens Ko offre une parabole intéressante à propos de la différence et de la tolérance, pleine d’humour noir et de scènes extravagantes, comme celles où le héros se fait humilier par sa classe sans aucune réaction de la part de sa professeure, dépassée par la situation. On espère qu’un distributeur français se montrera vite intéressé par le film !

Avant que nous disparaissions, de Kiyoshi Kurosawa

Personne n’arrête Kiyoshi Kurosawa. Alors que Le Secret de la chambre noire et Creepy sont sortis dans nos salles cette année, le réalisateur japonais est également revenu sur la Croisette en mai dernier pour son dernier film : Avant que nous disparaissions. Le cinéaste renoue avec une intrigue fantastique, sur fond d’invasion extraterrestre, êtres qui prennent peu à peu possession de nos corps et s’emparent de nos concepts de vie – littéralement – en les retirant de notre mémoire. En multipliant les points de vue et groupes de personnages, Kurosawa alourdit quelque peu le rythme de son film (déjà un peu trop long). Persiste cependant une certaine drôlerie face aux découvertes de ces extraterrestres, encore non familiers au corps humain. Le film sortira le 14 mars 2018 au cinéma.

Et aussi…

Mayhem, de Joe Lynch

Après Everly, où Salma Hayek dépouillait du yakuza à n’en plus finir, Joe Lynch renoue avec le huis clos morbide dans Mayhem, qui met cette fois en vedette l’un des héros disparus de la série The Walking Dead, l’acteur Steven Yeun. Il n’est pas question d’affronter des zombies mais des humains enragés, victime d’un virus qui leur fait perdre tout sens moral : si tu as envie de puncher ton patron, en gros, tu le fais. Le problème, c’est que ça risque (très fortement) de déraper. Et quand Steven Yeun se fait virer de son boulot pour un motif douteux, ça crée un joyeux bordel dans l’entreprise (non, on ne parle pas de la comédie de Noël avec Kate McKinnon). Plus barré que son précédent film, il est regrettable de ne pas voir Mayhem aller aussi loin qu’il ne le devrait, faute à des combats édulcorés (entendez sans effusion de sang). Dans tous les cas, comme film d’ouverture, ça réveille !

Face à la délicate situation du genre horrifique, pour lequel beaucoup de représentants peinent à trouver une exploitation adéquate en salles, il est toujours bienvenu de voir des festivals comme l’Étrange ou le PIFFF (à venir à la fin de l’année) mettre en avant de nouvelles voix. L’ambiance bon enfant qui se dégage des séances et des présentations et la présence de nombreux habitués donnent plutôt l’impression d’assister à une immense réunion de famille, toujours prête à accueillir de nouveaux membres chaque année. Plus l’on est de fous, plus l’on rit ? C’est du moins l’impression que nous laisse ce bel événement de cinéma : rendez-vous l’année prochaine !

Gabin Fontaine

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