L’idylle continue entre Mike Flanagan et Netflix. Après Hush (renommé Pas un bruit) l’an dernier, deux films du réalisateur se sont vus diffusés sur la plateforme de vidéo à la demande cette année : Ne t’endors pas (Before I Wake), avec l’adorable Jacob Tremblay, et Jessie (Gerald’s Game), adapté du roman de Stephen King (qui doit toucher un paquet de royalties entre l’adaptation de Ça, sa nouvelle série à venir avec J.J. Abrams et 1922, autre film estampillé Netflix tiré d’une nouvelle).
Voici le pitch du dernier Flanagan : Pour redonner un coup de fouet à leur vie de couple, Jessie et Gerald s’isolent dans leur résidence secondaire, au bord de la mer. Ils se livrent à un jeu sexuel dont la tournure est plus qu’inattendue : pris d’une crise cardiaque, Gerald s’effondre au pied du lit. Sa femme, menottée, doit trouver le moyen de s’en sortir et d’échapper à la panique…
Seule face à la mort
Pas de doute : il semblerait que Mike Flanagan aime bien s’enfermer. Sûrement un peu pour cacher le budget de ses productions, plutôt modestes, le cinéaste aime faire tenir l’action de ses films dans des environnements restreints et intimistes. C’est à la maison, là où vous vous sentez le plus en sécurité, que l’horreur finit par s’immiscer, comme dans bien des films de genre. Tout a commencé avec The Mirror, plaque de verre à l’origine d’une malédiction familiale (désormais remaké par le cinéma indien). Le cadre du miroir est le même que la tête de lit sur lequel Jessie se retrouve prisonnière, tandis que, sur son étagère, se trouve le livre écrit par le personnage principal de Pas un bruit, incarné par Kate Siegel.
Cadre intimiste et cercle de personnages renfermé
Il est toujours question de famille, d’enfants, de couple : celui de Ne t’endors pas tente de faire face à la mort de son enfant et décide des années plus tard d’adopter un petit garçon. Dans Ouija 2 : Les Origines, une veuve prend son foyer en main et donne l’exemple à ses jeunes filles, tout en tenant son cabinet de voyance. À l’image de l’héroïne sourde de Hush, Jessie est seule face au danger et se doit de survivre. Comme souvent chez Flanagan, les personnages féminins ont la part belle. Et c’est tant mieux.
Mais est-ce réellement palpitant de regarder une femme menottée à un lit pendant plus d’une heure et demie ? La réponse est toute simple : oui. Dans Jessie, l’horreur est intérieure, maladive. Le personnage de Carla Gugino fait face à une situation de détresse absolue, et se voit submergée par la folie… et son passé. Elle se parle à elle-même, littéralement, mais aussi à l’esprit vengeur de son mari, dont le corps sans vie au pied du lit n’est désormais plus dans son champ de vision.
Folie furieuse
La terreur de Jessie se terre essentiellement dans les mots et dans les souvenirs. La performance de Carla Gugino et Bruce Greenwood, qui se poussent l’un et l’autre dans leurs retranchements, donne lieu à un affrontement verbal des plus oppressants, preuve de la complexité du personnage de Jessie, poursuivie par les démons qu’elle tente de garder en elle. Avec un sens du timing minutieusement mené, les révélations sur la vie de ce couple, mais aussi sur le passé de l’héroïne, tiennent en haleine le spectateur malgré l’apparente redondance de la forme.
En dépit d’un dernier tiers trop explicatif – la seule véritable incursion fantastique se doit d’être élucidée sans pour autant être nécessaire -, Jessie réserve l’un des portraits de femmes les plus farouches de l’année. Si vous y cherchez un film d’horreur bourré de jump scares, ce n’est pas celui qu’il vous faut. Mais le sentiment d’angoisse grandissante qui s’en dégage est suffisamment prenant pour ne pas regretter le voyage.
Gabin Fontaine
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