– Christian Carion ; 2017 –
Nouvelle collaboration entre Christian Carion et Guillaume Canet, Mon Garçon permet au réalisateur de Joyeux Noël de renouer avec un cinéma plus contemporain, plongeant ainsi l’un de ses acteurs fétiches au cœur d’un thriller à la fois haletant et efficace. L’âpreté du projet de réalisation, qui aborde la thématique très rude de la disparition d’un enfant, permet à Guillaume Canet de se sublimer et de camper une figure paternelle très inspirée. Il faut dire qu’après plusieurs années de gestation, Mon Garçon se révèle être un film abouti et véritablement porté par l’énergie de l’acteur.
Mon Garçon est avant tout le fruit d’un dogme de réalisation expérimental qui a eu pour ambition de plonger Guillaume Canet dans un scénario qu’il ne connaissait pas. Il est dès lors impressionnant de constater avec quelle justesse ce dernier rend compte de la quête de Julien, le personnage principal, pour retrouver son fils. Face à lui, Mélanie Laurent et Olivier de Benoist, dont c’est le premier rôle au cinéma, sont impériaux et servent inévitablement le jeu de Canet. Outre la distribution, Christian Carion devient lui-même une simple partie du cadre dans lequel évolue son acteur, et en deviendrait presque spectateur. Le côté expérimental de la réalisation, qui s’apparente dès lors à un jeu de piste étalé sur six jours de tournage, offre une liberté presque totale au récent réalisateur de Rock’n Roll et les scènes d’exploration en lieux clos font part d’un réalisme anxiogène. De fait, la part d’improvisation comme l’aspect de « réalisation sans filet » confèrent au long-métrage une aura particulière qui sert tout à fait le propos de Mon Garçon.
Si Christian Carion privilégie ici l’aspect viscéral de la réalisation, on regrette toutefois qu’il en oublie parfois la compréhensibilité de son scénario. Alors que la trame principale est très bien tenue, vient s’insérer une sous-intrigue qui dessert quelque peu la cohérence de l’ensemble et qui, par ailleurs, offre un final somme toute assez flou, notamment en ce qui concerne les motivations des antagonistes. La part de mystère qui vient dominer les derniers instants de Mon Garçon permet toutefois de nuancer les actions du personnage principal, ce qui n’est pas sans rappeler la réalisation de Denis Villeneuve, Prisoners, où Hugh Jackman campait lui aussi un père prêt à tout pour retrouver sa fille.
Diaphana
On remarquera à ce propos les similarités entre les deux réalisations, qu’il s’agisse de la structure narrative (dans les deux cas nous suivons un père qui enfreint les lois et la morale et qui, en fin de réalisation, se retrouve dans une situation critique laissant le spectateur décider de la légitimité de son action) ou même de l’esthétique globale. En ce qui concerne ce dernier point, il est à remarquer que plusieurs réalisations américaines au scénario proche de Mon Garçon ont fait le choix d’installer leur action dans un paysage austère et -souvent- enneigé, qu’il s’agisse donc de Prisoners, de Captives par Atom Egoyan ou encore du récent Wind River de Taylor Sheridan, dont on vous proposait la critique il y a peu. Ces similarités esthétiques nous laissent penser que Mon Garçon cherche véritablement à s’imposer comme un grand thriller qui ne délaisse pas son aspect technique au bénéfice de l’action.
En termes d’ambiance globale, il faut ici aussi saluer l’excellent travail de Christian Carion qui nous offre des moments d’angoisse diablement efficaces, s’appuyant pour ce faire sur une photographie très sombre et une musique angoissante, inscrite en filigrane tout au long de la réalisation. La montée progressive en tension et le jeu sur la « folie » du principal protagoniste laissent très peu de répit au spectateur, littéralement happé par cette course contre la montre qu’est Mon Garçon ; âpre et presque insoutenable par moments, le nouveau projet de Christian Carion installe une atmosphère anxiogène accentuée par l’identification à un Guillaume Canet lui aussi en permanence sous tension.
Diaphana
En définitive, malgré une fin convenue et un scénario qui s’égare parfois, Mon Garçon est un bel objet de cinéma et repose sur des choix de réalisation audacieux qui confèrent à la réalisation de Christian Carion une saveur particulière. Guillaume Canet se surpasse une nouvelle fois et livre une performance convaincante dans cette quête angoissante d’un père à la recherche aussi bien de son fils que de sa paternité.
Vincent Bornert
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