– Andres Muschietti ; 2017 –

Pennywise n’a pas fini de nous faire peur. Après un téléfilm diffusé dans les années quatre-vingt-dix, avec un certain Tim Curry dans la peau du clown meurtrier, Warner Bros. Pictures réadapte le mythique roman de Stephen King sous la houlette d’Andres Muschietti, réalisateur du très sympathique Mama. Déjà désigné comme le meilleur lancement de l’histoire du cinéma pour un film d’horreur, Ça – Chapitre Premier (car oui, il y aura une suite) rejoint Annabelle 2 : la Création du Mal au rang des succès de l’année au box-office. Mais dans nos cœurs, Ça se fait une place bien plus grande que le spin-off de la saga Conjuring dont nous vous parlions pas franchement de manière très enjouée. La durée du film (2h15) mais surtout sa production mouvementée (Muschietti a remplacé Cary Fukunaga, toujours crédité au scénario) avaient peut-être de quoi inquiéter. Or, cette balade à vélo auprès des enfants de Derry se révèle être l’un des plus beaux moments d’horreur auxquels l’on a pu se frotter cette année, et même au-delà ! Pour le coup, nous sommes scotchés.

Derry bien qui rira le dernier

La jeunesse de Derry est inquiétée par des disparitions d’enfants de plus en plus nombreuses… Pour tenter de retrouver les leurs, un groupe de sept enfants (joliment considérés comme « Les Ratés » de leur école) va s’unir et partir à la recherche de la créature responsable de ces enlèvements : le clown Pennywise. Le casting de cette bande d’ados constitue déjà l’un des grands points forts de ce Ça, en partie puisqu’il repose sur un bon nombre d’enfants encore inconnus du grand public. On y retrouve Jaeden Lieberher, l’enfant aux pouvoirs magiques de Midnight Special réalisé par Jeff Nichols (dont on vous parlait juste ici), mais aussi l’une des têtes d’affiches de la série Stranger Things (dont la saison 2 commencera le 29 octobre prochain) Finn Wolfhard. Ce dernier devient Richie, le petit rigolo de la bande, aux punchlines bien senties : on doute avoir autant entendu un enfant jurer dans un film… Le premier, quant à lui, mène le groupe. Son personnage, Bill, a plus qu’envie de retrouver le coupable de la disparition de son frère Georgie (Jackson Robert Scott), qui n’aurait pas dû se rapprocher autant des bouches d’égouts.

Les autres enfants sont aussi doués que leurs semblables, et à la hauteur de leurs personnages qui, une fois n’est pas coutume chez Stephen King, représentent un portrait vif et varié de la société américaine, assujetti à la peur. À l’image de The Mist (adapté à la fois en film et en série), les concepts de communauté et de confiance sont mis à rude épreuve par un ennemi dont la forme initiale demeure mystérieuse. Car « ça » se nourrit de votre personnalité et, par conséquent, de vos propres peurs pour mieux vous attraper. Qu’il s’agisse de souvenirs personnels pour Mike (Chosen Jacobs), de l’hypochondrie prononcée d’Eddie (Jack Dylan Grazer) ou de la puberté et la virginité pour Beverly (Sophia Lillis), toutes ces terreurs d’enfants sont mises à profit des scènes d’hallucinations, dans une mise en scène délicieusement anxiogène. Si Ça (le film, cette fois) se repose bien évidemment sur des effets de jumpscares désormais habituels pour le genre, l’oeuvre nous réserve toutefois quelques surprises, mais surtout un antagoniste de premier choix. Bill Skarsgård excelle dans le rôle du clown Pennywise, menaçant comme jamais (bien que parfois contorsionné par les images de synthèse, comme le fut le Crooked Man de Conjuring 2 – Le Cas Enfield, lui-même très inspiré de Ça).

Ça s’en va et Ça revient !

La grande réussite de ce Ça, qui tient surtout à l’écriture originelle de Stephen King, est la manière dont cette intrigue demeure intemporelle malgré son ancrage dans la fin des années 80. Cette histoire a de toute manière vertu à se renouveler, puisque le clown nous réserve de nouvelles frayeurs vingt-sept ans plus tard dans un second volet, où les terreurs des personnages en tant qu’enfant se réactualiseront à l’âge adulte. Les thèmes que l’œuvre suscite sont éternels et ont animé bien d’autres films ou séries par la suite : maltraitance, harcèlement, batailles d’idéaux et de générations… Mais surtout : les balades à vélo. Elles ne viennent surtout pas de Stranger Things. Non mais.

Alors que la nouvelle saison de American Horror Story utilise le personnage du clown pour terrifier ses spectateurs (mais surtout Sarah Paulson) et les monter de manière plus frontale contre le résultat des dernières élections présidentielles, le message d’unité prôné par Ça est bien plus subtil. Pennywise souhaite instiguer la peur pour pousser la jeunesse de Derry à s’entre-déchirer avant de passer à l’acte. Mais il n’y a pas que la vérité qui sorte de la bouche des enfants, ils portent aussi en eux le courage dans une ville où les adultes sont complètement invisibles ou, lorsqu’ils sont présents, particulièrement incompréhensifs ou vicieux… Rendez-vous dans quelques années pour la suite des aventures du Club des Ratés !

Gabin Fontaine

4/5 (3)

Et si vous nous donniez votre avis ?