-Todd Haynes ; 2017-

Après l’ouragan Carol, et son prix d’interprétation cannois pour l’actrice Rooney Mara, Todd Haynes est revenu cette année sur la Croisette avec Le Musée des Merveilles. Bien qu’il en soit parti bredouille, le réalisateur a vraisemblablement émerveillé son très jeune casting, acteurs pour qui le film représentait leur premier grand rôle au cinéma : Millicent Simmonds, Oakes Fegley et Jaden Michael sont les petits héros au grand cœur d’une merveilleuse ode dédiée à l’enfance, à la découverte et à la tolérance. Tous les thèmes de prédilection de son scénariste Brian Selznick (qui a également écrit le roman dont est tiré le film) sont réunis. De quoi nous rappeler des souvenirs, puisque l’auteur est aussi à l’origine du livre Hugo Cabret, adapté à l’écran par Martin Scorsese sous la plume de John Logan.

Sur deux époques distinctes, Le Musée des Merveilles suit les parcours de Ben et Rose. Ces enfants souhaitent secrètement que leur vie soit différente ; Ben rêve du père qu’il n’a jamais connu, tandis que Rose, isolée par sa surdité, se passionne pour la carrière d’une mystérieuse actrice. Lorsque Ben découvre dans les affaires de sa mère l’indice qui pourrait le conduire à son père et que Rose apprend que son idole sera bientôt sur scène, les deux enfants se lancent dans une quête à la symétrie fascinante qui va les conduire jusqu’à New York.

This is Ground Control to Major Haynes

S’il n’est pas aisé de voir, au premier abord, ce qui lie la trajectoire de ces deux enfants, force est de constater que Todd Haynes soigne ses transitions entre les époques avec soin et pertinence. Il s’agit bien souvent d’un lien sonore, qui fait écho d’une période historique à l’autre : un bruit, une mélodie lointaine.

Une belle manière de basculer entre les techniques cinématographiques, aussi, puisque l’image du Musée des Merveilles jongle entre le noir et blanc et la couleur, tout comme Haynes prenait soin d’utiliser la pellicule d’époque en tournant Carol. Le film se permet même une petite incursion dans l’animation, et mêle ainsi les techniques afin de différencier les niveaux de la diégèse.

Le tout correspond à la volonté qu’ont les enfants de trouver une vérité, et qu’on leur raconte ce qu’ils souhaitent entendre. Alors que Rose collectionne les photos et coupures de journaux consacrées à son idole dans son propre livre, Ben s’accroche à l’ouvrage avec lequel il a grandi, souvenir de sa mère disparue et de ce père qu’il souhaite retrouver.

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Une ôde au cinéma et aux sensations

Raconter une histoire, des histoires, c’est ce que Todd Haynes entreprend de bien des manières dans ce film : l’impact du noir et blanc et de la couleur sert aussi à remettre en perspective l’histoire du cinéma, le passage du muet au sonore, notamment accentué par le handicap qui unit Rose et Ben.

La surdité, d’abord appréhendée comme un obstacle, dans un monde où il est désormais difficile d’échapper à la tromperie ou aux accidents, devient peu à peu leur force, leur moteur créatif. Leur handicap n’empêche pas l’émerveillement, ni la découverte : cette parenthèse enchantée au cours de laquelle Ben parcourt le Muséum d’Histoire Naturelle en compagnie de son nouvel ami Jamie (Jaden Michael) réserve beaucoup d’émotions. À la mise en scène de Todd Haynes, qui joue alors beaucoup avec les ombres, le hors-champ, dans cette immense partie de cache-cache, s’adjoint la somptueuse musique de Carter Burwell, dont l’instrumentalisation (du piano, triangle, xylophone) sied parfaitement à cette ère enfantine.

Alors oui, peut-être que le film manque un tout petit peu de rythme, peut-être que le rôle final de Julianne Moore (actrice fétiche du réalisateur, qu’il retrouve après Loin du Paradis, de nouveau dans la ville de New York) peut surprendre et peine légèrement à convaincre. Mais qu’importe. Todd Haynes parvient à nous émerveiller autant que ses tout jeunes acteurs. Malgré un dénouement quelque peu lugubre en apparence, Le Musée des Merveilles laisse entrevoir un « après » beaucoup moins sombre. Ce n’est après tout qu’une belle métaphore de tout ce que nous traversons au cours de notre vie.

Gabin Fontaine

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