– Stephen Frears ; 2017 –
Stephen Frears ne lâche plus le biopic ! L’an dernier, le réalisateur avait pour vedette Meryl Streep dans Florence Foster Jenkins, la véritable chanteuse/casserole d’opéra qui inspira la Marguerite de Xavier Giannoli. Cette fois-ci, Frears retrouve Judi Dench (avec qui il avait déjà collaboré pour le très remarqué Philomena) et lui offre un rôle que l’actrice britannique connaît déjà plutôt bien : celui de la Reine Victoria, tenu vingt ans plus tôt dans La Dame de Windsor (Mrs. Brown) de John Madden. Une décision somme toute logique puisque la performance de l’actrice lui a valu d’être récompensée d’un BAFTA et d’un Golden Globe…
Si Confident royal opte davantage pour une approche comique, les deux films ont tout à voir : une relation intrigante entre la Reine Victoria et un membre de son personnel, qui suscite l’interrogation et la rumeur. Il n’est pas question ici du palefrenier écossais John Brown mais du servant indien Abdul Karim (incarné par Ali Fazal), qui connaîtra le quotidien de la Reine Victoria jusqu’à la toute fin de son règne… Alors que la souveraine s’interroge sur les contraintes inhérentes à son long règne, les deux personnages vont former une improbable alliance, faisant preuve d’une grande loyauté mutuelle que la famille de la Reine ainsi que son entourage proche vont tout faire pour détruire. À mesure que leur amitié s’approfondit, la Reine retrouve sa joie et son humanité et réalise à travers un regard neuf que le monde est en profonde mutation.
Stephen Frears (un peu) on repeat
Il semblerait que Stephen Frears bascule désormais dans la facilité, en réservant le même traitement à ses films, l’un après l’autre. Confident royal utilise la même recette que pour Florence Foster Jenkins, à savoir un traitement décalé et humoristique d’un fait historique, annoncé en grandes pompes dès le carton qui fait office de premier plan : « tiré d’une histoire vraie… pour l’essentiel ». Il apparaît donc comme évident que cette vision de l’histoire soit (grandement) romancée et (quelque peu) caricaturale. La Reine Victoria est une dame âgée et en surpoids, constamment en train de s’endormir en raison de son ennui face aux célébrations royales. Surtout, cette dernière se montre résolument acariâtre : interdiction formelle de croiser son regard, ou même de lui adresser la parole ! La Cour Royale, soit ses plus proches collaborateurs, sont quant à eux assimilés à un petit clan de fouineurs désireux de mettre en péril la relation entre Victoria et Abdul.
Confident royal joue également la carte du dépaysement en nous emmenant dans les véritables lieux historiques d’Angleterre et non en studio, qu’il s’agisse du Château de Windsor ou d’Osborne House. Il en ressort un sentiment d’intimité d’autant plus ténu que le film reproduit également le portrait d’Abdul Karim, appelé le « Munshi » (professeur en langue urdu), réalisé par le peintre autrichien Rudolf Swoboda.
Bien que le réalisateur applique désormais la même méthode, force est de constater que son casting parvient à rendre l’ensemble un peu plus frais en nous réservant quelques beaux moments d’humour. La complicité entre Judi Dench (actrice plus qu’accomplie, multi-récompensée et inoubliable dans le rôle de M dans la saga James Bond) et Ali Fazal (révélé à l’international dans Fast and Furious 7 après une carrière en Inde) rend leurs personnages d’autant plus attachants. La rivalité entre Victoria et sa famille se conclue sur un monologue de la reine, petit coup d’éclat où l’actrice se montre irrésistiblement cinglante, alors que la caméra de Frears passe très lentement de la plongée à la contre-plongée, soulignant ainsi la reconquête de la Reine, pourtant en difficulté seule face aux rumeurs et à son état de plus en plus inquiétant. Confident royal s’impose ainsi comme une comédie-biopic satisfaisante et émouvante, sans pour autant révolutionner le genre.
Gabin Fontaine
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